Pourquoi la blockchain va bouleverser nos modes de gouvernance traditionnels

Les technologies de la blockchain ne sont pas une nouvelle mode de la transformation numérique. Elles sont une réelle rupture qui semble aller bien plus vite que nos institutions et qui bouscule tous les modes de gouvernance actuelle. La décentralisation de la blockchain semble constituer un attrait majeur, cependant la question d’un mode de gouvernance se pose et fait aujourd’hui débat.

Le principal bénéfice de la blockchain est qu’il élimine ainsi le besoin de confiance entre individus qui interagissent entre eux. Cet atout peut notamment servir pour les échanges commerciaux entre des individus ou des organisations qui ne se connaissent pas. Elle offre ainsi un large éventail d’utilisations telles que la vérification de l’identité, l’enregistrement de tout type de propriété, à savoir l’immobilier ou la propriété intellectuelle, l’automatisation du processus contractuel ou les transferts de fonds quasi instantanés.

Aussi, la blockchain va au-delà de la révolution technologique, car elle s’inscrit dans une véritable révolution anthropologique. Elle permet en effet de faire à la transaction ce qu’Internet a fait à l’information, grâce à sa capacité à certifier des transactions de manière décentralisée.

Centralisation et décentralisation

D’un point de vue légal, la blockchain n’est pas un long fleuve tranquille et des problèmes juridiques essentiels se posent lorsque l’on envisage le développement et l’adoption de celle-ci. Elle soulève deux problématiques essentielles que sont les questions de responsabilité et de régulation.

L’une des questions juridiques fondamentales concerne la compétence et le droit applicable. Les nœuds sont dispersés à travers le monde et la loi régissant les relations contractuelles peut être difficile à identifier. Comment alors gérer le cas où des organisations seraient utilisées pour des fins illicites ? Qui est responsable pour les activités d’une organisation qui n’a pas d’administrateur ? Or, le problème est double, car ces créateurs sont bien souvent anonymes et plus encore, même si l’on parvient à identifier ces créateurs, cela ne permettrait pas de bloquer les opérations de ces organisations puisque celles-ci agissent de façon complètement autonome au sein de la blockchain.

S’agissant de régulation, la blockchain suscite des espoirs, car elle est aussi vue comme une technologie capable d’échapper aux règles actuellement en vigueur et à la domination des États. Son caractère exécutoire des contrats intelligents, qui sont des contrats blockchain exécutés automatiquement lors d’une occurrence. Ils fonctionnent comme des contrats d’auto-exécution même s’ils ne sont pas nécessairement des contrats au sens de la loi.

Encore plus que sur Internet, le code fait désormais effet de loi, «Code is Law – Lawrence Lessig». Non seulement le code peut dicter l’architecture qui nous entoure, mais il peut désormais créer des relations contractuelles et de nouveaux cadres techno-juridiques indépendants du monde physique. Aussi, chercher à réguler la blockchain avec des règles traditionnelles serait risqué, car cela pourrait limiter voire éliminer son potentiel.

Blockchain et RGPD, faux problème ?

Une blockchain étant définie comme un registre de transactions inviolable, distribué, vérifiable par tous et fondé sur un consensus, il s’ensuit que les transactions enregistrées dans une blockchain sont censées être inaltérables et donc inamovibles. Bien qu’il soit possible d’annuler une transaction au moyen d’une transaction opposée, il n’est pas possible de supprimer une transaction.

Pourtant, le RGPD prévoit un droit d’effacement. Le règlement n° 2016/679 autorise uniquement le transfert de données à caractère personnel vers des pays offrant un niveau de protection similaire à celui de l’Union. 

Il est donc légitime de s’interroger sur la compatibilité de la définition de la blockchain avec le règlement général sur la protection des données du 27 avril 2016. Comment peut-on alors certifier cela ? Un réseau de blockchain privé peut être un moyen de garantir le respect de la réglementation.

Fin d’un opportunisme ?

Pour que la blockchain prospère, nous devrons réduire les obstacles juridiques et réglementaires à son adoption et modifier les cadres existants susceptibles de la restreindre. Il semble improbable que nous puissions nous astreindre des réglementations existantes, mais espérons que nous puissions adapter ce qui doit être adapté en conséquence.

Car en dépit de ces obstacles et de leurs implications légales délicates, les technologies liées à la blockchain continuent de croître et constituent une solution séduisante pour de nombreuses entreprises. Bientôt tout sera affecté par les technologies de la blockchain, mais ce sont ces premiers secteurs qui seront d’abord touchés : services financiers, services gouvernementaux, soins de santé, marchés de l’énergie, chaînes d’approvisionnement, produits intelligents et commerce mondial.