En dehors de Moïse Tshombe Kapend, issu d’une famille des commerçants katangais, devenu Premier ministre de Joseph Kasa-Vubu, en 1965, pour sceller la réunification du pays après la sécession katangaise, Samy Badibanga Ntita, à l’ADN de businessman, n’a pas son pareil dans l’histoire politique des Premiers ministres en République démocratique du Congo. Comme Hercule, le héros de légende antique, et personnage de la mythologie romaine, connu pour ses Douze travaux et sa victoire sur le brigand Cacus, Samy Badibanga devra puiser dans toute sa force physique et mentale, et surtout dans son expérience professionnelle pour réussir dans sa mission. À savoir, relever les défis économiques et sociaux du pays.
La politique économique suivie au cours des cinq dernières années a permis au pays de renouer avec la stabilité macroéconomique et la croissance. Les résultats sont éloquents : la RDC a rompu avec un long passé marqué par l’hyperinflation, les déficits publics et l’endettement. L’inflation a été ramenée en dessous de la barre de 4 % depuis 2012. Les réserves en devises ont été reconstituées jusqu’à 1.5 milliards de dollars. Les investissements, notamment dans le secteur minier, se sont accélérés et la production minière a augmenté. Le pays a renoué avec la croissance qui a atteint la crête de 7,7 % depuis 2010, le pouvoir d’achat de la population s’est amélioré, et la pauvreté a reculé de 71 % en 2005 à 63,7 % en 2012…
Les défis à relever
Cependant, il ne faut pas dormir sur les lauriers car le chemin à parcourir est encore long. Au contraire, les progrès réalisés doivent constituer le point de départ de l’étape suivante. C’est celle du renforcement de la résilience de l’économie. Pour y parvenir, le gouvernement Badibanga devrait passer à la vitesse supérieure dans la gestion de l’économie et de la société en vue du développement durable. La mobilisation des recettes nationales reste le principal défi à relever. Le nouveau Premier ministre devrait désormais se focaliser sur la performance de la gestion du secteur public, à la manière du secteur privé, et au renforcement du rôle de l’État, si l’on veut conduire le pays à l’émergence à l’horizon 2030. Il faudrait donc une forte dose de volonté politique pour que le recul de la pauvreté soit significatif et que les effets de la croissance se ressentent dans le développement économique et social. Renforcer le rôle de l’État, c’est aussi doter l’administration publique davantage des moyens afin de lutter contre la gabegie et la corruption. C’est un impératif.
Les recettes sont en dessous du potentiel, notamment les recettes provenant du secteur des ressources naturelles. En effet, les recettes ne dépassent pas 13 % du PIB, soit 2 points de moins que la moyenne des pays les moins développées (15 %). Le potentiel de mobilisation supplémentaire serait de 8 points du pourcentage du PIB venant essentiellement du secteur minier. Une telle mobilisation requiert une réforme du cadre légal (code minier) et le renforcement des capacités de l’administration minière. Il faudrait également mettre en place des institutions fortes et indépendantes afin de mieux gérer le secteur des ressources naturelles et d’atteindre les objectifs à long terme pour un développement durable. Évidemment, beaucoup de points d’interrogation subsistent, notamment au niveau de la gouvernance de ce secteur.
La mobilisation des recettes nationales sous-entend aussi l’efficacité des entreprises publiques censées fournir des services à l’économie et à la société. Il est indispensable d’examiner la raison d’être des entreprises publiques pour séparer celles qui devraient être gardées et réformées, de celles qui devraient être remplacées par des structures efficaces ou tout simplement liquidées. La Gécamines, dont le rôle principal est de fournir des recettes à l’État, occupe une place à part et son traitement est inséparable de l’impératif de mobiliser plus de ressources en provenance du secteur des ressources naturelles.
La diversification
L’autre défi majeur, c’est la diversification de l’économie sous l’angle de la résilience à long terme. En effet, la concentration géographique ou la concentration des marchés par client et par produit augmentent la vulnérabilité de l’économie. L’agriculture fait l’objet de toutes les attentions, notamment avec la création de pôles de croissance. Mais il faut avouer que ces initiatives ont aussi des limites. Par exemple, on ne peut pas parler de développement marchand du secteur agricole, si le marché intérieur n’est pas connecté. C’est le cas de l’infrastructure routière qui est insuffisante. On estime à 4 000 km le total des routes asphaltées en RDC, un pays qui a la taille de l’Europe de l’Ouest… Il y a des préalables à la diversification, notamment un minimum d’infrastructures et un minimum de qualifications. Sur les mines, par exemple, la RDC devrait déjà exporter des produits semi-finis, mais faute d’infrastructures, d’énergie et de qualifications, elle est encore à exporter des matières premières brutes. L’exploitation minière artisanale est une activité qui existe déjà, mais qui demande à être accompagnée, formalisée et encadrée pour minimiser ses externalités négatives et maximiser ses résultats positifs. Si la petite mine se développe à côté d’une grande mine, cela ne peut qu’être bénéfique pour le pays…