Plus de 255 millions d’emplois perdus en 2020 à cause du Covid-19

Au moment où la deuxième vague frappe durement les pays européens et les États-Unis, ici et là, on tire les enseignements de la gestion de la crise du coronavirus dans le monde durant l’année passée. Par exemple, l’OIT vient de publier un nouveau rapport qui confirme les effets néfastes de la pandémie sur le marché du travail.

QUE DE DOMMAGES ! La crise sanitaire liée au coronavirus continue de laisser de lourdes séquelles sur l’emploi et les revenus, équivalant à 255 millions d’emplois perdus en 2020, a annoncé la semaine dernière l’Organisation internationale du travail (OIT).  Ce nouveau rapport confirme ainsi le terrible impact subi par le marché du travail en 2020. Sur l’ensemble de l’année dernière, 8,8 % des heures de travail ont été perdues dans le monde, par rapport au quatrième trimestre 2019. Ce qui équivaut à 255 millions d’emplois à temps plein.

Cela représente un nombre quatre fois plus élevé que celui des heures perdues pendant la crise financière mondiale de 2009.  « Les signes de reprise économique que nous percevons sont encourageants, mais ils restent fragiles et très aléatoires, et nous devons nous rappeler qu’aucun pays ou aucune catégorie ne pourra s’en sortir seul », souligne Guy Ryder, le directeur général de l’OIT. Le rapport indique que plus de 70 % de ces pertes d’emplois, soit 81 millions de personnes, sont attribuées à l’inactivité plutôt qu’au chômage. 

Baisse des revenus

Ce qui signifie que ces personnes ont quitté le marché du travail parce qu’elles n’étaient pas en mesure de travailler, peut-être en raison des mesures de restrictions liées à la pandémie de Covid-19 ou, tout simplement, parce qu’elles ont cessé de chercher du travail. Si l’on s’attache uniquement au chômage, on sous-estime donc gravement les conséquences du Covid-19 sur le marché du travail, indique le rapport. 

Ces pertes massives ont entraîné une baisse de 8,3 % des revenus du travail de manière globale. Des données qui ne tiennent pas compte, toutefois, des plans d’aide qui ont été adoptés un peu partout dans le monde. Ce qui équivaut à  3 700 milliards de dollars ou encore 4,4 % du Produit intérieur brut mondial (PIB), précise l’OIT.

Le rapport met en évidence les conséquences inégales sur les différents secteurs économiques, géographiques et sur le marché du travail dans sa diversité. Le secteur le plus touché par la pandémie de Covid-19 est celui des activités d’hébergement et de restauration, qui a perdu un cinquième de ses emplois. Suivent les activités du commerce et de la fabrication. En revanche, l’OIT souligne une hausse des embauches aux deuxième et troisième trimestres 2020 dans l’information et la communication ainsi que dans les activités financières et d’assurances. Des gains marginaux ont également été enregistrés pour les activités extractives et les services. 

Par ailleurs, le rapport de l’OIT note que les femmes ont risqué beaucoup plus que les hommes de devoir quitter le marché du travail et ainsi se retrouver inactives. Les pertes d’emplois ayant affecté les femmes s’élèvent à 5 %, contre 3,9 % pour les hommes. 

Les jeunes travailleurs ont été également particulièrement impactés, soit en perdant leur emploi, soit en quittant la vie active ou encore en retardant leur entrée sur le marché du travail. Les pertes d’emplois chez les jeunes (âgés de 15 à 24 ans) s’élevaient à 8,7 %, par rapport à 3,7 % au-delà de 24 ans. « Cela met en évidence le risque plus que jamais réel d’une génération perdue », fait remarquer l’Observatoire de l’OIT. 

Les signes de reprise

Après « les perturbations sans précédent » de 2020 liées à la pandémie de Covid-19 et « un haut degré d’incertitude » cette année, l’OIT entrevoit « des signes d’une timide reprise économique ». Les dernières prévisions pour 2021 indiquent que la plupart des pays devraient connaître une croissance relativement forte dans la deuxième moitié de l’année, au fur et à mesure que les programmes de vaccinations seront opérationnels. L’Observatoire de l’OIT a prévu trois scénarios en matière de relance : un scénario de référence, un scénario pessimiste et un scénario optimiste.  

Si l’on suit le scénario pessimiste qui part du principe que les progrès seront lents, en particulier en ce qui concerne la vaccination, les heures de travail baisseraient de 4,6 %. Le scénario optimiste table toutefois sur une baisse de l’ordre de 1,3 %. Dans tous les cas, les Amériques, l’Europe et l’Asie centrale subiraient environ deux fois les pertes d’heures de travail des autres régions. « Tout dépendra donc si la pandémie est sous contrôle et si l’on enregistre un regain de confiance de la part des consommateurs et des entreprises », relève l’OIT.

« Nous sommes à la croisée des chemins. L’un d’entre eux mène vers une reprise économique inégale, non durable, une reprise teintée d’inégalités grandissantes et d’une instabilité croissante, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles crises. L’autre chemin, lui, passe par une reprise centrée sur l’humain afin de mieux reconstruire en donnant la priorité à l’emploi, aux revenus et à la protection sociale, au droit du travail et au dialogue social », fait valoir Guy Ryder.

Face à ces perspectives pas reluisantes, l’OIT prône des politiques macroéconomiques conciliantes en 2021 et au-delà, et à inclure, lorsque c’est possible, des mesures de relance budgétaire. Elle appelle à ce que des dispositions visant à soutenir les revenus et à promouvoir les investissements soient mises en place.

Il s’agit surtout prendre des mesures ciblées pour les secteurs les plus touchés, mais aussi les couches de la population les plus vulnérables, notamment les femmes, les jeunes, les personnes peu qualifiées et les travailleurs précaires. 

Selon l’OIT, un soutien international sera également nécessaire à destination « des pays en développement, qui disposent de moins de moyens financiers pour déployer des vaccins et promouvoir la relance économique et de l’emploi ». 

Il sera enfin nécessaire de privilégier le dialogue social afin de mettre en œuvre des stratégies de reprise indispensables pour créer une économie plus inclusive, plus équitable et plus durable.