Le jeudi 4 juillet, Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, et Franck Riester, ministre de la Culture, ont organisé ensemble un forum intitulé «patrimoines africains : réussir ensemble notre nouvelle coopération culturelle».
On s’en souvient, le Cran avait lancé en décembre 2013 la campagne sur la restitution des trésors pillés pendant la Colonisation. Depuis lors, l’organisation a multiplié les tribunes, les appels, les rendez-vous à l’Elysée, à l’Unesco, au Bénin, au Congo, à l’Union africaine et ailleurs. Finalement, le président Emmanuel Macron a fait droit à cette demande.
Le 28 novembre 2017, dans son discours de Ouagadougou, il a affirmé : «Je veux que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique.» Le Président avait annoncé que la restitution commencerait au printemps 2019. Or, pour l’instant, il n’en est rien. Au lieu d’agir, on parlemente, encore et encore. Il y a déjà eu le rapport rédigé par Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, qui explique très clairement comment la restitution doit être mise en place.
Pourquoi faut-il encore un forum ? Les ministres invitent encore des spécialistes ; or c’est précisément ce qui a déjà été fait dans le cadre du rapport de Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, qui ont réuni et auditionné de très nombreux experts.
Sauf à vouloir retarder la restitution, on ne comprend pas bien la nécessité de ce forum.
Par ailleurs, la restitution ne doit pas concerner que le Bénin, car nous avons dans ce pays des collections publiques possédant des pièces africaines à restituer provenant de très nombreux pays, y compris de territoires qui n’ont pas été colonisés par la France, comme l’Ethiopie (3 081), le Ghana (1 656), le Nigeria (1 148), la RDC (1 428), etc. L’Union européenne elle-même presse les Etats membres d’agir en faveur de la restitution.
Le 27 mars 2019, avec le soutien d’ENAR (European Network Against Racism), le Cran a obtenu du Parlement européen le vote d’un texte qui «rappelle que plusieurs Etats membres ont pris des mesures en faveur de réparations significatives et effectives liées aux injustices passées et aux crimes contre l’humanité contre les Personnes d’Ascendance Africaine, compte tenu de leur impact durable sur le présent». Et ce texte «appelle les institutions européennes et les Etats membres à suivre ces exemples qui peuvent inclure des formes de réparations comme la présentation d’excuses publiques et la restitution des objets volés à leurs pays d’origine.» C’est une avancée remarquable ; le Président Macron, qui est pro-européen, doit tenir compte de cette recommandation, qui a été adoptée à une très large majorité.
Aujourd’hui encore, plus de 90% des œuvres d’art classique africain sont en dehors de l’Afrique. 90 000 de ces objets se trouvent dans les collections publiques françaises, 70 000 au musée du quai Branly. C’est une question de culture, de spiritualité, de justice, de développement économique aussi.
Bref, près de deux ans après le discours de Ouagadougou, il est temps que le gouvernement passe aux actes. Les paroles, c’est bien ; les actions, c’est mieux.