Un nouveau code pour assainir le secteur

La loi sur les produits pétroliers et dérivés est enfin là. Elle a été promulguée début août après des années de confusion sur fond de polémique au Parlement. Selon des observateurs, même si elle a le mérite d’exister et se veut attractive, cette législation comporte quelques zones d’ombre. 

Votée au Parlement la loi sur les hydrocarbures a été promulguée par le Chef de l’État.
Votée au Parlement la loi sur les hydrocarbures a été promulguée par le Chef de l’État.

La République démocratique du Congo vient de se doter d’un code des hydrocarbures appelé à régir un secteur dans lequel le pays compte d’importantes réserves. Ce cadre légal qui concerne notamment l’attribution des blocs pétroliers pour l’intérêt des parties impliquées dans l’exploitation faisait cruellement défaut. Pour de nombreux experts, cette loi garantit, à travers son régime pétrolier, le contrôle des activités de la filière, le respect des règles d’hygiène, de sécurité, la protection de l’environnement. Elle vise également l’obtention d’une part équitable des revenus, le système fiscal à mettre en place et la réalisation par les investisseurs d’actions sociales pour le développement des communautés locales.

Avantages 

Après des années de tractations, la nouvelle loi spécifique qui se veut attractive, va permettre à la RDC de quitter le statut peu honorable de producteur marginal et nain de pétrole pour accéder à la place qui est la sienne, celle d’un grand pays producteur de pétrole. Des informations dignes de foi, il ressort que cette loi fixe le régime générale applicable aux hydrocarbures, conformément aux dispositions des articles 9 et 122, point 8 de la constitution de la RDC. Ce régime comprend les règles relatives à la gestion et à la concession du domaine de l’État, règles liées à l’ensemble des activités des hydrocarbures en amont et en aval, notamment la reconnaissance, l’exploration, l’exploitation, le raffinage, la transformation, le transport-stockage et la commercialisation.

La nouvelle loi porte ainsi affirmation du rôle de l’État propriétaire du sol et du sous-sol. Dans ce cadre, il exerce sa souveraineté sur les ressources en hydrocarbures situées dans les limites du territoire congolais et les espaces maritimes sous juridiction nationale. On signale à cet effet que tous les gisements dans le sol et le sous-sol dans les limites ci-dessus, découvertes ou non découvertes, sont et demeurent la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’État congolais.

Pour ce faire, il est admis que l’État congolais assure la promotion et la mise en valeur des ressources en hydrocarbures en vue de leur contribution au développement national, de la province et de l’entité territoriale où sont situés les sites de production, ainsi qu’à la réduction de la pauvreté des populations locales. L’État congolais assure également la mise en valeur des blocs par l’octroi des titres d’hydrocarbures à des personnes morales publiques ou privées, conformément aux dispositions de la présente loi.

Le secteur des hydrocarbures était encore régi par l’ordonnance-loi du 2 avril 1981 portant sur les mines et les hydrocarbures, mais qui a été abandonnée par le ministère des Mines qui a, depuis 2002, un code minier. Le code des hydrocarbures apporte également des réponses aux préoccupations des investisseurs : le droit de monétiser la production, la stabilité du régime applicable et son caractère obligatoire.

La question de l’exploitation des ressources partagées avec les pays limitrophes peut trouver une issue favorable car ce code affirme la souveraineté et la propriété de l’État sur les ressources d’hydrocarbures « du sol et du sous-sol découverts ou non découverts, situés dans les limites du territoire national, en ce compris les espaces fluvial, lacustre, maritime ainsi que sur la mer territoriale congolaise, la zone économique exclusive et le plateau continental ».

Les défauts du code selon Global Witness

Les recommandations formulées par cette ONG lors des discussions au Parlement ont été peu ou pas suivies. D’après cette ONG, certaines dispositions sur les hydrocarbures contenaient quelques défauts majeurs qui pouvaient laisser libre cours à une mauvaise gestion de la richesse pétrolière du pays et entraîner de graves répercussions sur l’environnement. À cet effet, la nouvelle législation devait exiger un processus d’appel d’offres ouvert et compétitif pour des permis pétroliers, la transparence des contrats et de la propriété des droits pétroliers et gaziers, ainsi qu’une interdiction de forer dans les parcs nationaux du pays.

Malgré son apparence initiale, la dernière version de la loi sur le pétrole ne prévoit pas de processus d’appel d’offres publics rigoureux. Un processus d’appel d’offres bien structuré et transparent est la meilleure façon de veiller à ce que l’État obtienne les prix les plus élevés possible pour ses ressources pétrolières et gazières. En outre, les appels d’offres ouverts contribuent à empêcher la corruption, dans la mesure où toutes les entreprises sont traitées d’une manière impartiale. Un certain nombre de pays, dont l’Afrique du Sud et l’Algérie, veillent déjà à ce que les droits d’exploration ou d’exploitation des ressources pétrolières nationales soient, selon la règle, attribués au moyen d’appels d’offres publics.

Certes la loi rend l’appel d’offres obligatoire (articles 40 et 62), mais un autre article stipule qu’une fois qu’une demande de bloc a été déclarée « recevable », aucune autre demande ne peut être examinée jusqu’à ce qu’une décision d’attribuer la concession soit prise. Cela permet de réduire, en réalité, le processus à un système du premier arrivé, premier servi, à la discrétion des autorités. Cette ambiguïté n’a pas été éliminée dans la loi. Par ailleurs, elle ne fixe pas des règles de base pour un processus d’appel d’offres ouvert – par exemple, il n’existe aucun engagement pour que les documents clés dans le processus d’appel d’offres soient rendus publics, à savoir les soumissions et propositions des entreprises ; les critères sur la façon dont les offres seront sélectionnées et les critères pour l’attribution définitive des droits etc.

La nouvelle loi sur le pétrole reprend le décret du Premier ministre de mai 2011, qui exige que tous les contrats liés aux ressources naturelles soient publiés dans les 60 jours suivant leur mise en vigueur. D’après ce décret, les compagnies pétrolières et gazières doivent déclarer publiquement leurs paiements et recettes – en accord avec les promesses de transparence que la RDC a faites en vertu de l’Initiative de transparence des industries extractives (ITIE). Le code s’inscrit dans cette logique. Il contient une obligation pour l’État de rendre les contrats publics dans les 30 jours suivant sa publication. Sur le site du ministère, on peut maintenant consulter les différents contrats signés, chose inimaginable il y a quelque temps.

Cependant, la loi ne contient pas de dispositions obligeant les entreprises à déclarer leurs propriétaires réels ou effectifs. La déclaration de la propriété sous-jacente des entreprises aiderait à se prémunir contre l’implication de responsables gouvernementaux ou de personnes ayant des antécédents de corruption. Elle aiderait également à éviter que les mêmes acteurs obtiennent secrètement des actifs à plusieurs reprises par le biais de sociétés écrans sous des noms différents.

D’après des analystes, une telle réforme de la transparence a été récemment adoptée ailleurs en Afrique, notamment dans le code pétrolier du Soudan du Sud de juin 2012 et dans la révision de septembre 2011 du code minier en Guinée. Des exigences de transparence fortes permettraient un débat public éclairé sur le secteur pétrolier et le contrôle des revenus générés par les ressources pétrolières de la République démocratique du Congo. En donnant moins de place aux rumeurs les plus folles sur les richesses pétrolières du pays, la transparence pourrait également réduire la méfiance entre l’élite congolaise et la population en général, contribuant ainsi à désamorcer les conflits potentiels.

Le forage dans les parcs 

Une autre préoccupation au sujet de cette loi est qu’elle pourrait ouvrir la porte au forage dans les sites du patrimoine mondial du Congo. Le code permet l’exploration pétrolière dans les « aires protégées » si un Conseil des ministres décidait que c’était dans l’intérêt public. Les organisations qui militent pour la conservation de la nature, dont l’UNESCO, se sont longtemps opposées à des mesures visant à permettre à la compagnie pétrolière SOCO International, cotée à Londres, l’exploration pétrolière dans le Parc national des Virunga, en faisant valoir que cela enfreint les lois environnementales de la RDC, ainsi que la Convention sur le patrimoine mondial, dont la RDC est signataire. Le Parc national de la Salonga, qui couvre une vaste zone au cœur de la forêt du bassin du Congo, a déjà été divisé en blocs pétroliers.

Des faiblesses relevées

D’autres faiblesses ont été épinglées. Elles se rapportent à l’institution d’un fonds pétrolier, l’absence de contrats types, les dispositions sociales et environnementales. À cet effet, on signale un manque

de précision dans la disposition concernant le « fonds pour les générations futures ». Le code lui-même n’a pas prévu des garanties fondamentales pour éviter que l’argent ne soit mal géré, notamment une publication régulière du montant du financement et de l’utilisation des fonds même s’il prévoit que l’argent de ce fond sera déposé sur un compte spécial à la Banque centrale.

Il n’y a pas de mention explicite d’un « contrat type » dans la loi. Il s’agit d’un contrat standardisé utilisé comme modèle pour tous les contrats pétroliers, qui fixe certains termes et laisse d’autres modalités variables, facilitant ainsi la compréhension des marchés et la création de conditions de concurrence équitables pour les entreprises.

La loi ne comporte pas l’exigence de publication des études d’impact environnementales et sociales et les plans de gestion transparente. Les articles relatifs aux relations avec les communautés ne sont pas explicites. Le code ne donne aucune indication quant à la base sur laquelle les compensations doivent être convenues.

Il aurait dû être renforcé afin d’exiger une véritable consultation et la participation du public à chaque étape du processus. En particulier toute réinstallation des personnes devra être effectuée conformément à un plan de gestion élaboré après des consultations avec les communautés et leurs représentants, en conformité avec les meilleures normes et pratiques internationales en la matière.

La procédure d’indemnisation avant toute réinstallation ne fait pas l’objet d’un contrat mis à la disposition du public.

Lutter contre la pauvrété

Les revenus provenant du pétrole pourraient contribuer à résoudre l’extrême pauvreté  régnant au pays qui, selon la Banque mondiale, a le plus faible PIB par habitant dans le monde. Cependant, à moins qu’il ne mette en place de solides remparts contre la corruption et ne garantisse la gouvernance responsable du secteur, sa richesse pétrolière pourrait non seulement ne pas bénéficier à la population mais alimenter la corruption et les conflits.

La production pétrolière de la République démocratique du Congo est d’environ 25 000 barils par jour. Les revenus tirés du pétrole ont atteint plus de 450 millions de dollars en recettes fiscales en 2013. Les grandes compagnies pétrolières comme Chevron et Total ont déjà des intérêts, tout comme des acteurs plus modestes tels que SOCO International, entre autres.

Une augmentation massive de la production pétrolière est probable, si un accord avec l’Angola sur le partage des bénéfices de champs offshore lucratifs est conclu. Le pays a également accordé de façon controversée des licences d’exploration le long de sa frontière nord-est avec l’Ouganda, qui empiètent en partie sur le Parc national des Virunga. Mais à Kinshasa, on estime que ces préocupations appartienne nt au passé.