Retenue de l’IPR dans l’Administration publique : une réforme nécessaire et responsable

Décidé en conseil des ministres, la ministre de la Fonction publique devra initier un atelier résidentiel avec les ministres concernés et les partenaires sociaux (syndicats de l’Administration publique) pour trouver une alternative à la polémique née de l’annonce de la mesure de retenue à la source. Mais certains syndicats dénoncent déjà le cadrage des discussions imposé par le gouvernement.

LES contours de l’atelier résidentiel en perspective sur l’application de l’impôt professionnel sur le revenu (IPR) dans l’Administration publique ont été discutés et définis lundi 13 janvier à la Primature. Après des réactions épidermiques observées ici et là à la suite de l’annonce de la mesure de retenue à la source de l’IPR, le climat semble revenir à l’apaisement. Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, a autorisé Yolande Ebongo Bosongo, la ministre de la Fonction publique, à réfléchir avec les syndicats sur les modalités de mise en application de cette obligation légale. 

Le gouvernement a donc donné suite à la revendication des agents des services publics qui souhaitaient l’harmonisation des vues avec le gouvernement sur la meilleure manière d’aborder cette question. En effet, les agents de carrière des services publics font valoir qu’il n’est pas opportun d’affecter leurs rémunérations de l’exercice 2020 de l’IPR. Motif invoqué : il n’y a pas eu sensibilisation préalable, et par ailleurs, la décision a été brutale sans tenir compte de leurs faibles revenus ne pouvant pas supporter le taux de 15 %.  En outre, les syndicats des fonctionnaires et agents de l’État souhaitent que les avantages tels que le logement, le transport, les allocations diverses et les primes ne soient pas imposés. 

Pour se faire entendre davantage, les syndicats de la Fonction publique rregroupés au sein de l’Intersyndicale nationale de l’Administration publique (INAP) se sont réunis, le 3 janvier dernier, à Kinshasa. Pour faire barrage à Jean Baudoin Mayo Mambeke, le vice-1ER Ministre, ministre du Budget, qui s’apprêtait à appliquer une retenue sur les salaires du mois de janvier, à savoir 4 000 FC pour les cadres et 2 500 FC pour l’huissier, en sus d’une déduction de 15 % au titre de l’IPR. C’est à la suite de cette rencontre que l’option d’engager les négociations directes avec le chef du gouvernement, au plus tard le 10 janvier, a été levée. L’INAP entend aussi remettre sur la table des négociations l’application du palier du barème de salaire mensuel fixé à l’équivalent en francs de 150 dollars pour le dernier gradé (huissier), conformément à l’accord conclu en octobre 2019.

Rappel des faits

C’est l’annonce de la Direction générale des impôts (DGI) de procéder, dès le mois de janvier 2020, au prélèvement de l’IPR sur les primes et tous les autres avantages (collations, dotations budgétaires, frais de fonctionnement) accordés par le Trésor public aux fonctionnaires et agents de l’État qui a provoqué l’ire de ces derniers. La mesure fiscale prévoit un prélèvement de 15 %, sans exception, sur l’ensemble des institutions nationales, provinciales, locales ainsi que sur les instances politiques.

Cela remonte à longtemps que les fonctionnaires et agents de l’État et tous ceux qui sont rémunérés par le Trésor public ne payaient pas d’impôt même s’il existait. La DGI a rappelé que l’IPR à 15 % pour tous est une mesure fiscale prévue de longue date. Un arrêté interministériel du 7 mai 2014 prévoyait déjà la retenue à la source mais n’était pas entré en application parce qu’on a considéré que le revenu du fonctionnaire et de l’agent de l’État était déjà imposé à l’IPR, de manière forfaitaire. Toutefois cette imposition, était inférieur à celle du smicard, nageant entre de 2 000 à 4 000 FC pour les cadres.

Aujourd’hui, il y a nécessité, explique-t-on, à la DGI : « Si nous nous en remettons maintenant à élargir cette assiette, c’est par rapport aux assignations budgétaires de l’exercice 2020. L’année dernière, la DGI a été appelée à produire 4 011 milliards de francs. Et cette année, on lui demande de produire plus de 6 266 milliards. » Sur le budget de l’État de 11 milliards de dollars, la DGI doit fournir autour de 4 milliards, soit le double de 2019.

Imposer l’IPR à l’ensemble des fonctionnaires et agents de l’État, estime-t-on au fisc, n’est que justice aujourd’hui parce que les privés le payaient déjà. Même aux travailleurs journaliers qui recherchent des petits jobs de manutention ou autres dans les quartiers industriels de Kinshasa, on retient les 15 % d’office, quel que soit le montant de rétribution en fin de journée. Alors, pourquoi pas les fonctionnaires, pourquoi pas les politiques ?

Un engagement citoyen

L’impôt est non seulement applicable à tous, mais c’est aussi un engagement citoyen vis-à-vis de la loi fiscale. C’est également un engagement international vis-à-vis du Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre du Programme de référence en cours. Le compromis qui sortira de l’atelier résidentiel, pourra décanter le climat délétère actuel. 

C’est d’ailleurs non sans raison que le 1ER Ministre a présidé le mercredi 15 janvier à la Primature une réunion avec le vice-1ER Ministre, ministre du Budget ; le ministre d’État, ministre de l’Enseignement primaire, secondaire et technique ; la ministre de la Fonction publique ; le ministre de la Santé publique ; et le vice-ministre aux Finances. La séance de travail était consacrée à la gestion des revendications syndicales en rapport avec les diverses promesses gouvernementales, lesquelles sont prises en compte dans le budget 2020. Selon des syndicalistes de la Fonction publique, il reste encore des mesures à prendre concernant les revendications pour qu’il n’y ait aucun perdant. Ils se confortent de la volonté du gouvernement d’améliorer les conditions des fonctionnaires et agents de l’État. 

Le revers de la médaille

En imposant l’IPR aux fonctionnaires et agents de l’État, certains observateurs pensent que le gouvernement ne doit pas faire les choses à moitié. Pour eux, cela doit s’accompagner de la feuille de paie qui comporte des mentions obligatoires (nom, emploi, position dans la convention collective, les références de l’organisme de sécurité sociale auquel l’employeur verse les cotisations, etc.). « Le principe universellement admis est que le bulletin de paie doit être remis au salarié au moment du versement de la rémunération, qui doit intervenir au moins une fois par mois. Le salarié doit conserver sa fiche de paie pendant toute sa vie afin de faire valoir ses droits à la retraite », expliquent-ils. 

Le bulletin de salaire est le plus souvent établi sous forme de fiche imprimée mais peut aussi être écrit à la main. Il est généralement remis directement en main propre contre décharge. Aujourd’hui, avec les progrès technologiques, il peut également être adressé sous forme de fiche de paie électronique.

La fiche de paie mentionne obligatoirement le montant de la rémunération brute du salarié, la nature et le montant de tous les ajouts et retenues réalisés sur la rémunération brute. À ce salaire brut sont donc soustraites les charges et les cotisations sociales que l’employeur paye pour le salarié. Elles comprennent les cotisations et les contributions salariales ainsi que, le plus souvent, les cotisations patronales. Tandis que le salaire net, qui figure dans la plupart des cas à la fin du bulletin de paie, correspond au montant obtenu après ces soustractions. C’est ce salaire qui est effectivement versé.

Le salaire peut éventuellement être complété par des primes (prime d’ancienneté, 13e mois…) ainsi que par des avantages en nature. Leur nature et leur montant doivent alors figurer sur le bulletin de paye. Concernant le prélèvement à la source, le bulletin de paie des salariés indique l’assiette et le taux, le montant versé ainsi que le montant du salaire qui aurait été versé avant prélèvement. Ce salaire net avant impôt est indiqué en gros caractère sur la fiche de paie.