« Je suis un motivateur de jeunes entrepreneurs. Mon boulot, c’est de les parrainer », nous dit Ted Luvangadio Mvutu, le président de l’ONG Association des entrepreneurs de la République démocratique du Congo (AE-RDC), qui s’apprête à réunir tout le gotha des affaires du pays, le 27 avril, à l’hôtel Sultani, autour d’une grande conférence de présentation des opportunités d’affaires qu’il y a aux États-Unis. En lui, on sent la fougue, la détermination et la rage de réussir dans tout ce qu’il entreprend. « Il n’y a pas de fatalité. Tout le monde a droit à entreprendre, et tout le monde peut réussir s’il est coaché », considère ce trentenaire hyperactif.
En 2008, c’est lui qui avait monté la toute première organisation d’assistance (facilitation) aux jeunes congolais désireux de poursuivre leurs études en Inde. À l’époque, ce pays était la première destination pour les études universitaires. « Nous avions fait de sorte que les jeunes congolais y aillent étudier dans des bonnes conditions et rentrent au pays avec une bonne formation afin de participer à l’émergence du pays », souligne-t-il.
Ted Mvutu a toujours encouragé les jeunes à être indépendants, à ne pas compter sur les emplois directs (l’embauche). Il les motive à créer des emplois.
AE-RDC voit grand
Après Kinshasa, une autre conférence d’affaires est prévue à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, en prélude de l’arrivée d’une importante délégation des hommes d’affaires américains en République démocratique du Congo en juin prochain. « Nous voulons constituer une base des données (personnalités, entrepreneurs, entreprises, etc.) que les Américains pourraient consulter pour des relations d’affaires éventuelles, avant le grand rendez-vous d’opportunités d’affaires (en agro-industrie, énergies renouvelables et environnement) que nous comptons organiser avec les entreprises américaines, dont une cinquantaine seront représentées à la DRC Mining Week 2018 à Lubumbashi », souligne-t-il.
Le but de ces deux conférences qui vont d’ailleurs s’étendre à toutes les grandes villes du pays, est d’informer et de sensibiliser les entrepreneurs congolais à faire des affaires avec leurs homologues américains. Jeune entrepreneur congolais ayant fait des études au pays et à l’étranger, Ted Mvutu maîtrise bien la situation économique de la RDC et dans le monde. « Je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de pont direct entre la RDC et les États-Unis en matière de commerce. Pourtant, les Américains ont un programme dénommé AGOA (African Growth Opportunities Act). C’est la loi sur la croissance et les opportunités de développement en Afrique, votée et promulguée en mai 2000 par le Congrès américain, sous l’administration Clinton », fait-il remarquer. Prorogé jusqu’en 2025, ce système permet à plusieurs produits en provenance d’une quarantaine de pays d’Afrique subsaharienne de bénéficier d’un accès préférentiel au marché américain.
Ayant compris que l’AGOA facilite les échanges commerciaux avec les États-Unis, et que la RDC importe plus de produits qu’elle n’exporte, Ted a décidé alors de contacter certains hommes d’affaires américains, l’ambassade américaine à Kinshasa et le ministère américain du Commerce : « J’ai réalisé que les Américains étaient prêts à venir investir au Congo. Je leur ai soumis mon projet d’établissement d’un pont direct entre les opérateurs économiques congolais et américains », déclare le président de l’AE-RDC. D’après lui, les opportunités sont là : « Nous avons près de 80 millions de terres arables, une capacité quasi similaire à celle de la Chine, qui pourrait aider à la création des emplois. C’est justement l’objectif de la conférence : expliquer à l’opinion qu’il est tout à fait possible de travailler avec les hommes d’affaires et les opérateurs économiques américains. »
Respectueux des principes
L’AE-RDC a été donc créé en 2017 comme un système, une rampe de lancement des jeunes entrepreneurs dans les milieux d’affaires internationaux. « Nous avons voulu tout d’abord évoluer dans l’ombre, asseoir nos bases avant de nous révéler au grand public. Nous avons amené aux États-Unis des entrepreneurs congolais, dans les différents salons d’affaires organisés par les Américains. Cela leur a permis de nouer des contacts, de signer des contrats, d’avoir des partenaires et des fournisseurs. Bref, ils ont eu l’opportunité d’étendre leurs réseaux d’affaires », nous explique Ted Mvutu.
ça n’a pas été facile de gagner la confiance des Américains : « Ce sont des gens qui fonctionnent avec les principes. Les affaires sont avant tout une question de confiance et celle-ci se mérite. Cela veut dire pour les Américains qu’il faut être honnête dans les affaires, respecter les règles. Ils ne demandent qu’à respecter les normes. » L’AE-RDC n’a fait qu’observer les règles du jeu, et montrer qu’elle est capable d’évoluer seule avant de solliciter le soutien des autres. » Et de poursuivre : « Nous leur avons démontré qu’il y a un potentiel au Congo. Nous avons tout ce qu’il faut pour attirer les investisseurs internationaux. Voilà comment est née la confiance que les Américains ont envers nous parce que nous sommes sérieux et nous travaillons selon les règles de l’art. »
Avec ce succès, il a donc faut maintenant donner la chance à tout le monde, entrepreneurs et ceux qui aspirent à l’entrepreneuriat, surtout aux entrepreneurs qui exercent leurs activités dans les provinces. « La RDC n’est pas que Kinshasa… C’est un territoire de 2 345 000 km²… L’AE-RDC veut être le lieu où tout entrepreneur congolais, qui qu’il soit, peut rencontrer des opportunités pour ses affaires, où tout entrepreneur peut se connecter à l’international gratuitement. Nous voulons donner l’opportunité à tous les entrepreneurs et nous le faisons par amour pour notre pays ».
Ne demandez pas ce que le pays doit faire pour vous, mais demandez-vous ce que, vous, vous devez faire pour la nation, clamait le président américain, John F. Kennedy. Aujourd’hui, Ted Mvutu affectionne cette philosophie, tant il a hâte de voir son pays exceller dans le domaine des affaires comme il le fait déjà bien dans d’autres domaines tels la musique, le sport, la politique… Les États-Unis, confie-t-il, sont l’un des rares pays qui font beaucoup concernant les opportunités d’affaires. Nous pouvons tirer profit de ce pays. Comment ? C’est ce que propose l’AE-RDC. « Il y a des hommes d’affaires congolais qui ont de l’argent mais ils ne savent quoi en faire. Aux États-Unis, il y a des salons d’affaires appelés IBP (International Buyer Program), Ce sont les différents salons d’opportunités que le ministère américain du Commerce organise chaque année, de janvier à décembre, avec différents programmes », explique Ted Mvutu.
Défis et perspectives
En juin, il y a l’International Frontier Expo. C’est un programme qui permet à tout le monde de croiser des entreprises prêtes à être vendues. Il suffit simplement d’acheter la licence et on vous l’installe dans votre pays selon les normes internationales. Pour cela, il faut participer aux différents salons. La vision de l’AE-RDC est de promouvoir la production nationale, à aider à la transformation des produits locaux, leur donner une valeur ajoutée et de bien vendre l’image du pays à l’extérieur. Voilà pourquoi, Ted Mvutu invite les entrepreneurs, jeunes et vieux, à adhérer à l’association pour promouvoir l’émergence et faire de la RDC un pays plus beau qu’avant.
« Nous voulons être représentés dans les grandes villes du pays. C’est un défi à relever car l’on ne pourra atteindre l’émergence que quand les grandes villes du pays seront connectées entre elles. Je lance donc un appel à tous les hommes et les femmes d’affaires qui veulent étendre leurs réseaux aux États-Unis de nous approcher pour que nous puissions travailler la main dans la main, élever le niveau des affaires », déclare le président de l’AE-RDC. Qui invite à les Congolais à développer l’esprit d’entrepreneuriat à l’instar de la communauté arabe : « Ils ont compris que la force de l’économie réside dans la PME. Partout où ils sont, ils rapatrient ce qu’ils gagnent chez eux pour développer leurs pays.