Soyons mûrs, soyons conscients pour libérer notre avenir

Le compte à rebours a déjà commencé pour les élections majeures, dont la présidentielle, qui profilent à l’horizon. À l’Opposition qui compte, c’est le consensus qui reste difficile autour du « candidat commun » désigné à Genève. À la Majorité au pouvoir, on savoure la victoire avant l’heure. Du coup, on se demande de quoi le pays a besoin : d’individus ou de profils d’homme pour incarner la vocation économique de la RDC.

LA CAMPAGNE électorale a démarré la semaine dernière. Après le spectacle digne du cirque politique en République démocratique du Congo dont les uns et les autres dans la mouvance de l’opposition pure et dure continue de nous gratifier, nous sommes en droit de nous interroger sur ce que veulent réellement les politiciens congolais pour notre pays. C’est à se demander quel type d’homme il faut finalement pour la RDC.

Jean-Marie Kidinda, politologue et sociologue exerçant en expatriation, souligne que « la politique tue les compétences et asphyxie les talents ». Le phénomène ne date pas d’aujourd’hui, fait-il remarquer : « Il a existé sous le régime de Mobutu Sese Seko Kuku Ngbedu waza Banga. On a vu, en effet, des élites de notre pays, en l’occurrence d’éminents professeurs d’université, faire allégeance au régime dictatorial, confirmant ainsi l’adage qui dit : science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». 

Et de poursuivre : « Aujourd’hui, plus qu’hier, les jeunes cadres universitaires se politisent à outrance pour un positionnement individuel et non pour servir la nation qui a investi dans leur formation intellectuelle. Quand on est en face de l’absurde, il ne reste qu’à se tirer un coup de pistolet au front. »

Cet universitaire congolais résident au Canada dit avoir beaucoup connu de grands politiciens, notamment ses professeurs à la Sorbonne. Il croit qu’il y a encore des Congolais qui ont « une idée du Congo plus pure » que celle de la classe politique actuelle. « Quand j’entends le discours de nos politiciens de tous bords, je constate qu’ils sont des maîtres en flatterie. Je pense qu’ils ne croient pas en leur pays ou oublient ce qu’il est réellement. Si le Congo est moi, il est vous, il est nous tous, alors pourquoi ces absurdités ? »

« On oublie ce que la RDC »

La RDC, c’est neuf États voisins. La RDC, c’est la Californie ou le « Coffre-fort du monde » avec ses immenses ressources naturelles. La RDC, c’est le point d’intersection entre l’Ouest, le Nord, le Sud et l’Est du continent africain. La RDC, c’est une plateforme d’échanges commerciaux. La RDC, c’est un immense marché des investissements. La RDC, c’est la matrice du développement économique du continent africain… « Quel destin fabuleux ! Il faudra qu’un jour ceux qui ont plongé ce pays dans la misère, répondent de leurs actes. C’est très simple, non ? », déclare ce politologue. 

Oui. Le développement de la RDC est un problème essentiel. Beaucoup d’intellectuels africains ne comprennent pas pourquoi la RDC ne décolle pas encore.  Ils ont raison, le problème des problèmes est de savoir pourquoi Dieu a doté ce pays au cœur du continent africain de toutes ces ressources naturelles, pourquoi il a permis que le mal y existe aussi.

Certes, cela paraît philosophique, mais en réalité si la RDC sort des sentiers battus, des scientifiques africains de grand renom, comme Cheik Anta Diop, Joseph Ki-Zerbo, sont à peu près d’accord pour prévoir que ce pays pourra peut-être, demain, jouer le rôle du hub de développement continental. Ce savant sénégalais connu pour ses travaux sur l’Egypte ancienne et en physique envisageait déjà, lors du Symposium international de Kinshasa sur le thème « L’Afrique et son avenir » (26-30 avril 1985), vers l’horizon 2020 que « la quasi-totalité des grandes chutes d’eau africaines seront équipées pour la production de l’hydroélectricité : Inga au Zaïre (RDC) en particulier ».

D’après lui, à l’époque coloniale, les ingénieurs belges avaient déjà calculé que le barrage d’Inga entièrement équipé permettrait à lui seul d’assurer l’éclairage de tout le continent sud-américain, ou tous les besoins énergétiques du continent africain en temps de paix. Ils avaient calculé aussi qu’en élevant la tension du courant produit à Inga au seuil du million de volts et en le redressant pour le transporter en continu à travers toute l’Afrique, le Sahara jusqu’en Espagne, au Portugal et au Sud de l’Italie, ils pourraient le moduler encore pour obtenir de l’alternatif et que le KWH, ainsi vendu à l’Europe pauvre resterait encore compétitif malgré les pertes en ligne.

Donc, soit dit en passant, pour Cheik Anta Diop, l’Afrique ne manque pas d’énergie mais celle-ci est mal identifiée et mal distribuée. L’interconnexion du réseau africain pour la création d’un marché intègre de l’énergie est un impératif économique. Ce n’est qu’un cas sur ce que les immenses ressources de la RDC représentent pour l’économie mondiale. Impératif économique, l’expression est lâchée. Aujourd’hui, il est devenu clair, depuis notamment la Conférence de Berlin de 1885, que c’est sur le sol de la RDC que se livrent déjà, et que se livreront certainement dans le proche et le lointain avenirs quelques-unes des plus grandes batailles d’influence économique mondiale dont l’issue devrait commander notre avenir commun.

État indépendant

On comprend dès lors aisément pourquoi le statut d’État indépendant avait été conféré à cet espace géographique formé d’une mosaïque de royaumes et d’empires indigènes et confié à Léopold II, roi des Belges et non pas à un État pour le gérer. « C’était peut-être une façon de rassurer toutes les puissances de l’époque, puis peut-être de confirmer l’idée d’une prédestination économique du Congo. D’ailleurs, dans l’esprit, République démocratique du Congo veut dire État indépendant du Congo », fait remarquer Jean-Marie Kidinda. 

Certes, convient-il, l’œuvre de Léopold II au Congo est loin d’être une « entreprise civilisatrice », mais elle a le mérite d’avoir mis ensemble ces royaumes et empires qui fonctionnaient politiquement et économiquement sur des modèles coutumiers, et se faisaient souvent la guerre pour la conquête de nouvelles terres. L’unité recherchée par Léopold II au prix de la force, associés à cela la paix et le travail, est aujourd’hui la sève vivifiante du peuple congolais. La suite, on la connaît. 

Après l’exploitation des ressources naturelles du pays par les grands trusts occidentaux sous « le régime de la colonisation », il s’est ensuit à partir de 1960 (année de l’accession à l’indépendance) une gestion de basse-cour du pays. Et cette façon de remettre en cause la colonisation n’est pas en phase avec le développement depuis plus d’un demi-siècle. C’est curieux de voir des Congolais regretter l’époque coloniale, où il y avait davantage de bigoterie que de ferveur. Tout était réglé et contingenté selon la loi du colonisateur. C’était très précis, très quotidien, très prenant… Et puis la jeunesse a été entièrement façonnée par les curés qui ont donné le peu d’épaisseur morale que l’on possède comme le peu de formation. 

La démocratisation

Depuis 1960, on voit s’éteindre quelques valeurs morales héritées des curés et il se pose le problème de conscience collective. En avril 1990, on aurait dû être sceptique quand le pays a été engagé dans la voie de la démocratisation, donc du pluralisme politique. Avec une démocratie de façade ou d’affichage, les partis politiques, sans idéologies, nous ont apporté plus de problèmes que des solutions. Alors que le pays dispose des ressources incommensurables dont les métaux rares et précieux, notamment des sources d’énergie d’une ampleur considérable, des potentialités forestières, minières, halieutiques à peine entamées. Autant d’atouts qui l’exposent naturellement à la convoitise des « Grands » de ce monde et qui constituent une menace inquiétante pour son indépendance, sa sécurité, sa stabilité et son unité.

Il n’est donc pas exagéré de dire que la RDC devrait compter demain parmi les « géants » appelés à gérer le destin du monde. Cependant, la gestion politique du pays demeure malheureusement une réalité éclatée, fragilisée par le fonctionnement de la classe politique. Bref, le pays est otage de ses élites et victime du traumatisme socio-culturel généré par des comportements négatifs et néo-colonialistes entretenant le complexe du colonisateur et le mimétisme des modèles étrangers. Les néocolonialistes étrangers exploitent évidemment ces faiblesses, pour, par des nationaux interposés, opposer les élites entre elles, les élites aux masses, voire l’État à d’autres États.