Renault va supprimer 15 000 emplois dans le monde

En plus de la suppression massive d’emplois sur trois ans, les dirigeants du groupe automobile français ont confirmé une baisse de la production pour réduire les coûts de 2 milliards d’euros. Le constructeur a précisé qu’aucun licenciement sec n’aurait lieu. Ces suppressions passeront par des reconversions, de la mobilité interne et des départs volontaires.

RENAULT réduit la voilure. Le groupe automobile français a confirmé le vendredi 29 mai son intention de revoir à la baisse ses capacités de production et de supprimer 15 000 postes dans le monde dont 4 600 en France sur trois ans. « Il est de notre responsabilité de prendre des décisions difficiles », a justifié Jean-Dominique Senard, le président du conseil d’administration de Renault. Le plan de réduction de coûts de deux milliards d’euros dont le projet avait été annoncé en janvier dernier est « vital » a souligné Clotilde Delbos, la directrice générale de Renault. À l’issue de ce plan, les cinq marques du groupe (Renault, Alpine, Dacia Samsung Motors) ne devraient plus peser que 3,3 millions de véhicules, contre 4 millions aujourd’hui. En France, le Losange pourrait ne conserver que deux grands sites d’assemblage: Douai pour les véhicules individuels et Sandouville pour les utilitaires. L’usine de Flins (78) étant promise à une reconversion d’ici à quelques années. 

Jean-Dominique Senard a précisé que Choisy-le-Roi serait le seul site à fermer sur les quatorze usines en France. Ceux de Dieppe et de Caudan font toutefois l’objet d’une « revue stratégique », ce qui peut se traduire à terme par une reconversion et un changement d’actionnaire. « Nous avions taillé nos coûts en fonction d’une croissance qui n’est jamais venue, a justifié Clotilde Delbos, critiquant sans le citer Carlos Ghosn, l’ancien patron de Nissan et de Renault qui avait mis en œuvre une stratégie de hausse des volumes. Priorité est donnée à notre performance financière pour dégager un cash flow suffisant. »

Les organisations syndicales ne se satisfont pas de ce plan financier qui ne donne pas de cap stratégique. Elles ont alerté le gouvernement pour que les emplois industriels soient maintenus dans et en France. Une table ronde réunissant Agnès Pannier Runacher, la secrétaire d’État à l’Économie, la direction, les élus et les syndicats est prévue mardi prochain. Emmanuel Macron, le président français, avait fait savoir la semaine dernière que le prêt garanti par l’État de 5 milliards d’euros ne serait pas signé avant cette rencontre.

Jean-Dominique Senard a estimé que le feu vert de l’État n’était qu’une question de jour et qu’en tout état de cause Renault n’avait d’ailleurs pas besoin de cette facilité dans l’immédiat. Une manière de se dégager de la pression de l’État. En France, ce ne sont non pas 4 500 suppressions sèches d’emploi mais des départs à la retraite naturels et le système de départs volontaires qui est en place depuis quelques années, a précisé le syndicaliste Franck Daout à l’issue d’un CSE central extraordinaire. « Le point marquant, c’est que les suppressions d’emplois et surtout les réorganisations de sites vont se faire par la négociation avec les pouvoirs publics et les organisations syndicales. Ils ont beaucoup insisté la dessus », a-t-il ajouté. Renault, qui a accusé l’an dernier sa première perte nette en dix ans, a présenté le vendredi 29 mai aux analystes financiers et à la presse un plan d’économies de deux milliards d’euros pour redresser la barre.

L’avenir de l’alliance

Renault, Nissan et Mitsubishi, ébranlés par trois années noires, ont présenté le mercredi 27 mai une nouvelle stratégie visant à développer et produire en commun la moitié de leurs véhicules afin de redresser la compétitivité de leur alliance, sans envisager toutefois une fusion. Les trois constructeurs, secoués en 2018 par la disgrâce de leur ancien homme fort Carlos Ghosn, ont vu leurs ventes chuter en 2019 à cause d’une dégradation de leurs principaux marchés, puis leurs difficultés s’accroître cette année avec la crise sanitaire liée au coronavirus.

Pour redresser leur situation financière, outre les plans d’économies que chaque groupe a annoncé, les partenaires comptent utiliser à plein le potentiel économique de leur alliance forgée en 1999 par Renault et Nissan. « Le nouveau modèle de l’alliance se concentre sur l’efficacité et la compétitivité, plutôt que sur les volumes », a déclaré Jean-Dominique Senard, le président de Renault et du conseil opérationnel de l’alliance, au cours d’une téléconférence. « D’ici quelques années (…), cette alliance va être la combinaison d’entreprises la plus puissante du monde. »

Cette nouvelle stratégie semble enthousiasmer les investisseurs. L’alliance tourne désormais le dos à la stratégie de Carlos Ghosn qui reposait sur les volumes et qui avait fait de Renault-Nissan-Mitsubishi le leader mondial du secteur en 2017 et 2018. Une performance réalisée toutefois, selon ses détracteurs, au détriment de la rentabilité, notamment de celle de Nissan en Amérique du Nord. Le groupe japonais a annoncé le jeudi 28 mai un plan d’économies drastiques suivi le vendredi 29 mai par Renault.

Jean-Dominique Senard a toutefois exclu une fusion entre les partenaires, un projet réclamé par les marchés financiers au nom de la simplification du groupe mais politiquement ultrasensible à Paris comme à Tokyo. « Il n’y a pas de projet de fusion de nos entreprises », a martelé le président de Renault. « Notre modèle aujourd’hui est un modèle très distinctif (…) nous n’avons pas besoin d’une fusion pour être efficient. » L’industrie automobile est engagée dans une course à la taille pour réaliser des économies d’échelle et faire face aux lourds investissements liés à l’électrification des modèles et au développement des voitures autonomes. PSA et FCA comptent ainsi allier leurs forces d’ici début 2021.

Chacun sera leader

Pour l’heure, la recherche d’efficacité s’appuiera sur un partage accru des programmes de véhicules, une standardisation renforcée et une réduction de la gamme de l’alliance afin de générer de nouvelles économies. Le trio compte ainsi appliquer un système dit de « leader-follower » (décideur-suiveur), où l’un des partenaires pilote un programme et les autres le suivent, sur 50 % des véhicules d’ici à 2025. Cette stratégie, déjà à l’œuvre mais pas de manière systématique, devrait permettre de réduire de 40 % les dépenses d’investissements et d’économiser deux milliards d’euros par exemple sur le développement des futurs SUV compacts de l’alliance.

Dans ce cadre, Nissan pilotera les SUV compacts, Renault les petits SUV type Captur et Nissan Juke et Mitsubishi la technologie hybride rechargeable des véhicules compacts et de grande taille. Ce partage des rôles se retrouvera aussi à l’échelle géographique, Renault devenant ainsi leader de l’alliance en Amérique latine, où le nombre de variantes sur les petits véhicules passera au passage de quatre à une seule. L’alliance compte également reprendre le leadership dans les voitures électriques, où elle fut pionnière au début de la décennie précédente. La situation s’est ensuite détériorée en raison de divergences entre les partenaires et de doublons dans les programmes de Renault et de Nissan.

Chacun des trois membres de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi sera leader sur des véhicules, des technologies, des régions. Pour réduire de 40 % le coût des investissements des nouveaux véhicules. En fait, tout cela se pratique déjà depuis les années Carlos Ghosn. Le plan pêcherait-il par manque d’ambition? Changement de décor. Pas de conférence internationale place Vendôme, l’un des lieux les plus luxueux de Paris comme Carlos Ghosn les aimait. Ni de grande annonce comme lorsque, en septembre 2017, l’ancien triple patron de l’Alliance au sommet de sa gloire annonçait un objectif de croissance fulgurante à plus de 14 millions de ventes en 2022.