Secteur privé Akinwumi Adesina : « La RDC est importante pour la BAD »

Entre la République démocratique du Congo et la Banque africaine de développement, c’est le grand amour, pourrait-on ainsi dire. Le président de cette l’institution financière panafricaine a passé quatre jours de visite officielle au pays, à l’invitation du chef de l’État congolais. Il est venu « insuffler une nouvelle dynamique au partenariat bilatéral ». Décryptage.

AKINWUMI Adesina, le président de la Banque africaine de développement (BAD), était accompagné lors de sa visite officielle en République démocratique du Congo de René Obam Nlong, l’administrateur pour la RDC ; Ousmane Doré, le directeur général de la BAD pour l’Afrique centrale ; Racine Kane, le directeur général adjoint ; Akoupo Donatien Kouassi, le responsable-pays p.i ; ainsi que de quelques membres de son cabinet. Interrogé sur les objectifs de son séjour de travail, le président de la BAD a déclaré qu’il était venu « insuffler une nouvelle dynamique au partenariat bilatéral et explorer des pistes susceptibles de renforcer la croissance économique du Congo ». 

À ses yeux, la RDC est un pays qui compte, voire « important » pour la banque. À l’instar du pont que la BAD a contribué à ériger entre la Gambie et le Sénégal, de même l’institution financière panafricaine est prête à accompagner la RDC dans des projets intégrateurs, a-t-il affirmé. Peu après leur arrivée, Akinwumi et sa suite se sont rendus à N’Sele pour s’incliner sur la tombe d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba, le père de l’actuel chef de l’État congolais, pour un hommage mérité. « Nous avons tous été, à la Banque africaine de développement, éprouvés par la disparition de notre père, Etienne Tshisekedi wa Mulumba, Homme politique africain et figure emblématique de la République démocratique du Congo. Papa Etienne, Ya Tshitshi comme on l’appelait affectueusement, était notre Sphinx ; il est le père de la démocratie congolaise… », a témoigné le président de la BAD. 

Intégration économique

La visite du président de la BAD en RDC intervient quelques jours seulement après les travaux de la 54è Assemblée annuelle de la BAD, couplée à la 45è Assemblée annuelle du Conseil des gouverneurs du Fonds africain de développement (FAD), organisés du 11 au 14 juin à Malabo en Guinée Équatoriale. Les assemblées annuelles de cette année ont été dédiées à « l’intégration régionale pour la prospérité économique de l’Afrique ». C’est l’une des cinq priorités de la BAD : éclairer et alimenter l’Afrique, Nourrir l’Afrique, Industrialiser l’Afrique, Intégrer l’Afrique et Améliorer la qualité de vie pour les peuples d’Afrique. 

Selon la BAD, « l’établissement de liens entre les pays africains est essentiel à la transformation économique du continent ». Principal bailleur de fonds du développement des infrastructures de l’Afrique, la banque se concentre sur la connectivité régionale en investissant dans des infrastructures (routes, lignes de transport d’électricité, pipelines et réseaux de communication) et en élaborant et en appliquant des politiques cohérentes pour l’ouverture des frontières. 

Avec sa population d’un milliard d’habitants et son Produit intérieur brut (PIB) combiné de plus de 3 400 milliards de dollars, l’Afrique pourrait créer d’énormes opportunités pour ses producteurs. Pour réaliser ce potentiel, la BAD est d’avis que « les gouvernements africains et les communautés économiques régionales doivent coopérer afin de faciliter le transfert transfrontalier de biens, de services, de personnes, d’argent, d’énergie et de connaissances ». 

Felix Antoine Tshisekedi Tshilombo (Fatshi), le président de la RDC, a justement pris part aux travaux de Malabo. Il a même co-animé aux côtés des trois autres dirigeants africains (Teodoro Obiang Nguema Mbasogo de la Guinée Équatoriale, Ambrose Mandvulo Dlamini d’eSwatini, et le roi Letsie III du Lesotho) un panel (dialogue présidentiel) de haut niveau, le mercredi 12 juin. Le but était sans doute de partager leur vision d’une « Afrique intégrée et sans frontières » qui favoriserait la croissance économique et le développement, sur le thème « Stimuler l’intégration économique de l’Afrique). 

Les assemblées annuelles BAD/FAD interviennent après la 22è ratification de l’Accord de zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) en avril, dont l’ambition est de créer la plus grande zone de libre-échange au monde. Les quatre dirigeants africains ont déclaré que l’intégration nécessitait davantage de sécurité, de connectivité, de volonté politique et de renforcement des liens linguistiques et culturels. 

Quant à lui, Félix Antoine Tshisekedi a souligné la place de l’énergie et de l’industrialisation dans le renforcement des capacités du continent et dans la construction des infrastructures indispensables pour connecter l’Afrique. « Nous devons éliminer les obstacles mais, pour promouvoir l’intégration dans les pays africains, nous devons nous organiser. Je ne crois pas que cela puisse être fait au niveau continental tout à la fois, nous devons commencer au niveau régional », a déclaré Tshisekedi.

Lobbying et plaidoyer

Des observateurs voient un lien entre la participation du président Tshisekedi à la réunion de la BAD à Malabo et le forum de Kinshasa sur le développement du secteur privé. À cette occasion,  Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo et Akinwumi Adesina ont co-animé un panel. Mardi 18 juin, dans le hall de Kempinski Hôtel Fleuve Congo, pendant qu’il s’y tenait ce panel, un patron kinois qui n’est pas tendre dans la critique, nous confie ceci : « Ce que j’apprécie en nôtre actuel président de la République, c’est son reflexe de businessman. Il est en train d’incarner un leadership économique qui a toujours fait défaut au pays depuis plusieurs années. Il veut du concret et vite. Ça m’est plaît en tant qu’homme d’affaires, pourvu qu’il y parvienne. »

Depuis qu’il est au pouvoir d’État en RDC, en effet, Fatshi répond présent là où on parle avenir du continent, mieux de l’intégration économique pour faire entendre la voix de la RDC. En mars dernier, il est intervenue à Nairobi au Kenya à la troisième édition de One Planet Summit, et première édition régionale autour du thème « Investir dans l’une des plus grandes richesses africaines: la protection de la nature ». 

C’est une plateforme d’engagement lancée à l’initiative d’Emmanuel Macron, le président français, en vue de relever le défi du changement climatique. Ce sommet a réuni des dirigeants politiques, des chefs d’entreprise et des personnalités inspirantes de la jeunesse et de la société civile dans l’objectif de présenter des réalisations concrètes et des initiatives novatrices suscitant de nouvelles coalitions et de nouveaux engagements. Le président de la BAD y était présent.

Toujours au mois de mars dernier, le président Tshisekedi a pris part à Kigali au Rwanda, à la 7è édition de l’Africa CEO Forum, aux côtés de ses pairs rwandais, togolais et des 1ER Ministres éthiopien et ivoirien. Il y a pris la parole pour faire entendre la voix de la RDC. Il y a affirmé son intention de développer l’hydro-électricité sur le fleuve Congo à travers le mégaprojet du barrage hydroélectrique d’Inga, mais également d’autres sites dans le pays. « Nous avons dans le développement de l’énergie du barrage d’Inga une possibilité de distribuer de l’énergie à toute l’Afrique », a souligné le président Félix Tshisekedi. Initié par Jeune Afrique, ce forum est une rencontre des chefs d’entreprise africains et des dirigeants politiques pour partager les expériences et réfléchir sur le thème de l’intégration régionale en Afrique. 

D’après les mêmes observateurs, les sorties du président de la République ont valeur de lobbying et de plaidoyer. « Personne mieux que le président de la République ne peut vendre l’image du pays », fait remarquer ce patron kinois. Le forum sur le développement du secteur privé en RDC rentre donc dans ce registre de plaidoyer pour la relance de l’économie nationale et sur le rôle et la mission de la BAD à travers son président.