Le café se porte bien au Kivu mais le Covid-19 est passé par là

Selon une récente étude des scientifiques suisses, grâce aux impacts potentiels du changement climatique, la culture du café deviendrait rare à cause de la diminution des terres et coûterait donc plus cher sur le marché des produits agricoles. Bonne nouvelle pour les petits producteurs agricoles dans l’Est du pays où les labels locaux et de qualité bio sont désormais reconnus à l’international.  

Les petits agriculteurs sont souvent à la merci des intermédiaires qui leur donnent des crédits à des tarifs très bas.

LES évaluations faites dans cette étude ne concernent pas que le café. Elles ont également porté sur les noix de cajou et les avocats. Ce sont trois des plus importantes cultures commercialisées dans le monde, principalement produites par des petits agriculteurs sous les tropiques. Mais le café est de loin le plus important avec un chiffre d’affaires attendu de 460 milliards de dollars en 2022, alors que pour l’avocat, il est estimé à 13 milliards de dollars, et pour la noix de cajou à 6 milliards de dollars seulement. Alors que le café sert principalement de boisson stimulante, les avocats et les noix de cajou sont des cultures vivrières largement consommées, riches en huiles végétales monoinsaturées et autres nutriments bénéfiques .

On retiendra utilement de cette étude que « les changements climatiques prévus entraîneront probablement une diminution significative de la superficie des terres propices à leur culture dans certaines des principales régions où le café, les noix de cajou et les avocats sont actuellement cultivés. Ce qui ne manquerait pas d’avoir un impact à la fois sur les producteurs et les consommateurs dans le monde.

À en juger par les évaluations de ces scientifiques suisses, « le monde pourrait perdre la moitié de ses meilleures terres productrices de café dans un scénario de changement climatique modéré ». Le Brésil, qui est le premier producteur de café dans le monde, pourrait voir partir 79 % de ses terres les plus propices à la culture du café. D’ailleurs, le Brésil et la Colombie voient leurs terres devenir moins adaptées. 

Cette étude vient donc s’ajouter à l’ensemble d’autres recherches qui révèlent « l’ampleur et la complexité surprenantes des impacts du changement climatique et des facteurs associés sur certaines des cultures les plus cultivées sous les tropiques ». Un bémol tout de même, « les impacts ne seront pas répartis uniformément et certaines régions pourraient même bénéficier du changement climatique ».

Elle souligne que certaines parties de la Chine, de l’Argentine et des États-Unis deviendront probablement plus adaptées à la culture du café. Serait-ce le cas pour la partie est de la République démocratique du Congo, où la culture du café se remet des années de guerre depuis trois décennies maintenant. Grâce à la proximité des pays voisins comme l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie mais aussi des ports de l’océan Indien, Mombassa au Kenya et Dar-es-Salam en Tanzanie, le dynamisme agricole dans les provinces de l’Ituri, du Nord et du Sud-Kivu, a des beaux jours devant lui. Déjà que des labels locaux et de qualité bio sont désormais reconnus internationalement, en particulier pour le café.

Les acheteurs internationaux sont bien présents dans la région et les prix des produits comme le café, le cacao, le palmier à huile et la pomme de terre se portent bien. Ces cultures constituent actuellement les filières les plus dynamiques et offrent des réelles opportunités d’investissement. 

Annulation des contrats

Seulement voilà, la pandémie de Covid-19 est passée par là. À cause des effets néfastes du coronavirus en Europe et aux États-Unis, la plupart des contrats de vente du café déjà signés par les acheteurs internationaux ont été annulés du jour au lendemain. « C’est la toute première fois que cette situation nous arrive suite au Covid-19 », rapporte un petit producteur agricole au Nord-Kivu.

C’est pour cette raison d’ailleurs, souligne-t-il, que le Groupement d’intérêt économique Réseau de coopératives des producteurs de café et de cacao (GIE RCPCA) a adressé une correspondance à Malangu Kabedi Mbuyi, la gouverneure de la Banque Centrale du Congo (BCC) le 9 novembre 2021, sollicitant l’annulation des pénalités (36 645,9 dollars) infligées à quatre sociétés coopératives (SCPNCK, Coopérative agricole Muungano, SOPACDI et Coopérative agricole AMKA) membres du réseau par des inspecteurs de la BCC lors de leur mission de contrôle des banques commerciales. « En effet, ces sociétés avaient exporté le café arabica via Ecobank et EquityBCDC mais suite au Covid-19 qui sévissait en Europe et aux États-Unis, elles n’ont pas pu rapatrier à temps les devises », explique ce petit exploitant agricole.

Le GIE RCPCA qui a son siège à Goma, rassemble 50 sociétés coopératives et encadre 84 193 petits producteurs de la filière café-cacao en Ituri, au Nord et au Sud-Kivu, y compris les ex-combattants (miliciens) dans la caféiculture compétitive et professionnalisée. Le groupement collecte et exporte le café arabica produit par ses membres via EquityBCDC et Ecobank.

Sans l’encadrement des coopératives agricoles, les petits agriculteurs sont souvent à la merci des intermédiaires qui vendent leur café sans offrir des services en retour. Ceux-ci leur donnent des crédits pour la récolte de café à des tarifs extrêmement bas. La culture du café arabica est en plein essor. Et tant mieux pour les petits exploitants dans le Kivu et en Ituri.

S’adapter aux changements

Par conséquent, comme le recommande l’étude évoquée ci-haut, il faudra s’adapter aux changements en cours dans les tropiques, par exemple en déplaçant la culture du café des cultures spécifiques vers différentes régions où les impacts climatiques seront moins hostiles. À ce jour, la plupart des recherches sur les impacts futurs du changement climatique sur l’alimentation se sont concentrées sur les principales cultures de base telles que le blé, le maïs, les pommes de terre et les oléagineux cultivés dans les régions tempérées. Cela a reflété la tendance des climatologues à se concentrer sur les impacts potentiellement graves du changement climatique sur les écosystèmes tempérés, en particulier en raison de la modification des régimes de température et de précipitations.

En revanche, souligne la même étude, il y a eu moins de travaux sur les écosystèmes tropicaux qui constituent environ 40 % de la superficie terrestre mondiale où plus de 3 milliards de personnes gagnent leur vie, avec jusqu’à 1 milliard de personnes supplémentaires qui devraient le faire d’ici les années 2050.

Les tropiques abritent également de vastes réservoirs de biodiversité, ainsi que des zones de culture de nombreuses cultures importantes qui fournissent des revenus et de la nourriture à leurs énormes populations humaines.  

Une innovation importante dans cette, c’est l’examen des paramètres de la terre et du sol en plus des facteurs purement climatiques tels que la température et les régimes de précipitations. « Cela leur permet de fournir une vision plus nuancée des impacts futurs qui pourraient modifier considérablement l’adéquation de certaines régions tropicales à la culture de certains produits en raison des changements de facteurs tels que le pH ou la texture du sol.

Cette étude complète d’autres recherches récentes sur le palmier à huile. Bien que controversé et souvent lié à la déforestation, le palmier à huile reste l’une des cultures tropicales les plus importantes en termes de nutrition humaine, contribuant à nourrir plus de 3 milliards de personnes.

Plusieurs analyses ont été consacrées à la modélisation sur la façon dont le changement climatique pourrait avoir un impact sur l’incidence des maladies et la mortalité globale chez le palmier à huile. La conclusion brutale était que la mortalité des arbres augmentera probablement de manière significative après 2050, anéantissant peut-être une grande partie de la récolte dans les Amériques. En outre, l’incidence de la principale maladie de la pourriture des tiges devrait augmenter considérablement dans toute l’Asie du Sud-Est.