Parler de l’avenir après que les élections ont eu lieu en République démocratique du Congo ? Aucun problème pour Sindika Dokolo, qui a annoncé son intention de rentrer au pays, lors de l’émission Face à Face de la radio Top Congo. Il a précisé son intention, celle de ne pas faire la politique, mais d’y investir dans le secteur de l’industrie.
Gendre de José Edouardo Dos Santos, l’ancien président angolais – le mari de sa fille Isabel, première femme africaine milliardaire – Sindika a fait ses classes dans les affaires à l’ombre du père : Augustin Dokolo Sanu. De l’avis de beaucoup de Congolais, cet homme originaire de la province du Kongo-Central est le parfait représentant de la génération dorée de self made men congolais entre les années 1960 et 1980.
L’aura du père
Ce mukongo se déclinait en deux traits de caractère : un fort sens des affaires et une discrétion légendaire. En véritable « chasseur d’opportunités d’affaires », il a investi dans presque tous les secteurs de l’activité économique. Un homme d’affaires de sa génération témoigne aujourd’hui que Dokolo incarnait la réussite. C’était un modèle pour beaucoup d’entre eux.
Avant l’indépendance, il possédait déjà, une compagnie de taxis et un dancing réputé. Puis il monta une chaîne de magasins ayant des ramifications à l’étranger. Dans les années 1970, après son mariage avec la Norvégienne Hanne en 1968, Augustin Dokolo entreprit sa plus ambitieuse œuvre : la création de la Banque de Kinshasa (BK). C’est la première banque à capitaux nationaux en Afrique subsaharienne. Avec un capital initial de 300 000 zaïres, soit 600 000 dollars de l’époque.
À côté de la BK, Dokolo créa plusieurs sociétés dans les secteurs de : l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’immobilier, la distribution, le fret, l’imprimerie, les assurances, les mines… Au total, 17 sociétés formaient son empire industriel, dont les plus importantes furent la Compagnie financière de Kinshasa (COFIKI), la Fiduciaire de gestion (FIGES) avec des participations dans des entreprises, la Société zaïroise d’exportation (SOZADEX), la Ferme de la Lukaya, OMNIZA (commerce général), la Société kinoise d’équipement technique (SOKIDET) spécialisée dans le froid et concurrente de Chanimétal. Ou encore Lagedim, Districar, concessionnaire de la marque Mazda au Zaïre, Fishing Trading Company (FITRACO) spécialisée dans la pêche dans le lac Tanganyika…
En homme d’affaires qu’il fut, Sanu ne voulut jamais se mêler de politique. Ce qui lui créa des ennuis avec le régime de Mobutu Sese Seko à partir de 1985. Sa banque devint la cible du pouvoir et sera placée sous gestion administrative de la Banque centrale, puis nationalisée. On connaît la suite. Toutes les sociétés de Dokolo vont connaître le même sort et vont être cédées à l’Union nationale des travailleurs du Zaïre (UNTZA) par une simple lettre du directeur de cabinet du président Mobutu. Quel affront pour ce chef d’entreprise qui est parti presque de rien pour devenir un patron respectable ! Malade, Dokolo est mort en avril 2001, quelques années après la chute du régime de Mobutu. À la mort de son mari, Hanne Dokolo a repris la gestion des affaires familiales avec l’aide et le soutien de ses enfants. Elle s’est engagée intensément dans l’humanitaire, défend l’héritage moral de Sanu et sa vision pour le Congo, expliquée dans son ouvrage « Telema Congo », une compilation de textes de conférences données par Augustin Dokolo entre 1960 et 1965.
Statut d’industriel
Passionné d’art et visionnaire en affaires, Dokolo a transmis tout cela, et bien d’autres valeurs, à son fils Sindika. Qui se reconnaît dans le père. « Ce que je sais faire, c’est ce que mon père a fait avant moi », a-t-il précisé lors de l’émission de Top Congo. S’il désire rentrer au pays, c’est pour « faire les affaires », les « grandes affaires » et pas pour faire « des affaires de commerçants ». À l’entendre parler, on sent bien que Sindika a pris de l’épaisseur. Il revendique aujourd’hui le statut d’industriel. D’après lui, la République démocratique du Congo a besoin aujourd’hui des nationaux qui se lancent dans le secteur industriel. À la suite de la guerre à partir de 1998, après l’entrée de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) en mai 1997, Sindika décide de s’installer en Angola. Il épouse la fille du président Dos Santos. À partir de là, il investit dans plusieurs pays et continue de diriger les affaires familiales en RDC.
En toute transparence, il déclare lors de l’émission de Top Congo qu’il est possède une cimenterie (Nova Cimangola, Soklinker), une brasserie… Il est aussi dans les secteurs de l’énergie (Amorim Energy, 33 % de la GALP), l’agro-industrie et l’immobilier (Amigotel). Il a déclaré aussi qu’il est hanté par l’idée de rentrer dans son pays pour pouvoir participer à sa reconstruction. Pourvu que le paradigme change, dit-il. Sindika déplore que la politique soit devenue le seul business qui compte dans le pays. Cela doit changer. Ce qui doit changer à ses yeux, c’est d’avoir désormais « une société civile active », celle qui dialogue avec les pouvoirs publics sur les grandes questions économiques pour « faire avancer les choses ». L’expérience du mouvement citoyen Les Congolais Debout est sans doute pour quelque chose dans son engagement nouveau (?).
Sindika trouve anormal qu’il n’y ait pas aujourd’hui un Congolais digne d’être appelé ou considéré comme un capitaine d’industrie, en dépit de ressources naturelles dont regorge le pays. Il espère engager à son retour au pays « un dialogue » avec les nouvelles autorités pour « faire germer ces nouvelles idées ». En d’autres termes, a dit Sindika, c’est pour voir avec elle ce qu’il peut apporter pour qu’au moins sa génération puisse servir à quelque chose.
49 ans en mars prochain, Sindika Dokolo est à Kinshasa. Mais il a grandi en Belgique et en France. Il a étudié l’économie, les langues et le commerce à l’université Paris VI. C’est son père qui l’initie à la collection d’œuvres d’art à l’âge de 15 ans, mais aussi à la gestion de ses entreprises. Aujourd’hui, d’aucuns affirment que Sindika possède une collection d’objets d’art estimée à plus de 50 millions de dollars. Il se décline comme « un businessman activiste culturel »