Résultats à mi-parcours du Projet « Allo École »

C’est un rapport intermédiaire que la Banque mondiale publie sur l’initiative de redevabilité sociale dans l’enseignement primaire. Le document tire des leçons et décrit les perspectives à venir pour ce projet innovant d’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).

 Au départ, cette initiative mise en œuvre par le gouvernement en collaboration avec la Banque mondiale et financée par la coopération belge, avait un objectif symétrique : dans un sens, améliorer les canaux de communication au sein du système éducatif à travers une plate-forme NTIC et accroître la capacité du gouvernement à gérer la qualité de l’enseignement primaire. Dans l’autre, tester la capacité de la plate-forme à amplifier la voix des parents de manière à tenir pour responsables les institutions éducatives de la qualité de la formation.

La Banque mondiale et le ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et de l’Initiation à la nouvelle citoyenneté (EPS-INC) collaborent avec des partenaires de la société civile, notamment CONEPT et FESCO à Kinshasa, et CADEFA et FRADER à Tshikapa, pour le fonctionnement d’une plate-forme de redevabilité sociale dans le secteur de l’enseignement primaire. L’objectif de la plate-forme est de permettre aux enseignants et aux parents de fournir un feedback sur la disponibilité, l’efficacité et l’utilisation des manuels scolaires ; l´état de la construction d’écoles ; et l’absentéisme des enseignants et des élèves. Le prototype est expérimenté avec l’appui du Projet de soutien à l´éducation de base (PROSEB), l’opération d’investissement de la Banque mondiale dans le secteur de l’éducation en RDC.

Les raisons d’espérer

À ce jour, l’équipe de travail de ce projet pilote a mis en place la plate-forme Allo École dans 311 écoles : 208 écoles dans deux districts de Kinshasa (52 à Ngaliema et 156 en N’Sele) et dans 103 écoles de Tshikapa, dans la province du Kasaï, grâce à la prestation de séances de formation et la diffusion de support d’information. La plate-forme utilise des SMS et un serveur vocal interactif (SVI) dans les langues locales pour inciter les utilisateurs à évaluer l’efficacité de différentes réformes du secteur de l’éducation. Lors du premier mois du lancement de la plate-forme, 1 465 parents et 1 230 enseignants ont fourni un feedback. La plupart ont fourni des feedbacks sur la construction des écoles (61 %), suivi par les manuels scolaires (27 %), et l’absentéisme des enseignants ou des élèves (12 %). Le feedback des parents et des enseignants se composent à peu près des mêmes pourcentages.

Sur base des enquêtes menées après les séances de formation, 95 % des parents et 86,5 % des enseignants ont trouvé la plate-forme facile à utiliser, et plus de 99 % pensent qu’elle aura un impact positif sur l’état de l’éducation. Plus de 99 % des parents et un peu moins de 80 % des enseignants ont confirmé qu’ils utiliseraient la plate-forme. Les utilisateurs (93 % des enseignants et de 82,5 % des parents) préfèrent majoritairement des réponses par SVI plutôt que par SMS.

En les interrogeant sur les autres thèmes d’intérêt pour lesquels ils pourraient fournir un feedback, 57 % ont mentionné la qualité des enseignants, et 33 %, les frais de scolarité.

L’équipe chargée de la mise en œuvre de ce projet a d’abord établi un partenariat avec la société civile afin d’identifier les principales contraintes d’une bonne gouvernance de l’enseignement primaire en République démocratique du Congo. Pour faire face à la contrainte liée à une faible connectivité entre les principaux acteurs de l’éducation, elle a axé son travail sur la création et l’utilisation d’une plate-forme efficace de redevabilité sociale permettant aux enseignants, aux parents, aux directeurs des provinces éducationnelles (Proved) ainsi qu’aux sous-provinces éducationnelles (Sous-Proved) de fournir au ministre de l’EPS-INC une réponse en temps réel sur les différents aspects des services d’éducation. Les données recueillies par l’intermédiaire de la plate-forme peuvent également être utilisées pour fournir des informations pertinentes pour l’élaboration des politiques et l’amélioration de la gestion de l’enseignement primaire. PROSEB est une opération d’investissement centrée sur la qualité de l’éducation, la construction d’infrastructure scolaires et la distribution effective ainsi que l’utilisation des manuels scolaires.

La plate-forme a été conçue pour répondre à deux contraintes majeures : le manque de canaux de communication efficaces entre les responsables politiques du ministère de l’EPS-INC au niveau central, d’une part, et, d’autre part, les structures administratives déconcentrées de ce ministère au niveau provincial et sous-provincial. Le niveau central et le niveau déconcentré avaient tous deux reconnu une absence d’outils permettant une communication en temps réel entre l’administration central, les 30 Proveds, et les 258 sous-Proveds existantes à travers le pays comme étant une contrainte majeure à la mise en œuvre des politiques en faveur de l’éducation. Actuellement, la communication se limite à des rapports officiels ; il n’y a aucun moyen fiable d’évaluer la qualité de l’information ; et le système de gestion de l’enseignement primaire ne permet pas une communication interne qui s´effectue dans les délais avec une bonne dynamique d’interaction (feedback) permettant des actions ou réactions sur des problèmes identifiés.

Le manque de redevabilité sociale et de transparence des fournisseurs des services de l’éducation (enseignants et directeurs d’écoles) envers les citoyens (parents et élèves). Une fois de plus, la superficie de la RDC, le mauvais état des infrastructures et, surtout, la nature hiérarchique des institutions qui gèrent l’enseignement primaire, ne permettent pas à la population de faire entendre son opinion sur la qualité de l’éducation. Par exemple, il n’existe pas un mécanisme à travers lequel il est possible de déposer une plainte sur les aspects liés à l’administration de l’éducation et de recevoir une réponse pertinente de la part des autorités de tutelles.

Le contexte est que les problèmes de connectivité, communs dans les pays d’Afrique subsaharienne, sont aggravés en RDC par un très mauvais état des infrastructures de base, en particulier les routes. Les données montrent que le réseau routier de la RDC est fortement déficient avec une densité de routes bétonnées 16 fois plus faible que la moyenne des pays à faible revenu (seulement 1 km pour 1 000 km² de terre) et une densité de routes non bétonnées presque cinq fois plus faible. Compte tenu de ces données et de la superficie de la RDC, équivalente à la superficie de l’Europe occidentale, il est évident que la plupart des écoles, en particulier dans les zones rurales, demeurent inaccessibles. De plus, les interventions du ministère en rapport avec la provision des intrants scolaires (par exemple, la fourniture de manuels scolaires) sont difficiles à organiser, pour ainsi dire impossible de déterminer si ceux-ci étaient arrivés à destination et sont utilisés aux fins prévues.

Dans le déploiement de la plate-forme de redevabilité sociale, ce projet-pilote tire parti de l’avantage comparatif de la RDC, c’est à dire le taux de pénétration des cartes SIM de 55 pour cent, ou 43,2 millions de connexions pour 78,5 millions d’habitants, un taux plus élevé par rapport aux pays voisins avec le même RNB par habitant.