Sur la liste des défis à relever : un processus de justice transitionnelle menacé en Tunisie, les perspectives d’une 4è République renforçant les pouvoirs du président au Tchad, une loi restrictive pour les ONG au Burundi, une instabilité qui perdure en Centrafrique… Bref, les droits humains sont mis sous pression, y compris au Nord, soulignent Chantal van Cutsem, directrice générale, et Edgar Boydens, président de l’ONG Avocats Sans Frontières (ASF).
Par ailleurs, comment aborder des sujets tels que la migration, l’aide légale ou encore la sécurité et les libertés, sans s’inquiéter du sort qui leur est réservé en Europe, se demandaient-ils ? « Pour faire face à ces défis, nous voulons faire de 2018 une année d’ouverture, en termes de construction collective d’expertise, de développement de la vie associative, et d’ancrage de notre action au Nord. Nous espérons de tout cœur pouvoir compter sur vous et vous associer à notre développement », écrivaient-ils en mai.
En 2017, le Bureau conjoint des Nations-Unies aux droits de l’homme avait documenté 1 375 violations des droits de l’homme et des libertés publiques en lien avec le contexte électoral sur l’ensemble du territoire de la République démocratique du Congo, soit une hausse de 25 % par rapport à 2016, année pourtant déjà marquée par de nombreuses violations. Les violations les plus rapportées sont les atteintes au droit à la liberté et à la sécurité de la personne, à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’opinion et d’expression. Les membres des organisations de la société civile, des mouvements citoyens pacifiques et les journalistes comptent parmi les principales victimes.
Vote de citoyens bien informés
Pour ASF, une démocratie repose sur la possibilité d’exprimer librement des opinions diverses et sur le vote de citoyens bien informés. Par conséquent, le rôle des défenseurs des droits de l’homme est central et crucial en période électorale. Ils concourent à la participation effective des citoyens au débat démocratique, notamment en plaçant les thèmes d’intérêt général au cœur de la campagne. Ils contribuent à la nécessaire éducation civique des citoyens, leur permettant de prendre part au processus électoral de manière éclairée et de faire valoir leurs droits. Selon ASF, l’une des conditions essentielles à la promotion et à la protection des droits des populations congolaises réside ainsi dans la défense des droits et des libertés de ceux et celles qui se font les porte-voix des autres. Depuis le début de la présente période électorale, ASF est ainsi engagée aux côtés de ces défenseurs, notamment en leur assurant une protection légale de qualité lorsqu’ils font l’objet de menaces ou d’attaques ou lorsque leurs activités sont criminalisées, qu’ils font face à des poursuites judiciaires et/ou qu’ils sont placés en détention.
ASF assiste également les personnes placées en détention en raison de leur participation aux marches publiques organisées par les organisations de la société civile et les mouvements citoyens en vue de réclamer l’organisation des élections ; ou qui ont été arrêtées alors qu’elles vaquaient simplement à leurs occupations à proximité de ces manifestations. L’ONG est par exemple intervenue au profit d’une vingtaine de personnes condamnées à des peines allant de 3 à 20 ans de prison, suite aux manifestations de septembre et de décembre 2016. Toutes ont été acquittées en appel et libérées grâce au travail des avocats et à l’application stricte de la loi par les juges.
En 2018, ASF poursuit ses efforts en vue de la protection des droits et libertés des défenseurs, afin qu’ils puissent pleinement exercer leur rôle dans un environnement de travail sein et serein, conduisant à des élections apaisées et transparentes. Créée en 1992 à Bruxelles, ASF est une ONG internationale spécialisée dans l’accès à la justice et la défense des droits humains. Sa mission principale est d’accompagner l’émancipation des citoyens, et notamment ceux en situation de vulnérabilité, dans la revendication et la réalisation de leurs droits.
De Kinshasa à Tunis, de Jakarta à Bujumbura, ses équipes informent les populations sur leurs droits, renforcent la société civile et les avocats pour mieux accompagner les justiciables, et encouragent les réformes législatives pour un meilleur respect des droits humains. Pour ASF, la justice constitue un élément essentiel à la fois de prévention et de gestion des conflits, et de promotion des droits humains. L’année 2017 a été une année intense. Sur le plan stratégique, ASF a reformulé son cadre de travail 2017-2021 pour répondre au mieux aux besoins identifiés dans les pays d’intervention. « Nous voulons utiliser la justice comme moyen pour contribuer à la réalisation des droits humains et la gestion des conflits », souligne ASF.