Les résultats du commerce extérieur, font apparaître une progression inquiétante de nos importations de produits agricoles et agro-alimentaires. Près de la moitié des fruits et légumes que nous mangeons est importée. Plus d’un tiers des poulets consommés chez nous viennent de Pologne, d’Ukraine ou du Brésil, pour approvisionner surtout l’industrie de transformation et la restauration collective.
La fabrication d’un produit de tradition française comme la moutarde de Dijon, n’est plus assurée depuis longtemps avec des graines de notre terroir. Dans le secteur des vins également, le consommateur français se montre particulièrement friand des pétillants étrangers, espagnol ou italien. Trois roses sur quatre vendues en France viennent d’Afrique de l’Est ou de l’Amérique Latine. Même dans les secteurs où elle s’était imposée avec une forte réputation, notre agriculture perd du terrain !
Nos concitoyens ont des exigences de transparence sur l’origine et de traçabilité sur les conditions de production. Ils veulent savoir ce qu’ils achètent, être rassurés sur la qualité de leur nourriture. Comment répondre à leur attente et en même temps restés compétitifs, alors que l’on observe, par exemple sur les fruits et légumes, des distorsions de concurrence intra-européennes sur nos coûts de production, et qu’au même moment, Bruxelles s’apprête à ouvrir – projet d’accord avec le Mercosur – de nouveaux contingents d’importation de viandes très éloignées de nos propres standards sanitaires et environnementaux !
Supportant déjà un coût de main-d’oeuvre souvent plus élevé (de l’ordre de 50 à 70 % ), les producteurs français subissent en plus, par rapport à leurs partenaires européens, des interdictions de spécialités sur les cultures. Interdictions qui conduisent à des impasses techniques et à des surcoûts.
Problème de traçabilité
En l’enfermant dans des contraintes particulières, l’agriculture française s’éloigne de plus en plus de la situation économique qui est celle de ses concurrents. Difficile pour les producteurs d’accepter qu’actuellement des tomates, concombres et fraises arrivent en masse de l’extérieur à moitié prix de nos coûts de revient, au moment où notre pays est en pleine production.
Est-on sûr que ces fruits et légumes qui viennent de l’Europe ou de l’autre bout du monde, sont aussi sains et d’aussi bonne qualité que ceux produits dans l’Hexagone ? Faute de traçabilité suffisamment précise, certains commencent à en douter.
Après les récents scandales sanitaires sur les viandes importées, que savons-nous par exemple, des conditions dans lesquelles les animaux ont été élevés, transportés et abattus ? Il n’est pas certain que tous nos partenaires européens fassent preuve de la même transparence et de la même volonté dans l’application des règles communes offrant aux consommateurs, sur la composition et la qualité des viandes importées les mêmes garanties que sur celles d’origine France !
Comment les producteurs français, incités à réduire l’usage des pesticides, encouragés à faire des fruits et légumes de qualité, labellisés, contrôlés, répondant à des cahiers des charges très strictes, peuvent-ils faire face à ces importations sans que, de leur côté, les consommateurs puissent savoir si elles répondent aux mêmes normes ?
La question devient cruciale et l’enjeu considérable. Il en va de notre autonomie alimentaire. Il faut savoir si notre pays, celui de la gastronomie, du goût et de la qualité alimentaire, est capable de garder le contrôle de sa nourriture : c’est-à-dire de l’élément le plus essentiel à la vie et qui reste au coeur de notre propre culture !
Louis Goupilleau est directeur général honoraire des Chambres d’agriculture (Paris). Il est l’ancien médiateur national de la Mutualité sociale agricole. Auteur du livre «Nos paysans : dernier rempart contre la désertification et la malbouffe» (Edition Sidney Larent, 2018).