AU 5 AVRIL, l’évolution annuelle cumulée des opérations financières du Trésor en 2019 affichait les données suivantes : les dépenses de l’État se chiffraient (en millions de nos francs) à 1 726 088 850 FC, tandis que les recettes réalisées (en millions de francs) étaient évaluées à 1 621 585 830 FC. Par contre, l’exécution du budget en devises (dollar), au 28 mars, fait mention de 134 369 619 en recettes réalisées et 189 894 038 en dépenses. Autrement dit, l’État fonctionne légèrement au-dessus de ses moyens.
Ces données qui sont de la Banque centrale du Congo (BCC), ne devraient pas effrayer outre mesure car la tendance pourrait être très vite inversée avec les recettes fiscales attendues (impôts sur les bénéfices et profits ou IBP) pour l’exercice 2019. En effet, selon le calendrier fiscal, la déclaration de l’IBP au fisc par les entreprises est souscrite au plus tard le 30 avril de chaque année. Pour rappel, depuis 2014, pratiquement, l’État applique la politique dite de dépense sur base caisse. Mais cette pratique a montré ses limites. Jusqu’à quand l’État va-t-il s’engluer dans cette pratique ? Rien à faire, disent des analystes économiques, autant il a besoin de recettes nationales, autant l’État a besoin d’appuis financiers extérieurs, pour notamment faire face aux besoins d’investissement. En visite de travail à Washington, début mars, au moment où la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) tenaient leurs assemblées annuelles de printemps, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo (Fatshi), le président de la République, a été reçu au siège du FMI le 5 mars. Avec Christine Lagarde, la directrice générale du FMI, Fatshi a plaidé la cause de notre pays auprès de cette institution de Bretton Woods : la reprise de la coopération suspendue en 2014.
C’est dans cette perspective que la formation du premier gouvernement de la présidence Tshisekedi est très attendue depuis les élections de décembre 2018. Selon les mêmes analystes, le pays court le danger d’asphyxie généralisée avec la pratique de dépense sur base caisse. D’après eux, l’État n’est pas à l’abri des chocs endogènes et/ou exogènes faute d’une économie résiliente.
L’épouventail de l’art. 4
Néanmoins, le FMI pose des conditions, avant d’apporter son assistance à l’amélioration de la situation économique et sociale. D’abord, il faut faire la revue commune de la situation, conformément à l’article 4 des statuts du Fonds. En clair, il faut « auditer » l’économie de la RDC à partir du moment où la coopération a été rompue, soit à partir de 2015. L’idée d’un audit fait peur dans les rangs de ceux qui avaient la gestion des finances publiques.
Mais les mêmes spécialistes rassurent que cela ne devrait pas faire l’objet de surenchère politique. Étant donné que ce n’est qu’un exercice classique, voire normal, d’évaluation afin de savoir où sont les forces et les faiblesses, où les politiques économique, budgétaire et financière peuvent être améliorées, et où la situation sociale des populations peut être améliorée…
« Le FMI ne fait qu’exercer une surveillance, expliquent-ils. Il surveille le système monétaire international et suit les politiques économiques et financières de ses 188 pays membres. » Dans le cadre de cette « surveillance » exercée au plan mondial et national, le FMI met en lumière les risques éventuels pour la stabilité et donne des conseils sur les ajustements nécessaires en matière de politique économique, font remarquer les experts du Fonds.
C’est de cette manière qu’il aide le système monétaire international à atteindre son objectif fondamental de soutenir la croissance économique en facilitant les échanges de biens, de services et de capitaux entre les pays et en assurant les conditions nécessaires à la stabilité économique et financière. La surveillance du FMI se fait à deux niveaux : d’abord bilatéral, consistant à l’évaluation des politiques de chaque pays membre et à lui donner des conseils ; ensuite multilatéral de portée mondiale. On peut bien se demander en quoi cette surveillance est importante pour la République démocratique du Congo ? D’après les experts du Fonds, dans le monde intégré d’aujourd’hui, où les politiques d’un pays se répercutent généralement sur d’autres, la coopération internationale est primordiale. Or, c’est justement le FMI qui facilite cette coopération.
Un suivi permanent
En pratique, les experts du Fonds assurent un suivi permanent de l’économie des pays membres et se rendent sur place en mission, généralement une fois par an, pour un échange de vues avec le gouvernement et la Banque centrale afin d’évaluer la présence de risques sur la stabilité intérieure et mondiale qui justifieraient l’ajustement des politiques économiques ou financières. La mission porte principalement sur le taux de change, les politiques monétaire, budgétaire et financière, ainsi que sur les réformes structurelles essentielles sur le plan macroéconomique.
Lors de la mission, les experts rencontrent également les parlementaires, les chefs d’entreprise, les syndicats et la société civile pour mieux évaluer les politiques économiques nationales et les perspectives. Le principal objectif est déceler les risques qui peuvent peser sur la stabilité intérieure et internationale et préconiser d’éventuels ajustement des politiques économiques ou financières. Les missions des experts sont sanctionnées par un rapport pour examen au conseil d’administration du FMI, dont l’avis est transmis aux autorités nationales. C’est ce qui conclut la procédure dite de consultations au titre de l’article 4.
Au niveau multilatéral, le Fonds suit les tendances économiques mondiales et régionales et analyse les effets de débordement des politiques des États membres sur l’économie mondiale, et en rend compte à travers ses publications. Bref, la surveillance est prévue à l’article 4 des statuts du FMI, révisés à la fin des années 1970 après l’effondrement du système des parités fixes de Bretton Woods. En vertu de cet article, les pays membres s’engagent à collaborer avec le FMI et entre eux afin de promouvoir la stabilité. À charge donc du FMI de contrôler le système monétaire international pour en assurer le fonctionnement effectif et la manière dont chaque État membre remplit ses obligations. En tout cas, à Washington, les experts du gouvernement l’ont joué serrée avec ceux du FMI dans les discussions. En effet, pour ce qui est des consultations pour notre pays au cours de cette année, la directrice générale du FMI a personnellement confirmé leur tenue au président de la République. Il a été convenu avec le département Afrique du FMI de les organiser du 22 mai au 4 juin sur les thèmes suivants : le maintien de la stabilité macroéconomique, l’amélioration de la gouvernance conforme au nouveau cadre du FMI, l’assurance de la viabilité de la dette publique dans un contexte d’accroissement des investissements publics et la promotion de la compétitivité de l’économie, l’amélioration du climat des affaires ainsi que l’inclusivité de la croissance.
Par amour du pays
Le rapport de ces consultations devrait être présenté au conseil d’administration du FMI fin août, et suivant les recommandations dudit conseil, des négociations avec le FMI pourraient être engagées fin septembre pour la conclusion d’un nouveau programme fin 2019 ou début 2020. Pour qui aime son pays, peu importe son bord politique, les appuis budgétaires extérieurs sont pour le moment indispensables à l’économie nationale, ne serait-ce que pour la réalisation des projets d’investissement.
« Il n’y a pas à voir. Le prochain gouvernement doit tout faire pour faire revenir le FMI au pays et conclure un programme », déclare un expert gouvernemental. Qui souligne que le retour du Fonds pourrait servir d’effet déclencheur pour les autres bailleurs de fonds bi-et multilatéraux. « Sans programme avec le FMI, je ne vois pas comment les bailleurs de fonds internationaux vont faire confiance au gouvernement. Ce sera comme une sorte de caution morale », ajoute-t-il.
D’ailleurs, selon des sources contactées, la RDC a fait la demande au FMI que soit levée à l’issue de ces consultations l’option d’adresser une lettre de confort à la Banque mondiale pour lui permettre et à d’autres bailleurs de fonds d’accorder des appuis budgétaires à notre pays. Question de l’aider à conforter ses marges budgétaires nécessaires au financement de son programme économique. Certes, diront les anti-retour du FMI, cette institution n’a jamais développé un pays. Mais sans appuis extérieurs, le pays ne se sortira pas pour autant dans sa situation actuelle.