Rigueur de la loi et zones d’ombre

Le nouveau code vient de lever toute équivoque : les hydrocarbures produits du sol et du sous-sol appartiennent à l’État. Quant aux sanctions contre ceux qui commettent divers délits, elles seront lourdes.  

Selon la nouvelle loi, le ministre des Hydrocarbures, devrait depuis le 1er septembre 2015, rendre publique la liste de tous les contrats d’hydrocarbures en cours de validité. Sur le site du ministère, quelques contrats ont été publiés. Le hic ?c’est dans une version datée de 2013. Pourtant, ces contrats qui remontent en réalité à l’époque trouble de la formule « 1+4 », ont connu plusieurs amendements et avenants, notamment en termes d’exonérations fiscales. Toutefois, afin de dissuader à l’avenir tout agent public, et ce compris le ministre de tutelle, de conclure à nouveau des contrats bidons, le code des hydrocarbures prévoit de lourdes sanctions : jusqu’à 7 ans de prison et 300 millions de francs d’amende. Sont visés les receleurs des produits pétroliers, les vandales qui sectionnent les canalisations des carburants ou encore les activistes qui sabotent les installations des compagnies pour revendiquer divers droits. Sanction encourue : 2 à 5 ans de servitude pénale et jusqu’à 100 millions de francs d’amende.

Le nouveau code est aussi plus regardant à l’endroit des pétroliers producteurs, longtemps restés seuls maîtres de la politique et du circuit d’exploitation et de commercialisation du brut. Le principe de sincérité que l’État leur exigé a été renforcé par un régime de sanctions qui ne fait pas dans la dentelle. Désormais, toute personne qui, par contrainte, menace ou toute autre pression, oblige un fonctionnaire du ministère ou tout agent de l’État à agir en violation de la nouvelle loi, est passible d’une servitude pénale de 3 à 5 ans et d’une amende de 100 à 200 millions de francs. Preuve d’une crise de confiance qui serait née entre l’État et les pétroliers producteurs, le gouvernement a, dans l’optique de maximiser les recettes du budget 2015, enjoint la Direction de préparation et du suivi du budget,  ainsi que la DGI et la DGRAD de recouper auprès des pays importateurs de brut, les statistiques de production et de vente effectuées par les pétroliers producteurs la structure et le volume des charges projetées en 2015 par ces entreprises.

Par ailleurs, le ministre de l’Économie, Bahati Lukwebo, a annoncé à la mi-juillet, que trois cabinets, sans les citer, vont auditer sur toute l’étendue du pays, des entreprises pétrolières. Le Trésor public n’a perçu que quelque 120,7 millions de dollars au cours des six premiers mois de l’année 2015.

Les mois de février, mars et juin ont particulièrement été catastrophiques. Les pétroliers producteurs ont versé respectivement 10 millions, 11 millions et 9,5 millions de dollars alors que, selon le gouverneur de la Banque centrale du Congo, Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, l’État devrait percevoir du secteur des hydrocarbures en moyenne 38 millions de dollars par mois. Mais, les recettes de l’État ont été établies sur des prévisions d’un baril autour de 70 dollars, alors que les cours mondiaux de l’or noir ont périclité jusqu’à 40 dollars.

Quand la Banque centrale s’en mêle…  

Les auditeurs désignés auront cependant fort à faire. car, aussi longtemps que des auditeurs ou des régies financières seront pris en charge par les entreprises pétrolières qu’ils sont censés contrôler, fait remarquer un ancien conseiller au ministère de l’Économie, le régime des sanctions repris dans la nouvelle loi sur les hydrocarbures ne servira pas à grand-chose.

D’après certaines observateurs, à l’instar des mines et du bois, la nouvelle loi sur les hydrocarbures ne résout pas la sempiternelle et délicate question de la modicité  des recettes de l’État.

L’on se souviendra que des membres de la commission paritaire Sénat-Assemblée nationale chargée de toiletter le code des hydrocarbures s’étaient séparés en queue de poisson à cause du régime fiscal et de change à appliquer du secteur. Pour ce qui est du régime de change, la loi promulguée  renvoie les entreprises pétrolières exerçant dans le raffinage, le transport-stockage et la fourniture des produits pétroliers ou encore l’importation et la commercialisation de carburant à la Banque centrale du Congo. C’est plutôt l’impasse pour les entreprises opérant en amont de la chaîne pétrolière (prospection, exploration et exploitation).

Pérennisation du clientélisme

À propos du régime fiscal, le code renvoie les opérateurs de l’amont au Règlement d’hydrocarbures, une réglementation auxiliaire que le Premier ministre rendra publique le 1er janvier 2016 au plus tard, soit six mois après la promulgation de la nouvelle loi. Mais, les entreprises seront réparties en quatre zones fiscales. La multiplicité de celles-ci fait craindre la pérennisation du clientélisme.

Même si la nouvelle loi sur les hydrocarbures reprend tous les faits générateurs (impôts, droits, taxes et redevances) des recettes y afférents, elle reste muette quant à leur taux de perception, contrairement au code minier, par exemple.

Avant la promulgation de la nouvelle loi, le taux de royalties était de 12,5 % de la valeur des hydrocarbures à la tête de puits.

Les producteurs offshore étaient censés s’acquitter notamment d’une taxe statistique de 1% sur les exportations de pétrole brut, ou encore 40% de la marge distribuable (profit oil) après déduction de toutes les dépenses opérationnelles. Par contre, le nouveau code reconduit  ipso facto tous les avantages dont des exonérations accordées par l’État jusqu’à la date d’expiration des contrats en cours. L’État  congolais a  conclu des conventions qui vont au-delà de 2025.

Pour l’instant, point de révision de contrats en vue. D’aucuns pensent que la loi sur les hydrocarbures a escamoté les problèmes essentiels qui plombent la rentabilité du secteur pétrolier.