Au cours d’une interview diffusée le 21 avril sur Europe 1, le chef de l’État congolais, Denis Sassou N’Guesso, a souhaité que l’Union africaine se réunisse pour aborder la question des flux migratoires de l’Afrique vers l’Europe. « Compte tenu de la gravité, oui, je pourrais suggérer que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine se tienne au niveau le plus élevé pour aborder ce sujet », a déclaré Denis Sassou Nguesso. « Ce sont les Africains qui sont concernés et ils doivent donner leur point de vue », a-t-il estimé.
A l’image de l’Union européenne, l’Union africaine est attendue pour des mesures de prévention de ce phénomène, qui émeut le monde entier. L’Afrique et ses dirigeants sont les premiers concernés par cette tragédie, qui doit les mobiliser. Pour l’heure, des enquêtes sont en cours, pour identifier les réseaux de passeurs, afin d’arrêter l’hémorragie. Selon des informations relayées par plusieurs médias occidentaux, des passeurs de nationalité libyenne sont déjà aux arrêts et tout porte à croire, à la lumière des enquêtes, que d’autres réseaux localisés en Europe vont être démantelés. Rien que pour cette semaine, plus de 1 500 victimes de naufrage ont été recensées.
C’est à partir de cette Méditerranée que des voyages clandestins sont organisés vers l’Europe toujours considérée comme un Eldorado, malgré la crise qui l’a durement secouée ces dernières années
Les Dépêches de Brazzaville
Les gouvernants africains devant la glace
Face aux drames successifs et répétés de naufragés africains dans la Méditerranée, la communauté européenne s’est mobilisée pour organiser les secours et rechercher des solutions. Pour rappel, en 2014, ils sont 3 200 Africains à avoir payé de leur vie, leur volonté de braver l’océan dans des embarcations de fortune, pour rejoindre l’Occident. Pour autant, cela n’a pas découragé des milliers d’autres de tenter la traversée dans les mêmes conditions.
Au premier trimestre de 2015, ils sont 1 153 à être restés au fond de l’océan, dont les derniers en date sont ceux de l’hécatombe du dimanche 19 avril dernier. Compte tenu de l’urgence, une réunion au sommet de l’Union européenne s’est penchée le 23 avril 2015 sur la question, afin de prendre des mesures et prévenir de nouvelles tragédies.
Pendant ce temps, la réaction de l’Union africaine (UA) se fait toujours attendre. A vrai dire, ce silence assourdissant de l’institution panafricaine face à un drame qui la concerne au premier chef, commence à être gênant, surtout face à la mobilisation des Occidentaux. C’est pourquoi la sortie du président congolais, Denis Sassou N’Guesso, qui estime que le silence n’est plus acceptable dans cette affaire, ne peut passer inaperçu. Denis Sassou N’Guesso a le mérite d’essayer de réveiller ses pairs africains par rapport à un problème crucial de l’heure, en appelant à un sommet de l’UA pour se pencher sur la question. Du reste, l’on se demande pourquoi la présidente de l’UA elle-même, Dlamini Zuma, ou même son président en exercice, Robert Mugabe, n’y ont pas pensé.
Quoi qu’il en soit, il est heureux de constater que les princes régnants du continent commencent à porter un intérêt à la question. Faut-il pour autant s’attendre à ce que les lignes bougent ? En tout cas l’on attend de voir, surtout que pour moins que cela, l’institution panafricaine s’était empressée d’organiser un sommet extraordinaire pour clouer la Cour pénale internationale (CPI) au pilori, estimant qu’elle sévissait trop contre certains de ses membres. Et si elle veut être prise au sérieux, une telle réunion devrait se tenir dans les meilleurs délais, à l’image de l’UE qui a eu une réaction immédiate, car il est bien connu l’adage selon lequel, « il faut battre le fer quand il est chaud ».
La jeunesse devrait cesser de trop rêver
Un tel sommet aurait l’avantage de dégager des pistes de solutions qui pourraient venir en appoint aux mesures européennes, toutes choses qui pourraient contribuer à mieux appréhender le problème dans sa globalité. Car, quoi qu’on dise, l’Europe ne peut pas se montrer plus généreuse et altruiste au-delà d’un certain seuil, compte tenu de ses propres problèmes domestiques, dont la lancinante question du chômage et la montée en flèche du nationalisme dans certains pays. Dans un tel contexte, il ne faut pas se bercer d’illusions et croire que l’Europe lèvera tout bonnement ses barrières.
C’est pourquoi il serait intéressant de connaître le diagnostic que feraient les dirigeants du continent sur la question. Au-delà de la question de la déliquescence de la Libye devenue une passoire pour les candidats à l’émigration, auront-ils le courage de se regarder dans la glace, et de reconnaître leur part de responsabilité dans la survenue de ces drames, eu égard à l’échec de leur politique en matière d’emploi ? Accepteront-ils de battre leur coulpe du fait de la mal gouvernance économique, mais aussi politique qui sévit sur le continent ? Ou alors se réfugieront-ils derrière le confort de la fuite en avant en invoquant des raisons qui ne les mettent pas en délicatesse avec leur conscience ?
Quoi qu’il en soit, même si Sassou est loin d’être un démocrate, son initiative, pour inédite qu’elle soit, n’en demeure pas moins louable et a de quoi redorer quelque peu son blason, au moment où certains de ses pairs, qui ont pourtant été plus durement frappés par la perte de leurs compatriotes dans ces tragédies, se réfugient derrière un silence incompréhensible.
A leur décharge, les dirigeants africains ne sauraient, à eux seuls, porter l’entièreté de la responsabilité de ces tragédies. L’Europe a aussi la sienne. Mais la jeunesse africaine, de son côté, devrait cesser de trop rêver, et être plutôt plus créative. Car, dans certains cas, les sommes englouties dans ces expéditions sans lendemain, suffisent largement à mettre sur pied des activités productrices de revenus voire pourvoyeuses d’emplois dans leur pays d’origine. C’est une question de vision et d’encadrement. Et c’est dans une synergie d’actions que l’Europe et l’Afrique parviendront à trouver une solution au fléau.
Le Pays
L’ONU pour une réponse collective
Face aux tragédies survenues en mer Méditerranée ces derniers jours, au cours desquels plusieurs bateaux se sont échoués au large des côtes libyennes, causant la mort de centaines de migrants africains qu’ils transportaient vers l’Europe, le Comité de l’ONU pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a exhorté la communauté internationale à mettre en œuvre une réponse collective afin de sauver les vies des migrants.
« Nous sommes à nouveau choqués et consternés par les terribles pertes en vies humaines dans les eaux séparant l’Europe et l’Afrique », a déclaré dans un communiqué de presse le président du Comité, Francisco Carrion Mena, suite à l’annonce d’un nouveau naufrage au large de la Libye samedi 18 avril, durant lequel 700 migrants auraient trouvé la mort.
« Rien qu’au cours de la semaine passée, plus de 1 000 migrants ont péri en mer Méditerranée », a déploré M. Carrion Mena, ajoutant que s’il n’existe pas de « solution miracle » pour résoudre immédiatement ce problème, trois actions apparaissent très clairement comme étant indispensables aux yeux de son Comité.
« La première est que les droits à la vie et à la santé de ces personnes, qu’il s’agisse de migrants ou de demandeurs d’asile, doivent être protégés par les entités responsables de ces mers. La recherche et le sauvetage doivent être appropriés pour sauver les personnes en détresse », a-t-il dit.
« Deuxièmement, le flux de migrants indéniablement à la recherche de réelles opportunités d’emploi en Europe doit être géré selon une approche plus ordonnée et fondée sur les droits humains, afin de réduire l’attrait des trafiquants et de leurs promesses, qui se traduisent souvent sous forme de violence, d’exploitation et de mort », a ajouté le président du Comité.
« Enfin, les fondements de la pauvreté et des conflits qui poussent les gens à prendre les mesures extrêmes pour traverser les mers à la recherche d’un travail, de la paix et de conditions de vie décentes ne vont pas disparaître sans une action concertée de la part des États », a déclaré M. Carrion Mena.
Le président du Comité de l’ONU pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a par ailleurs pris note des efforts déployés par l’Union européenne pour remédier à ces drames et a salué la future tenue d’une réunion sur la question le 23 avril prochain.
Dans ce contexte, a-t-il ajouté, le Comité appelle l’Union européenne à chercher des solutions à court et à long termes, prenant en compte les droits humains des migrants et des membres de leurs familles.
Lors d’un point de presse à Genève, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) s’est quant à lui félicité mardi de l’annonce par l’Union européenne (UE), le lundi 20 avril, d’un plan d’action en dix points pour répondre à ces flux migratoires.
« Le HCR se félicite des mesures de partage de responsabilité de l’UE contenues dans le plan, telles que le traitement des demandes d’asile, la relocation et la réinstallation des migrants, qui représentent un point de départ satisfaisant pour cette réponse », a déclaré l’agence de l’ONU.
Toutefois, le HCR a insisté sur la nécessité de renforcer les éléments du plan liés à l’octroi de l’asile et à la protection des migrants.