Solidité financière et impact de la mondialisation sur le système national

Contrairement à d’autres années où l’exercice a consisté à égrener un long chapelet de « choses » qui ont été faites, celles qui auraient dû être faites et celles qui n’ont pas été faites - quitte à faire ce bilan à la fin de l’année ou l’année prochaine -, le président de l’ACB est allé droit au but.

 

Deux thèmes majeurs pour l’Association congolaise des banques (ACB) en 2018 ont constitué la trame du message officiel du traditionnel dîner de cette année. En portant la parole de la profession, son président, Yves Cuypers, s’est adressé directement au gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), mais aussi au passage au gouvernement. Et voyons pourquoi. Les deux thèmes en question sont : le renforcement de la solidité financière des banques commerciales et l’impact sur la mondialisation du système financier avec le système bancaire congolais. En tout cas, il ne voit pas comment cela pourrait être autrement car c’est même une réalité d’évidence.

Une fière chandelle

Le regardant droit dans les yeux, le président de l’ACB s’est adressé au gouverneur Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, pour lui dire qu’« il porte la parole de la profession ». Porter la parole, c’est dire les « choses » comme telles, c’est-à-dire les « vérités ». Première « vérité » : les remerciements de l’ACB au gouverneur de la Banque centrale pour des « efforts » que lui et toute la Haute Direction de la BCC ont déployés tout au long de l’année 2017. Appréciez plutôt : « Vous nous avez épaulés, vous nous avez accompagnés et nous sommes bien conscients que votre rôle n’est pas simple dans l’exercice délicat de la gestion du cadre macroéconomique. Vous avez pris les décisions qui nous ont aidés, que ça soit pour la réserve obligatoire, que ça soit pour l’accompagnement des banques. » Ou encore : « Nous apprécions énormément votre compréhension qui se traduit dans les faits. Je pense particulièrement à l’encadrement des banques dans la problématique de leur relation avec les organismes internationaux, et à votre correspondance au ministre de la Justice et Garde des sceaux par laquelle vous lui demandez des mesures particulières pour sécuriser et protéger les établissements des crédits et leurs dirigeants ». Pour Yves Cuypers, les banques ne peuvent évidemment pas prendre des « positions claires » si elles ne sont pas protégées

Quid de la solidité financière ?

Abordant son premier thème, la solidité financière des banques commerciales, un sujet très récent mais important dans l’histoire du secteur bancaire au Congo, le président de l’ACB a souligné qu’on en a beaucoup parlé en 2016-2017. Elle est traduite par l’instruction n°14 et modification n°6. Sans verser dans les techniques bancaires compliquées, il a indiqué que « le travail réalisé par les experts de la Banque centrale du Congo est remarquable », se fondant sur la confidence d’un consultant. Selon lequel, ces experts ont « simplement synthétisé » et « mis au goût du jour de la RDC » ce qu’on appelle « Bâle 3 ». Bâle du nom de la ville suisse où se réunit depuis 1988 un comité d’experts qui a mis en place un certain nombre de règles auxquelles les banques (de l’OCDE d’abord) doivent se plier pour renforcer leur solvabilité (en anglais, l’adéquation du capital avec les risques bancaires).

C’est clair, les banques doivent résister à des chocs exogènes et endogènes. « Quand une banque un portefeuille des crédits pauvre, c’est que ça va mal. Il faut y résister, c’est ça un choc endogène. Par contre, un problème exogène, ça veut dire qu’il y a un déficit de la balance des paiements, etc. Pour le dire simplement, nous, secteur bancaire, nous avons vécu jusqu’au 31 décembre de l’année dernière sous Bâle 1 », a déclaré Yves Cuypers. Cela signifie que les banques ont en termes d’adéquation du capital avec les risques bancaires respecté un ratio minimum de 7 %. Et ces 7 % renvoyés à des fonds propres par rapport à des risques bancaires. Or si vous devez vivre de vos fonds propres sans les risques, le ratio est de 10 %.

Bâle 3 a ceci d’avantage qu’il a introduit une série de choses qui font que le numérateur se rétrécit et le dénominateur s’agrandit, a fait remarquer le président de l’ACB. « Au lieu d’avoir 10/100 (en fait 10 %) avec les mêmes paramètres, vous avez, par exemple, 8/120 (soit 6,5 %), et en même temps, on vous demande d’arriver à un minimum de 7,5 %. En gros, ce faisant, vous renforcer la solidité des banques. Une très bonne chose à laquelle tout le monde souscrit », a-t-il ajouté.

Changer la loi

Comme il le dit, « si nous voulons avancer dans cette matière, le capital des banques aux risques bancaires parce qu’il n’y a pas que le crédit, il faut que nous réglions la question de la fixité du capital. À ce propos justement, la Banque centrale a annoncé qu’au 31 janvier 2019, le capital minimum des banques sera de 30 millions de dollars, et passera probablement en 2020 ou 2021 de 30 millions à 50 millions de dollars.

Pour passer de 30 millions à 50 millions de dollars, les banques n’ont que deux techniques. Soit elles font des bénéfices reportés mais en 2 ans seulement, ce qui veut dire qu’il faut reporter beaucoup de bénéfices, soit elles injectent des fonds nouveaux. Si les fonds que les actionnaires détenteurs de capital dans les banques commerciales injectent perdent de la valeur, ils n’auront aucun intérêt à le faire. Voilà pourquoi, soutient l’ACB, qu’il faut à tout prix « protéger les actionnaires des banques » car sans cette protection contre les risques de dépréciation, les banques courent le danger de se retrouver dans une impasse. En effet, bien des banques ont perdu de l’argent en 2016 à cause de la dépréciation monétaire. « Il faut donc trouve une solution », recommande l’ACB.

Son président a dit son intention de cosigner avec le secrétaire général un courrier proposant deux pistes de solution. La première, c’est d’« inclure la plus-value de réévaluation totalement ou en partie dans le calcul de Bâle des fonds propres ». La seconde, c’est d’« accepter que le capital soit en dollar ou en une autre monnaie étrangère ». Moralité : il faut modifier la loi. C’est sa deuxième vérité. Mais il convient de s’interroger avec Yves Cuipers : « Est-ce qu’une loi est juste parce qu’elle est une loi ou une loi est juste parce qu’elle reflète la réalité d’un marché, d’une économie de marché ? » La Banque centrale a toujours la latitude en la matière, estime le président de l’ACB, dont le souhait est de voir la BCC adapter son instruction n°14 à la réalité du terrain étant donné qu’il y a un écart trop grand entre les deux. De toutes les façons, l’ACB promet que les banques vont tout faire pour s’y conformer. Cependant, la BCC a « le loisir de l’adapter comme on adapte la vitesse d’un véhicule… » En sa qualité de président de l’ACB, Yves Cuypers « encourage la BCC à aller plus loin ». Pour lui, Bâle 3 ne règle pas seulement la question de l’adéquation du capital avec les risques, mais il laisse aussi une fenêtre (2è pilier), faire soi-même son propre « examen de conscience ». Cette ouverture est également reprise (en partie) dans d’autres instructions (n°14, 17 et 21).

Le grand jeu de domino

Parler de l’impact de la mondialisation du système financier international sur le système congolais, c’est parler de « la crédibilité » du système financier national sur le plan international. « C’est parler de notre place dans ce grand jeu de domino, de flux financiers qui vont dans tous les sens », a expliqué Yves Cuypers. À ses yeux, la mission qu’il a conduite à l’initiative de l’ACB en juin 2017 à Washington a été nécessaire à plus d’un titre. La rencontre avec des responsables américains a permis de « communiquer » sur l’objet de cette mission. « Nous avons dit ce que nous avions à dire là-bas et nous avons dit ce qu’on nous a dit », a lancé le président de l’ACB.

Convaincu qu’« en ce XXIè siècle où le système financier est mondialisé, nous n’avons pas d’autres choix, dans certaines situations précises, que de répondre à certaines exigences, à certaines injonctions venant des autorités supranationales ». D’après lui, c’est sa troisième vérité, nous avons perdu notre souveraineté financière. « Le respect des décisions prises ailleurs, quel que soit le fondement, va engager le futur du secteur financier national », a-t-il souligné. De là à dire que les banques n’ont plus leur destin en mains. Non, répond-il. Que faire a lors ? « Il y a quatre conditions à remplir ». D’abord, mettre en place notre propre système national des paiements en monnaies étrangères. Cela permettra de « lever un certain nombre d’hypothèques et de problèmes rencontrés dans l’exercice quotidien des transferts ». Mettre en place ce système pour assurer les transferts locaux va certainement faciliter largement les opérations, d’une part, et la position des banques commerciales vis-à-vis de l’étranger, d’autre part. « Il n’y a plus d’obstacles à l’extérieur du pays à la mise en place d’un tel système. Ensuite, il faut rencontrer les critères d’exigences les plus élevées en matière de conformité et en matière d’application des lois de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Il faut également que l’ACB mette en place et ait une politique de communication, formation et d’information. « C’est primordial parce qu’on sait combien cette mission de juin 2017 à Washington nous a aidés dans la progression et le positionnement du secteur financier congolais sur le plan international », a fait remarquer Yves Cuypers. Enfin, être transparent dans la situation réelle des banques commerciales en RDC