Rebondissement dans l’affaire de la Strasbourgeoise d’origine congolaise

 On sait de quoi est décédée Naomi Musenga. Selon le procureur de Strasbourg, la, jeune femme de 22 ans est décédée des suites de « la destruction évolutive des cellules de son foie » qui a entraîné la défaillance de l’ensemble de ses organes.

On en sait désormais plus sur les causes du décès de Naomi Musenga, une Française d’origine congolaise. Le procureur de la République de Strasbourg en France a annoncé le mercredi 11 juillet l’ouverture d’une information judiciaire pour « non-assistance à personne en péril » dans l’enquête sur la mort de cette jeune dame décédée après avoir été raillée par une opératrice du Samu en décembre 2017. « Je procéderai dans les prochains jours à l’ouverture d’une information judiciaire du chef de non-assistance à personne en péril contre l’opératrice du centre des appels d’urgence et tous autres, ainsi que du chef d’homicide involontaire contre X », a indiqué Yolande Renzi, le procureur de Strasbourg, dans un communiqué. 

« Automédication sur plusieurs jours »

Elle a déclaré avoir reçu plusieurs membres de la famille de Naomi Musenga le 10 juillet « afin de leur donner connaissance des conclusions de l’enquête ». Elle a souligné avoir pu évoquer avec eux « les éléments médicaux obtenus, lesquels expliquent le décès de Naomi Musenga comme étant la conséquence d’une intoxication au paracétamol absorbé par automédication sur plusieurs jours ». « La destruction évolutive des cellules de son foie a emporté défaillance de l’ensemble de ses organes conduisant rapidement à son décès », a ajouté le procureur.

La mort de Naomi Musenga, une Strasbourgeoise de 22 ans, décédée le 29 décembre 2017, dont l’appel de détresse avait été traité avec mépris par une régulatrice du Samu, avait soulevé une vague d’indignation non seulement en France mais aussi en Afrique, notamment en RDC dont sont originaires ses parents. Pour rappel, un document sonore, relatant les échanges entre la jeune femme et l’opératrice, avait été largement diffusé dans les médias et sur les réseaux sociaux. 

L’ouverture d’une information judiciaire était l’une des demandes des parents de Naomi Musenga. Six mois et demi après, le procureur de la République de Strasbourg a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire pour « non-assistance à personne en péril » dans le cadre de l’enquête sur la mort de Naomi Musenga. La jeune femme de 22 ans est décédée des suites d’une défaillance multiviscérale sur choc hémorragique, avait appelé le Samu qui avait refusé de lui porter assistance. Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dénonçait le « non-respect de la procédure de régulation interne par l’ARM (assistant de régulation médical, ndlr) » ayant entraîné un « retard de prise en charge adaptée de 2h19 ».

Rappel des faits

Que s’est-il passé ce 29 décembre ? Au matin, Naomi Musenga est prise d’intenses douleurs au ventre, alors qu’elle est à son domicile de Strasbourg. Elle décide d’abord d’appeler la police, qui l’oriente vers les pompiers, mais elle préfère opter pour le Samu. C’est à ce moment-là qu’elle tombe sur cette opératrice « moqueuse » (une ancienne ambulancière d’une cinquantaine d’années), qui ne prendra pas en considération sa demande de prise en charge, préférant lui conseiller de recourir à SOS Médecins. 

Complètement désorientée, ayant du mal à s’exprimer, Naomi contacte son frère. Sans réponse, elle s’oriente vers sa belle-sœur, qui la rejoint chez elle. Prenant vite conscience de la gravité de la situation, la femme de son frère appelle à son tour le Samu, mais comme Naomi, on l’oriente alors vers SOS Médecins. Un médecin arrive au bout d’une heure et ce dernier, ironie de l’histoire, fera appel au Samu pour finalement prendre en charge la jeune maman. Ce n’est qu’à 16 heures que Naomi arrive à l’hôpital, elle décédera une heure et demi plus tard après deux arrêts cardiaques.

L’opératrice du Samu mise en cause a été suspendue alors qu’une enquête préliminaire pour « non-assistance à personne en péril » a été ouverte par le parquet de Strasbourg. Christophe Gautier, directeur des hôpitaux de Strasbourg, est revenu sur l’attitude de cette opératrice et surtout, sur ce qu’elle aurait dû faire. « La procédure est précise. En cas de douleur abdominale, il faut transmettre à un médecin régulateur. Sans parler du ton complètement inadapté de l’opératrice, le transfert doit être un réflexe. Ne pas passer la main à un médecin régulateur, c’est rarissime, je n’en ai jamais constaté lors de ma longue carrière hospitalière », a-t-il regretté dans une interview accordée au journal Le Parisien.

Fondateurs d’une Mission évangélique à Strasbourg, les parents de Naomi Musenga veulent que « justice soit faite ». En mai, lors d’une conférence de presse, ils n’avaient pas souhaité « absolument » que l’on charge uniquement l’opératrice, a assuré leur avocat, ni qu’on l’érige en « bouc émissaire ». Interrogé par franceinfo, Me Mohamed Aachour, l’un des avocats de la famille de Naomi Musenga, a déclaré que « la famille souhaite avant tout que toute la lumière soit faite sur toute la chaîne des responsabilités ». Le père, Polycarpe Musenga, estime avoir été « baladé » sur les circonstances de la mort de sa fille. La famille voudrait que des réponses soient apportées aux « nombreuses interrogations ».

Plusieurs sources syndicales ont tenu à prendre la défense de l’opératrice du Samu. Interrogé sur RMC, Jean-Claude Matry, président de la CFTC des hôpitaux universitaires de Strasbourg a affirmé : « Notre collègue est actuellement très mal ». Et celui qui l’a assisté à l’occasion de son entretien avec la direction de préciser : « Elle est suivie maintenant par la médecine du travail, par un psychologue du travail parce que là, effectivement, il faut qu’on l’aide. C’est d’abord, avant tout, un très bon élément. Elle a aidé les hôpitaux, elle a aidé le Samu. » 

Loin d’excuser l’attitude moqueuse de l’opératrice du Samu qui a répondu à la détresse de Naomi Musenga le 29 décembre dernier, Baptiste Beaulieu a tout de même tenu à mettre en lumière les trop nombreux appels perturbateurs, souvent des canulars, que reçoit le Samu à longueur d’année. « Ce genre d’appels ne pollue pas uniquement les lignes d’écoute, mais aussi l’esprit des personnels », a regretté le médecin et romancier dans une interview à L’Express. « À force d’entendre des gens qui appellent pour se marrer, ou faire des blagues en groupes, on finit par décrocher son téléphone avec un a priori. Et parfois, à prendre les choses à la légère », a-t-il ajouté.

5 ans de prison et 75 000 euros d’amende

Après la révélation de l’enregistrement de la conversation entre Naomi Musenga et l’opératrice du Samu, une enquête préliminaire a été ouverte pour « non-assistance à personne en péril » par le parquet de Strasbourg. Selon des juristes français, si l’enquête confirme l’énoncé et prouve l’existence de ce délit, alors la personne potentiellement mis en cause, en l’occurrence l’opératrice du Samu n’ayant pas déclenché la prise en charge de Naomi, risque cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, selon la peine maximale encourue dans ce genre de cas.

Le directeur général de l’hôpital de Strasbourg a démenti auprès du journal Le Monde « l’existence d’une mauvaise organisation du service de prise en charge des patients ». Il a été catégorique : l’opératrice en cause dans cette affaire n’était pas en surcharge de travail lorsqu’elle a eu Naomi au téléphone. « Cette personne travaillait ce jour-là en horaires de douze heures, de 7h30 à 19h30. L’incident a eu lieu au début de son service, et elle venait par ailleurs de rentrer de quinze jours de congés annuels : la fatigue n’est donc pas en cause », a-t-il déclaré.

Naomi a-t-elle été victime de sa nationalité ? Baptiste Beaulieu a donné, toujours à L’Express, son sentiment vis-à-vis de l’affaire Naomi Musenga. Pour lui, la jeune femme a peut-être été victime du « syndrome méditerranéen ». « Certains personnels soignants estiment que les personnes d’origine africaine ou maghrébine ont tendance à exagérer la manifestation de leurs symptômes, ce qui les conduit à ne pas entendre leur plainte », a-t-il confié, lui qui aurait été témoin à plusieurs reprises de ce « syndrome méditerranéen ». Il a dit : « C’est une forme de racisme institutionnel. Dramatique, mais représentatif de la maltraitance que peut sécréter tout système, particulièrement dans le domaine de la santé ».

D’après lui, l’opératrice avait le nom de la victime, sous-entendant qu’elle a éventuellement pu orienter sa réaction en fonction du patronyme de Noami. « Est-ce que cela a joué dans ce drame ? L’enquête le dira », s’est questionné Baptiste Beaulieu.