Le Premier ministre, Samy Badibanga, qui est sur le gril, a fait vertement comprendre à l’Assemblée nationale, à travers une correspondance, que le projet de budget du cabinet précédent est tout sauf un montage digne de la RDC. Il a promis de présenter à la session de mars 2017 un « budget conséquent ». Le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, a dit prendre acte de la lettre de Samy Badibanga… sans réserve. Comme pour faire allusion à l’Accord du Centre interdiocésain du 31 décembre 2016, où la MP (Majorité présidentielle) a signé sous réserve. En décidant de faire table rase du projet de budget laissé par Augustin Matata, Badibanga croit-il toujours qu’il sera Premier ministre jusqu’en mars ? Pourtant, tout porte à croire qu’un nouveau Premier ministre, issu du Rassemblement, cette fois-ci, aura la charge de présenter le budget 2017 à l’Assemblée nationale.
Ironie de l’histoire, l’on pourrait voir Félix Tshisekedi – dont le mandat de député a été invalidé pour absence prolongée et non justifiée lors d’une séance plénière plutôt trouble et orchestrée par Aubin Minaku en personne – revenir, tel une locomotive qui fume, pour emprunter l’expression au catcheur Edingwe, tête haute devant la chambre basse, contrainte de l’introniser, au nom de l’Accord de la Saint Sylvestre, Premier ministre. Tout ceci relève encore du potentiellement réalisable.
L’évidence des chiffres
Le réel, l’évident est que la RDC va devoir se contenter pour le premier trimestre 2017 des crédits provisoires votés, il y a peu, par les deux chambres du Parlement. Ils représentent le 12ème du budget révisé de l’exercice 2016 chiffré à quelque 6,6 mille milliards de francs, soit près de 6 milliards de dollars. Un véritable casse-tête pour Badibanga au regard de la montagne des urgences qui se dresse devant lui : la prime des Léopards, le financement des opérations de la Commission électorale nationale et indépendante (CENI), les routes, la rétrocession des 40 % des recettes nationales aux provinces. Contrairement à l’État, au gouvernement central, les provinces se sont toutes dotées des budgets domestiques, qui reposent à plus de 70 % en moyenne sur des crédits attendus de Kinshasa. Au Kasaï oriental, par exemple, l’Assemblée provinciale a même gavé de 5 milliards de francs le budget provincial qui est passé de 74 à 79 milliards de francs, dans l’espoir que le Premier ministre, fils du terroir, agirait en conséquence.
Hélas, c’est plutôt la saison des vaches maigres qui s’annonce avec grondement. Au 28 décembre 2016, la RDC accusait un déficit de 520 milliards de francs et les réserves en devises de l’État sont à 852 millions de dollars. La RDC n’est plus en programme avec les institutions de Bretton Wood (Banque mondiale et Fonds monétaire international) auprès desquelles elle aurait pu bénéficier de quelques subsides en termes de centaines de millions de dollars comme appuis budgétaires. Les provinces vont devoir se serrer la ceinture… Le gouvernement central semble être soumis à un régime de pain sec avec des frais d’installation d’airain. Plus de 25 ministres et vice-ministres sont des députés nationaux. Ils vont devoir toucher, jusqu’à la session de mars, un double salaire, au gouvernement et à l’Assemblée. La Chambre basse n’ayant pas pu valider leurs suppléants faute de dossiers sur les anciens députés devenus ministres. Ces ont tous disparu, selon la commission en charge de validation des mandats de l’Assemblée nationale.
Y en a marre
Ce n’est pas une révélation que les provinces ont ras-le-bol des injonctions de Kinshasa. Ces dernières années, jamais le budget de l’État n’a pris en compte les budgets des 26 provinces comme l’exige la loi sur les finances publiques (LOFIP). Quoiqu’il manifeste la ferme volonté de faire les choses autrement, en tout cas, pas comme son prédécesseur, le Premier ministre Badibanga devrait, cependant, de l’avis des analystes, poursuivre la politique de Matata consistant à donner un forfait aux provinces. Il va sans dire que si, sur le plan politique, la décentralisation donne quelques signaux, on ne peut plus positifs avec le tout nouveau ministre Azarias Ruberwa, ça clopine terriblement, cependant, sur le plan des finances publiques.
Selon la LOFIP, la loi budgétaire est formellement promulguée au plus tard le 31 décembre par le chef de l’État, après que le Premier ministre a déposé durant la session de septembre au bureau de l’Assemblée nationale le budget, conformément à l’article 126 de la constitution et à l’article 83 de la loi des finances publiques. Les deux chambres du Parlement disposent, selon la loi précitée de 60 jours pour l’examen et le vote du budget de l’État en raison de 40 jours pour l’Assemblée nationale et 20 jours pour le Sénat. Il va sans dire que toute entreprise inhérente au budget de l’État au niveau du Parlement, dont la convocation d’un tel ou tel ministre et/ou mandataire de l’État, la constitution d’une commission paritaire en cas de divergences entre les deux chambres, le vote dudit budget, doit se réaliser avant la clôture de la session de septembre consacrée à l’examen du budget qui est fixée au 15 décembre.
Entre-temps, les provinces ainsi que toutes les entités territoriales décentralisées ne disposent que de 15 jours pour finaliser leurs édits et décisions budgétaires afin de se conformer au cycle budgétaire de la RDC qui impose que l’année budgétaire commence le 1er janvier et se termine le 31 décembre d’une année civile. « D ‘où la nécessité pour le gouvernement de communiquer au plus tard le 16 décembre, avec diligence, juste après le vote du budget, les 40 % des recettes à caractère national du pouvoir central vers la province », explique un expert au ministère du Budget. « Il en est de même, poursuit-il, pour la province qui doit communiquer aux ETD, juste après le vote de son édit, les enveloppes des 40 % revenant aux entités y rattachées, en ce compris les modalités de répartition ».
Toutefois, en vue de permettre aux provinces et aux ETD de voter leurs édits et décisions budgétaires avant le 31 décembre, date butoir fixée dans le système d’exercice pour voter le budget, il est demandé aux intervenants dans le processus d’approbation de la loi d’en accélérer la signature et la publication. Hélas, les institutions publiques provinciales, particulièrement les assemblées, n’ont guère fonctionné depuis le passage de 11 à 26 provinces. Et pour les ETD, leurs prévisions budgétaires sont normalement élaborées par l’exécutif de chaque entité et sont approuvées par le responsable de l’entité et discutées dans la commission budgétaire des ETD ouverte par le gouverneur de province. Une fois approuvées par la commission provinciale, les prévisions budgétaires de l’ETD doivent, en outre, être approuvées par le gouverneur de province avant d’être publiées, au niveau local, notamment par le bourgmestre et le chef de secteur ou de chefferie. La LOFIP indique qu’aucune prévision ne sera acceptée ni dépouillée si elle n’est dûment signée par les autorités compétentes précitées. Hélas, les ETD ont-elles aussi été paralysées à la suite de l’implosion de 6 de 11 provinces en 21 nouvelles entités.
Le ministre de la Décentralisation et des Réformes institutionnelles, Azarias Ruberwa, a souligné l’importance de faire des Entités territoriales décentralisées (villes, communes, secteurs et chefferies) des véritables structures productrices de recettes au niveau local en vue d’améliorer la qualité des services à fournir à la population dans le cadre de la décentralisation.