La nomination d’un 1ER Ministre ou des membres du gouvernement est un moment d’émotion vraie. La lecture de l’ordonnance présidentielle de nomination à la télévision est un rituel. ç’a toujours été ainsi depuis l’époque du président Mobutu Sese Seko. Vendredi 7 avril, après l’expiration des 48 heures que le chef de l’État avait fixées dans son message à la Nation pour nommer un nouveau 1ER Ministre, les rumeurs circulaient déjà dans la ville. Avant de s’adresser à la Nation, Joseph Kabila a été à l’écoute, lundi 3 et mardi 4 avril, de la classe politique et sociale qui avait répondu à son invitation. Rendant compte à la Nation, le président de la République a déclaré avoir noté « une convergence des vues, notamment sur l’urgence qu’impose le règlement des deux points relatifs à la mise en œuvre de l’Accord (du 31 décembre 2016), spécialement en ce qui concerne la question de la désignation d’un nouveau Premier Ministre. »
Appel du pied du chef
Le chef de l’État a dit qu’«un large consensus » s’est dégagé sur « la procédure de désignation de celui-ci, et sur les compétences de l’autorité de nomination ». À ce propos, il a donc invité le Rassemblement à surmonter « ses querelles intestines » et à « harmoniser les vues sur la liste des candidats Premier Ministre » ayant « le profil requis et convenu », comme souhaité depuis plusieurs mois, en vue d’accélérer le processus de formation du « nouveau gouvernement d’union nationale ». Et comme il avait relevé dans son message à la Nation de novembre 2016, et tenant compte du fait que le pays ne doit plus être « l’otage d’intérêts personnels » et de « lutte de positionnement des acteurs politiques », le président de la République a lâché la phrase couperet : « le Premier Ministre sera impérativement nommé dans les 48 heures ».
Quant à la présidence du Conseil national de suivi de l’Accord du 31 décembre 2016 (CNSA), il a demandé aux deux Chambres du Parlement d’« adopter rapidement la loi organique y relative », en même temps, il a appelé à « l’accélération des tractations au sein de la classe politique en vue de la désignation, dans la foulée de l’entrée en fonction du nouveau gouvernement, d’une personnalité consensuelle devant présider cette structure ».
Dédoublement
Et, depuis, les suppositions sont allées bon train. Des noms ont été cités pour succéder à Samy Badibanga. Selon les termes de l’accord politique facilité par les évêques catholiques, qui ont constaté par la suite l’échec des négociations sur l’arrangement particulier dudit accord, le 1ER Ministre devrait être issu du Rassemblement. Mais quel Rassemblement parce qu’il y a aujourd’hui dédoublement de la plateforme ? Félix Tshisekedi, le fils d’Étienne, et ses partisans sont restés de marbre, ne voulant rien entendre ni savoir de la fameuse « liste des trois candidats » au poste de 1ER Ministre, car leur plateforme avait déjà désigné Félix Tshisekedi, son nouveau président, comme son candidat à ce poste.
Or la dissidence du Rassemblement, menée par le tonitruant Joseph OlenghaNkoy Mukundji, avait pour sa part déposé une liste des cinq noms auprès du président Joseph Kabila en vue de la nomination du 1ER Ministre. Sur cette liste, les noms des deux cadres de l’UDPS, Bruno Tshibala Nzenze et Valentin Mubake Numbi défenestrés de ce parti ; mais aussi, curieusement, les noms de Félix Tshisekedi en sa qualité de président du Rassemblement ; Raphaël Katebe, président de l’Union des libéraux démocrates (ULD), radié de l’Alternance pour la République (AR) ; Roger Lumbala, président du Rassemblement des Congolais pour la démocratie nationaliste (RCDN)…
Dans l’après-midi du vendredi 7 avril, donc, les choses ont semblé se préciser, autour du nom de Freddy Matungulu, sorti d’on ne sait quel chapeau. Des sources proches de la présidence de la République l’ont laissé entendre. Comment ne pas leur faire confiance car dans ce pays où tout se sait avant même que la décision du chef ne soit rendue publique ? Et bizarrement, il y a eu comme un air de détente dans la ville. Signe que Matungulu pouvait être un homme de compromis. Mais qu’est-ce qui s’est passé dans les heures, dans les minutes qui ont précédé l’annonce du nom du nouveau 1ER Ministre, Bruno Tshibala Nzenze, au JT des 20 heures de la chaîne publique RTNC ? Matungulu a-t-il finalement décliné l’offre, craignant « l’excommunication » de sa plateforme pour trahison ? N’était-ce qu’une grosse rumeur destinée à faire diversion ? Était-ce ? Était-ce ? Était-ce ?
Pas d’effet surprise
Ceux qui ont crû en cette rumeur comme parole d’évangile ont été désillusionnés, quand le nom de Tshibala a été cité lors de la lecture de l’ordonnance présidentielle de nomination. Mais pour les initiés, il n’y a pas eu d’effet surprise. D’ailleurs, selon la rumeur de Tout-Kin, c’est le même Tshibala qui fut pressenti à la place de Badibanga, le sortant. L’histoire politique de ce pays ne nous enseigne-t-elle pas à ce propos ? Épargnons-nous d’anecdotes qui sont légion… Un ministre du cabinet Matata se souvient avoir attendu 7 ans pour entrer enfin au gouvernement en 2012. Avant cela, bien que rassuré et assuré de devenir ministre, son nom ne figurait pas sur la liste à la publication, confie-t-il.
Combien n’ont-ils pas fait égorger une vache, et fait venir des gens du village ? Combien n’ont-ils pas acheté des cartons de champagne et des caisses de bière… dans l’attente d’une nomination au gouvernement ? Tant que l’ordonnance présidentielle n’est pas rendue publique, prudence. Sous Mobutu, bien de fâcheux incidents sont intervenus entre le Mont Ngaliema ou le camp Tshatshi et le studio de télévision de la RTNC. Seuls les faiseurs de… ministres ou de PDG en détiennent le secret