Selon l’ONU, le monde s’éloigne de l’objectif « Faim zéro » d’ici à 2030

L’engagement mondial de mettre fin à la faim, à l’insécurité alimentaire et à toutes les formes de malnutrition tient-il toujours ? En tout cas, l’UNICEF, la FAO, le FIDA, le PAM et l’OMS estiment que beaucoup reste à faire afin de le réaliser à cette échéance des Objectifs de développement durable.

Plus de 3 milliards de personnes ne peuvent pas se permettre une alimentation saine.

LE FONDS des Nations Unies pour l’enfance, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds international pour l’agriculture (FIDA), le Programme alimentaire mondial des Nations Unies et l’Organisation mondiale de la santé avaient déjà tiré la sonnette d’alarme dans un rapport consacré à l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde

Les 5 agences onusiennes estimaient que près de 690 millions de personnes souffraient de la faim en 2019, soit 10 millions de plus qu’en 2018 et près de 60 millions de plus en cinq ans. En 2022, ces chiffres sont certainement dépassés.

Aujourd’hui, des milliards de personnes ne peuvent pas manger de façon saine et nutritive. Les personnes qui souffrent de la faim sont davantage plus nombreuses en Asie, mais leur nombre se développe le plus rapidement en Afrique. Et la pandémie de Covid-19 a certainement fait basculer plus d’une centaine de millions de personnes de plus dans la faim chronique depuis 2020. 

L’Afrique inquiète

La prévalence mondiale de la sous-alimentation – ou pourcentage global de personnes souffrant de la faim – a peu varié, mais les chiffres absolus ont augmenté depuis 2014. Cela signifie qu’au cours des dernières années, la faim ne fait qu’augmenter au rythme de la population mondiale. Ceci cache toutefois de grandes disparités régionales. L’Afrique est la région la plus durement touchée et le devient encore plus, avec plus de 19 % de sa population sous-alimentée. Selon les tendances actuelles, en 2030, l’Afrique abritera plus de la moitié des personnes souffrant de faim chronique dans le monde.

Bien qu’il soit trop tôt pour évaluer le plein impact du Covid-19, la pandémie pourrait aussi empêcher la réalisation de l’Objectif de développement durable 2 (Faim zéro), préviennent les experts de ces agences. D’après eux, vaincre la faim et la malnutrition sous toutes leurs formes, y compris la dénutrition, les carences en micronutriments, le surpoids et l’obésité, ne se limite pas à garantir suffisamment de nourriture pour survivre. « Ce que les gens mangent – et surtout ce que les enfants mangent – doit également être nutritif. » Pourtant, un obstacle majeur est le coût élevé des aliments nutritifs et le manque d’accès à une alimentation saine et abordable pour un grand nombre de familles.

Selon les estimations de ces experts, une alimentation saine coûte bien plus que 1,90 dollar par jour, le seuil international de pauvreté. « Un régime alimentaire sain est cinq fois plus cher qu’un régime alimentaire qui ne répondrait qu’aux besoins alimentaires énergétiques de base. Les produits laitiers riches en nutriments, les fruits, les légumes et les aliments riches en protéines sont les groupes alimentaires les plus chers au monde ».

Plus de 3 milliards de personnes ne peuvent pas se permettre une alimentation saine, en partie à cause de la course à l’élimination de la malnutrition qui semble compromise. Cela représente 57 % de la population en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, bien qu’aucune région, y compris l’Amérique du Nord et l’Europe, ne soit épargnée. Entre un quart et un tiers des enfants de moins de cinq ans (191 millions) avaient un retard de croissance en 2019. Combien le sont-ils en 2022 ? Quelque 38 millions d’enfants de moins de 5 ans étaient en surpoids en 2019. Combien le sont-ils en 2022 ? Chez les adultes, l’obésité est devenue une pandémie mondiale à part entière.

Un appel à l’action

Selon les mêmes experts, si les considérations de durabilité sont prises en compte, un changement mondial vers des régimes alimentaires sains aiderait à contrôler le recul de la faim tout en réalisant d’énormes économies. « Un tel changement permettrait de compenser presque entièrement les coûts de santé associés aux régimes alimentaires malsains, estimés à 1 300 milliards de dollars par an en 2030. Le coût social des émissions de gaz à effet de serre lié à l’alimentation, quant à lui, estimé à 1 700 milliards de dollars, pourrait être réduit de près des trois quarts ». D’où l’appel de ce 5 agences de l’ONU à « une transformation des systèmes alimentaires afin de réduire le coût des aliments nutritifs et d’augmenter l’accessibilité financière d’une alimentation saine ». 

Les gouvernements se doivent notamment d’intégrer la nutrition dans leurs approches de l’agriculture, d’aider les petits producteurs locaux à cultiver et vendre des aliments plus nutritifs et de garantir leur accès aux marchés. Mais aussi de donner la priorité à la nutrition des enfants en tant que catégorie la plus nécessiteuse, d’intégrer la nutrition dans les systèmes nationaux de protection sociale et les stratégies d’investissement… 

Frans van Hoof : « Les organisations paysannes œuvrent activement pour une sécurité alimentaire et économique en RDC »

C.P. 

Pour qu’un agriculteur, un pêcheur ou un éleveur puisse vivre de son métier, il a besoin de moyens de production (terre, outils, semences, main-d’œuvre et finances) et d’un environnement politico-économique favorable pour qu’il puisse produire et trouver un marché rémunérateur. Les paysans et paysannes s’organisent pour construire la République démocratique du Congo de demain. Leurs organisations assurent diverses fonctions qui permettent aux agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, transformatrices de développer leur métier de manière professionnelle : un métier qui leur procure un revenu accru mais qui en même temps procurera au pays une production agricole permettant à sa population de manger à sa faim.

Le problème foncier et la défense des intérêts des agriculteurs. Dans plusieurs provinces, les producteurs, et particulièrement les paysannes, ne disposent pas de leur propre terre à cause des systèmes fonciers féodaux. Ailleurs, ce sont les hommes d’affaires et dirigeants politiques qui accaparent les meilleures étendues de terre, mettant les producteurs dans une grande insécurité foncière.

Un nouveau cadre juridique, espace de concertation. Les autorités et les bailleurs de fonds jugent mieux connaître les problèmes et solutions du secteur agricole que les producteurs eux-mêmes ? Avec la loi agricole, les CARG (Conseil agricole et rural de gestion) donnent un cadre juridique pour servir de concertation et d’harmonisation des idées relatives au développement agricole. Les responsables politico-administratifs y participent et laissent l’espace et le rôle qui reviennent aux délégués des paysans. Ainsi la privatisation de la vulgarisation agricole est devenue une réalité en RDC.

En concertation avec leurs membres, les organisations paysannes développent des conseils agricoles pour chacune des filières, elles introduisent de nouvelles techniques culturales et d’élevage, cherchent des semences et des géniteurs plus performants, de meilleures techniques de stockage : des rendements à l’hectare ont triplé, la production de lait, de viande et de poisson a beaucoup augmenté et a permis une alimentation plus équilibrée. Les résultats sont souvent spectaculaires, surtout là où les organisations paysannes sont appuyées par des partenaires financiers et techniques.

En attendant que l’État, les bailleurs de fonds, les agences de développement et les opérateurs économiques se joignent à eux, les organisations paysannes ont déjà développé une multitude d’activités de lobbying, de conseil, de formation et d’information, ainsi que des services économiques. Le tout vise à fournir aux producteurs et productrices agricoles ce dont ils ont besoin pour intensifier la production agricole. Il est temps maintenant que les autres acteurs s’engagent dans la voie tracée par les paysans et paysannes et répondent aux appels que font ces derniers.