Dans notre dernière livraison (édition n°132) nous faisions état de la situation délétère dans les entreprises publiques. La grogne chez les travailleurs est perceptible et le coup de colère se répand comme une traînée de poudre, avions-nous écrit, s’agissant de la situation sociale à la Société commerciale des transports et des ports (SCTP). C’est maintenant le tour dans la REGIDESO de basculer après l’effet d’annonce du Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP). Il semble que le COPIREP, a dans le cadre de la réforme des entreprises publiques, levé l’option de transformer la REGIDESO en deux sociétés : l’une chargée de la gestion du patrimoine, et l’autre de l’exploitation. Comme il fallait s’y attendre, cet effet d’annonce a provoqué un tollé général.
Il est d’usage dans les sociétés d’État qu’au début de l’année, se tiennent des rencontres annuelles, entre mandataires et personne pour définir l’avenir de l’entreprise. Dans le cas de la REGIDESO, l’exercice a eu plutôt l’air d’un palabre cette année. En février, les mandataires de l’État à la REGIDESO SA et les délégués syndicaux se sont donc retrouvés pour la tenue des travaux des 1ère et 2ème rencontres annuelles mixtes à Kinshasa. Ces travaux ont consisté en l’évaluation des activités de l’entreprise placée sous la gestion du groupement ERANOVE/SDE. Concrètement, les participants se sont penchés sur le processus de la réforme en cours : exploitation, ressources humaines, finances. Le constat tiré de la situation de la REGIDESO SA en 2016 est peu reluisant. La société aurait dû atteindre un certain équilibre financier, début second semestre 2016, selon le vade-mecum du COPIREP de juillet 2011. Hélas, le groupement ERANOVE/SDE commis aux commandes de l’entreprise n’a pas réalisé cet objectif. Entretemps, l’État doit à la REGIDESO 130 milliards de francs.
Alors que le gouvernement et le groupement ERANOVE/SDE ont signé un second contrat de service (2016- 2018), voilà que le COPIREP jette un pavé dans la mare. Liquider la REGIDESO pour créer sur ses cendres deux sociétés distinctes. L’option envisagée est très mal accueillie par les employés, qui, eux ont en poche un autre schéma de sortie de crise.
Le sort semble déjà scellé
En tout état de cause, le sort de la REGIDESO SA était déjà scellé… depuis 2010, en fait. Quand la stratégie de sa restructuration conçue par le COPIREP a été approuvée par le gouvernement. Selon cette stratégie, le processus de restructuration doit se faire en deux temps : d’abord, la stabilisation et le redressement sur 5 ans, puis la restructuration en profondeur. En d’autres termes, la réforme de la REGIDESO a été envisagée sous forme de transformation en société de patrimoine, techniquement et financièrement viable, propriétaire et/ou concessionnaire des infrastructures de production et de distribution d’eau. Ensuite, sous forme de redéfinition des périmètres des centres d’exploitation de la société en fonction des critères de viabilité technique, économique et financière sans forcément suivre la logique de la décentralisation administration et politique du pays.
Bref, précise un rapport du COPIREP, le gouvernement a déjà approuvé que la création de deux sociétés distinctes : l’une en charge du patrimoine et l’autre de l’exploitation. D’après le COPIREP, la cession de l’exploitation des activités de production et de distribution d’eau à des sociétés d’exploitation privées et/ou publiques devra se faire à travers, selon le cas, des contrats d’affermage, de gestion ou toute autre forme de partenariat jugée utile, à conclure sur les périmètres des centres préalablement définis. Les sociétés d’exploitation pourraient aussi être des sociétés d’économie mixte.
Le COPIREP motive sa position par le fait que la REGIDESO SA est minée par moult problèmes. Par exemple, il y a ambiguïté sur le régime juridique des biens constituant l’actif immobilisé de cette entreprise publique, absence des titres de propriété de la quasi-totalité des biens immobilisés figurant à l’actif du bilan de la REGIDESO à la date de sa transformation en société commerciale (le 31 décembre 2009), l’existence d’un important volume des créances croisées entre la REGIDESO et l’État, d’une part, et la REGIDESO et les autres sociétés commerciales avec seul l’État comme actionnaire unique, d’autre part. Il y a également la dette (commerciale, financière et sociale) due par la REGIDESO à des tiers, dont elle est incapable d’assurer la prise en charge (passif non assurable), un volume important d’emprunts contractés par l’État congolais et rétrocédés à la REGIDESO… Pire, il n’existe pas une convention de gestion du service public de l’eau entre l’État et la REGIDESO. Selon le nouveau code de l’eau, qui veut peut devenir exploitant et distributeur de l’eau courante sur toute l’étendue de la République démocratique du Congo.
C’est ici que les agents de la REGIDESO s’empoignent. D’accord pour le partenariat public-privé, disent-ils. « Les investisseurs qui veulent opérer dans le secteur de l’eau sont les bienvenus parce qu’il y a la loi qui le libéralise. Néanmoins, ils doivent aller s’installer là où la REGIDESO n’est pas présente. », explique Jean-Bosco Mwaka, un leader syndicaliste.
D’après lui, la REGIDESO est capable de signer des contrats avec des partenaires privés. Par exemple, il y a déjà un contrat avec MERCICOR à Goma pour la gestion des bornes fontaines. Et cela donne des résultats, expliquent les syndicalistes. Il est donc hors de question de céder l’exploitation à des tiers. Cependant, le SYNATRAD, syndicat maison de la REGIDESO, laisse une ouverture : la signature des contrats d’exploitation avec la REGIDESO pour étendre l’accès à l’eau potable à la population. C’est pourquoi, au consultant qui va venir dans le cadre de la réforme en profondeur de la REGIDESO, ils disent déjà non à la création de deux sociétés. « Où est-ce qu’on trouvera de l’argent pour mettre en place les structures des nouvelles sociétés au moment où l’État doit 130 milliards de francs congolais à la REGIDESO ? », s’interroge-t-on à la REGIDESO.
Selon la présidente du conseil d’administration de la REGIDESO, Dina Masika Yalala, le business plan en cours consiste à faire de la REGIDESO SA « une société à gestion davantage tournée vers l’atteinte des objectifs de son redressement. » Il s’agit en pratique d’améliorer le taux d’accès à l’eau potable, les services de qualité à rendre à la clientèle et d’accroître les performances en vue de rétablir l’équilibre financier de la société.
La vision de la REGIDESO SA consiste à accompagner le processus de décentralisation, à renforcer l’implication des provinces dans le développement des infrastructures d’addiction d’eau potable, le partenariat et la confiance des bailleurs de fonds pour augmenter la mobilisation des ressources nécessaires aux investissements.