RDC : ça bouge dans les mines de cobalt et du concret vite

L’ACCORD conclu le 23 novembre dernier entre la compagnie internationale Trafigura et l’Entreprise Générale du Cobalt (EGC) vise avant tout le financement par Trafigura de la création de zones minières artisanales strictement contrôlées, l’installation des stations d’achat du minerai de cobalt et les coûts liés à la livraison transparente et traçable d’hydroxyde de cobalt au géant suisse du négoce de métaux sur une base de dédouanement à l’exportation. EGC, une entreprise publique créée en février dernier et chargée d’acheter la production informelle du cobalt, s’engage à veiller à ce que le minerai commercialisé par le géant suisse du négoce soit conforme au Guide de l’Organisation pour le commerce et le développement économique (OCDE) sur le devoir de diligence applicable aux chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque. Par ailleurs, EGC s’engage également à mettre en place un comité technique par le biais duquel Trafigura et l’ONG Pact, entre autres, encourageront une diligence responsable de l’approvisionnement. Pact travaille aux côtés des communautés locales dans près de 40 pays pour éradiquer la pauvreté, notamment en rendant l’exploitation minière artisanale et à petite échelle formelle, plus sûre et productive. En 2018, Trafigura et Pact ont piloté une approche d’approvisionnement responsable en cobalt à partir d’opérations semi-mécanisées dans la concession de Mutoshi en République démocratique du Congo.

Jean-Dominique Takis Kumbo, le directeur général de l’EGC, explique que l’accord d’approvisionnement conclu avec Trafigura est très important pour le secteur du cobalt artisanal congolais. Il considère que « ce partenariat répond à la volonté du gouvernement, à travers son initiative pour la défense et la promotion de la production artisanale nationale ». Les enjeux sur le cobalt sont tels aujourd’hui que pour profiter de la valeur intrinsèque de ce minerai, actuellement boostée par le développement des énergies décarbonées, la RDC se doit d’en formaliser l’exploitation. 

Pour sa part, Jeremy Weir, le président exécutif et PDG de Trafigura, estime que le cobalt a un rôle vital à jouer dans la transition énergétique. « L’exploitation minière artisanale (ou ASM) fournit un moyen de subsistance important en RDC. 

Encadrer les mineurs

En fin de compte, la légitimité des efforts pour formaliser et contrôler le secteur dépendra d’une large consultation et de l’assurance que des normes rigoureuses, comme celles de l’OCDE, seront respectées. Nous continuerons à nous engager et à collaborer avec les parties prenantes afin de faire partie de la solution pour fournir du cobalt de manière responsable », souligne-t-il.

L’exploitation minière artisanale est le plus souvent considérée comme informelle, illégale, et associée au travail des enfants ou à des conditions de travail déplorables, ou encore à de nombreux accidents, faute de contrôle et d’équipements. Au terme de cet accord, Trafigura contrôlera six zones artisanales d’extraction à créer au Katanga, avec des stations d’achats de minerai. Un QR code devrait garantir l’origine du métal au client final. Le négociant suisse de métaux s’engage à financer l’amélioration des conditions de travail des mineurs artisanaux, à leur fournir équipements et protection. 

Par ailleurs, Trafigura et Glencore s’engagent dans l’initiative « Cobalt propre ». Ils s’engagent à travailler avec des mineurs artisanaux dans des conditions décentes en RDC. Ces deux multinationales suisses veulent s’assurer que le métal bleu venant de la RDC où se trouvent deux tiers des réserves mondiales, est propre. Il faut souligner que les industriels utilisateurs de cobalt multiplient des initiatives. Par exemple, Tesla, le champion américain du véhicule électrique, a rejoint l’« Alliance pour un cobalt équitable » (Fair Cobalt Alliance) avec à sa tête Glencore, le poids lourd de l’industrie minière en RDC, avec huit partenaires de l’industrie électronique. 

L’agence allemande de coopération pilote « Cobalt pour le développement », une initiative qui associe BASF, le géant allemand de la chimie, et le constructeur automobile BMW, l’américain Google, le fabricant coréen de batteries Samsung Electronics et SDI. Le programme prévoit de former dans un premier temps 1 500 mineurs congolais de douze coopératives artisanales sur les 36 sites miniers autour de Kolwezi. Le constructeur allemand Volkswagen, qui refuse de s’approvisionner en cobalt des mines artisanales congolaises pour ses batteries électriques, pour des raisons de réputation, vient de rejoindre le mouvement. C’est dire que l’industrie s’implique dans la chaîne d’approvisionnement plutôt que de se passer des plus grandes réserves de cobalt au monde détenues par la RDC, où plus de 10 % de la production proviennent des mines artisanales.

Par ailleurs, Glencore prévoit d’accélérer l’extraction du cuivre et du cobalt. Le géant minier et du négoce de matières premières prévoit une augmentation sensible de son extraction de ces deux métaux de base au cours des prochaines années. Par exemple, la production du cuivre doit progresser de 4,1 millions de tonnes en 2020 à 4,4 millions en 2021, puis à 4,5 millions en 2022. Les volumes de cobalt, indispensables aux batteries, doivent passer de 24 000 tonnes cette année à 35 000 tonnes en 2021, puis 40 000 tonnes en 2022.

Glencore et son client chinois GEM ont prolongé de cinq ans leur accord d’approvisionnement en cobalt, jusqu’en 2029. La multinationale zougoise s’engage à fournir au total 150 000 tonnes de cobalt entre 2020 et 2029, contre 61 200 tonnes sur la période 2020-2024 initialement convenus. Le négoce doit dégager sur l’année en cours un excédent d’exploitation (Ebit) ajusté dans le haut de la fourchette de 2,2 à 3,2 milliards de dollars établie pour le long terme. Sur la base des prix actuels, Glencore vise pour l’année prochaine un excédent brut d’exploitation (Ebitda) ajusté de 14,1 milliards de dollars, dont 3,0 milliards en provenance du négoce.