Vive la crise ! C’est bien grâce au séisme de 2008, que Laurent Mignon s’apprête à accéder, le 1 juin, à la présidence du directoire du groupe BPCE (Banque Populaires et des Caisses d’Épargne) – soit plus de 106 000 salariés et près de 24 milliards d’euros de produit net bancaire (l’équivalent du chiffre d’affaires) en 2017. Il a été désigné, le 26 avril, par le conseil de surveillance du groupe bancaire pour prendre la succession de François Pérol. Jusqu’à l’effondrement des marchés financiers en 2008, Laurent Mignon menait en effet une carrière brillante mais sans surprise. Après avoir été trader chez Indosuez, il a grimpé un à un les échelons AGF (devenu depuis Allianz), sous le regard attentif de son mentor, Antoine Jeancourt – Galignani. Jusqu’à devenir directeur général délégué de l’assureur.
Quelques années plus tard, il était en train de s’installer confortablement chez Oddo lorsque François Pérol l’appelle. Lui-même propulsé en 2009 en urgence à la tête de BPCE, l’ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée auprès de Nicolas Sarkozy a besoin d’appuis solides pour remettre à flot la banque de marché du groupe, Natixis, en totale perdition.
« Rétablir la vérité »
Cette mission à haut risque, révèle Laurent Mignon. Dès son arrivée, il se plonge dans les comptes et passe de longues journées enfermées avec les équipes pour « rétablir la vérité ». Car, rappelle-t-il, « lorsque je suis arrivé, personne ne savait exactement où en était la banque ». Il revoit de fond en comble le modèle de Natixis, allège les activités trop gourmandes en fonds propres, renforce les services qui génèrent de solides commissions, met sur les rails une nouvelle activité d’assurance…
En 2016, Laurent Mignon décroche la deuxième place de patron le plus performant (hors Cac 40) dans le classement Challenges, soulignant la percée de son groupe sur les trois fronts de la croissance du groupe, de sa rentabilité et de sa performance boursière. En 2017 encore, alors que la banque de détail de BPCE était à la peine, Natixis, de son côté, décrochait une croissance de 21 % de ses résultats nets, à 1,67 milliards d’euros. Gestion d’actifs, conseil et services aux entreprises et même assurance, où Laurent Mignon lance les produits du groupe après avoir dénoué un long partenariat avec la CNP : toutes ces activités sont en croissance, en termes de chiffre d’affaires comme de résultats.
Question de culture
Le succès de ce diplômé de HEC, âgé de 54 ans, à la tête de Natixis a toutefois son revers. Sa connaissance de la banque de détail se limite à la présidence, entre 2001 et 2007, d’AGF Banque – établissement dont le réseau n’a rien à voir avec celui de BPCE, fort des 8 000 agences. Or sur cette activité, les défis sont immenses pour le groupe, qui a annoncé la suppression de 400 succursales entre 2017 et 2020, pour faire face à la baisse de leur fréquentation. Laurent Mignon devra accélérer simultanément sa transformation digitale. Sur ce point, l’acquisition coûteuse en 2016 de la fintech allemande Fidor n’est pas été couronnée de succès : son lancement en France est décalé de mois en mois. Dans cette passe difficile, les patrons des Caisses d’Épargne et des Banques Populaires veulent continuer à afficher une rondeur mutualiste, qui n’échappe pas toujours aux chamailleries et aux palabres. Une culture qui n’est pas celle du fonceur Laurent Mignon. L’amateur de rugby saura-t-il développer sa capacité de dialogue et de persuasion ? Le banquier de crise saura-t-il se faire banquier par temps de paix ?