Monsieur le Président, mardi 29 septembre, les chef·fe·s d’Etat du monde entier se réunissent à l’ONU pour décider de mesures multilatérales pour financer le développement dans le cadre d’une crise mondiale inédite. Nous vous exhortons à y soutenir des solutions systémiques pour surmonter la crise économique, sociale et politique sans précédent déclenchée par la pandémie de Covid-19, qui menace la vie et le bien-être de milliards de personnes.
Cette crise exacerbe déjà les inégalités, au sein des pays et entre les pays. Elle pourrait faire dérailler les efforts communs pour atteindre les objectifs pour le développement durable et pour répondre à l’urgence climatique croissante. Au Sud, la gravité de la situation fait déjà craindre de nouvelles décennies perdues dans la lutte contre la pauvreté et la lutte contre les inégalités.
De toute urgence, nous avons besoin de solutions systémiques à l’architecture économique mondiale, pour attaquer de front les problématiques de financement. Il est temps de démocratiser la gouvernance économique, en reconnaissant le droit de chaque pays d’être à la table des décisions, et pas seulement de ceux qui concentrent le pouvoir ou les ressources. Le 29 septembre, vous avez l’occasion de prendre le leadership pour soutenir des réformes essentielles.
Des annulations massives de dettes s’imposent
Face à la nouvelle vague de crises de la dette qui menace de placer de nombreux pays en développement devant un choix insoluble entre le remboursement de leurs créanciers et le financement des besoins les plus essentiels de leurs citoyen·ne·s, des annulations massives de dette s’imposent. Le moratoire lancé par le G20 en avril sous l’impulsion de la France, qui a offert dans l’urgence une bouffée d’oxygène à quelques-uns des pays les plus pauvres, montre aujourd’hui ses limites avec notamment le refus des créanciers privés de prendre part à l’initiative. Une solution globale est absolument nécessaire, tant les effets de la crise de la dette risquent d’être dévastateurs.
La France doit soutenir l’adoption d’une initiative d’allègement des dettes ad hoc post Covid-19 sous égide de l’ONU, afin de ramener les niveaux d’endettement des pays en développement à des niveaux soutenables. Elle devrait également pousser à la mise en place d’un processus à l’ONU visant à la création d’un mécanisme international de restructuration des dettes permanent, équitable et impliquant l’ensemble des créanciers.
A moins que les failles du système fiscal international ne soient résolues de toute urgence, les pays du monde entier continueront de perdre des milliards d’euros en raison des flux financiers illicites et de l’évasion fiscale des multinationales. Plutôt que de laisser un petit nombre de pays élaborer les règles fiscales internationales et défendre, surtout leurs intérêts et ceux de leurs grandes entreprises sous l’égide de l’OCDE. Les pays du monde entier doivent accepter de créer un organisme fiscal à l’ONU afin que tous les pays, et en particulier les pays du Sud qui sont les principales victimes des pratiques d’évasion fiscale des multinationales, puissent faire réellement valoir leurs intérêts dans la redéfinition du système fiscal mondial.
Une aide à destination des populations les plus vulnérables
Devant les besoins immenses des pays du Sud pour faire face à la crise, les pays riches doivent enfin respecter leurs engagements historiques en matière d’aide publique au développement (APD) pour atteindre l’objectif de 0,7 % d’APD sous forme de dons inconditionnels. La loi de programmation relative à lutte contre les inégalités mondiales est l’occasion unique pour la France d’acter l’atteinte de cette cible au plus vite mais aussi de s’assurer que la majorité de son aide est bien à destination des populations les plus vulnérables et des secteurs ayant le plus grand impact sur la réduction des inégalités.
La solution à cette crise ne pourra pas reposer principalement sur une vision du développement centrée sur la finance privée et la promotion des partenariats publics-privés. Cette approche promue notamment par la Banque mondiale, n’a pas démontré ses effets positifs sur le développement, tandis qu’elle menace le respect des droits humains, la participation des citoyen·ne·s et les finances publiques des Etats concernés. Vous avez l’opportunité d’ouvrir une voie importante à la réunion du 29 septembre. Cette réunion doit être l’occasion de convoquer un «sommet international sur la reconstruction économique et la réforme systémique sous les auspices de l’ONU» afin d’avancer vers une nouvelle architecture économique mondiale qui serve les populations et la planète. En vous priant d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.