Grogne syndicale au port de Boma

Le décret Matata interdisant l’importation de véhicules de plus de dix ans d’âge a plombé les activités d’import-export. De la manière la plus officielle, les agents des services portuaires ont adressé un mémo au 1ER Ministre Badibanga réclamant son retrait immédiat sans autre forme de procès.

Après le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), la Direction générale des douanes et accises (DGDA), l’Office congolais de contrôle (OCC), l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM) et de la Société commerciale des transports et des ports (SCTP), c’est maintenant le tour des syndicats des services publics exerçant au port de Boma de se lever contre le décret signé par l’ancien 1ER Ministre, Augustin Matata Ponyo, interdisant l’entrée en République démocratique du Congo des véhicules d’occasion de plus de dix ans après leur fabrication à l’usine. Depuis que cette mesure est entrée en application, le mécontentement est général dans cette ville et a gagné l’autre ville portuaire, Matadi. Ces deux principales villes de la province du Kongo-Central dépendent majoritairement de l’activité économique au port. Or il se fait que c’est le marché d’occasions (bilokos), essentiellement les véhicules qui fait tourner à plein régime les deux ports, et donc fait vivre la grande partie de la population.

Cela ne pouvait pas durer. C’est pourquoi, les bureaux syndicaux de tous les services prestataires (DGDA, OCC, SCTP et OGEFREM) au port de Boma ont, dans un mémorandum commun, une première, demandé au 1ER Ministre Samy Badibanga Ntita d’abroger le décret du 2 octobre 2012 portant interdiction d’importation de véhicules d’occasion de plus de 10 ans de vie. Pour ces différents services, ce décret ayant été pris, officiellement « par la volonté de limiter l’impact nuisible des véhicules polluant l’environnement », est à la base de l’assèchement des recettes au port international de Boma. L’unique port, pour le moment, dans la partie ouest du pays, ouvert à l’importation de véhicules. La ville de Boma qui a été dernièrement rudoyée par une pluie diluvienne ayant causé plus de 50 morts et plusieurs disparus, vit économiquement en grande partie grâce au vieux port public.

Quand Bundu Dia Kongo s’en mêle

La tension sociale qui couvait depuis l’application de cette mesure a monté d’un cran et est actuellement et davantage perceptible, font comprendre les responsables des syndicats des services commis à ce port. L’appel à la désobéissance civique et à la chasse aux non-originaires de la province du Kongo-Central, lancé par le gourou du mouvement politico-religieux Bundu-dia-Kongo, le député Ne Muanda Nsemi, pourrait avoir un large écho dans la ville suite à la précarité sociale, redoute ce cadre de la SCTP, ex-ONATRA. Le nombre des véhicules importés a sensiblement baissé, entraînant des conséquences néfastes sur la vie économique de Boma. Les navires qui ramenaient plus de deux mille voitures à Boma, en déchargent actuellement moins de cinq cents. Par conséquent, les recettes liées à l’importation ont sensiblement baissé, au détriment de tous les services précités.

Plusieurs agences en douane ont fermé leurs portes, faute de marchés. Livrés à l’oisiveté, certains jeunes déclarants ont fini par se lancer dans le grand banditisme dans la ville. Le gouverneur de la province du Kongo-Central, Jacques Mbadu, est, en effet, passé outre ce décret qui contraint notamment tout importateur soit à détruire soit à réexporter à ses propres frais tout véhicule d’occasion vieux de plus de 10 ans au moment de son dédouanement. Jacques Mbadu a, en effet, obtenu des hautes instances politiques du pays qu’un navire longtemps amarré à Boma déchargeât sa cargaison des centaines de voitures d’occase. Il a évoqué des raisons « d’impérieuse nécessité » pour sa province qui suffoquait déjà économiquement à la suite de ce décret.

Il y a peu, le gouverneur de la Banque centrale s’est montré fort critique contre le fameux décret. « Cette mesure affecte les activités des banques à Boma, l’un des principaux ports où accostent les bateaux transportant les marchandises importées en RDC », avait soutenu Deo Gracias Mutombo. Au cours d’une séance de travail avec les responsables des institutions bancaires de la place.  L’actuel 1ER Ministre, Samy Badibanga, n’a pas encore donné suite au mémo des services publics opérant au port de Boma, deux semaines déjà après que leurs bureaux syndicaux respectifs l’ont rendu public.

L’exemple algérien

Pourtant, en Algérie qui a fait le frais comme la RDC de la baisse des cours mondiaux des matières premières, dont le pétrole et le cuivre, le gouvernement a décidé, dans le cadre du projet de loi de finances 2017, de lever l’interdiction de l’importation de véhicules d’occasion décidée en 2002. « On va lever cette interdiction et élaborer un cahier des charges bien précis qui permet de ne pas importer des véhicules représentant des dangers à la circulation », a laissé entendre le ministre algérien du Commerce, Bakhti Belaïb.  « L’essentiel pour nous est que ce soit un marché transparent où l’acheteur a des garanties suffisants », a-t-il ajouté. Selon les chiffres communiqués par les douanes algériennes, la facture des importations de véhicules s’est chiffrée à 3,14 milliards de dollars en 2015, contre 5,7 milliards en 2014.

En R-dC, la DGDA n’a pas encore publié les recettes des importations de véhicules aux conditions posées par le gouvernement. Seule certitude, ces recettes se sont réduites comme peau de chagrin, faute d’autoriser l’entrée en RDC des teufs-teufs de plus de 10 ans. Pourtant, le gouvernement a installé des centres de contrôle technique notamment dans la capitale pour détecter toute anomalie sur un véhicule. Ce check-up, foi de cet importateur auto coûte au bas mot 75 dollars. En 2015, le gouvernement s’est engagé à implanter une usine de montage des véhicules dans la capitale. Rien n’est venu depuis lors. Par ailleurs, pour un véhicule d’occase acheté à 1 000 euros en Europe, il va falloir payer 4 000 dollars à la douane, sans compter les sempiternels pourboires. Plutôt des déboires pour les services de l’État.