Taxes et frais illégaux tuent le business fluvial

L’adhésion à l’OHADA, la création du Guichet unique de création d’entreprise, l’institution d’une Commission nationale pour l’amélioration du climat des affaires, entre autres initiatives, traduisent, sans doute, la volonté de l’Etat congolais d’assainir son environnement des affaires. Mais beaucoup restent encore à faire.

Pourquoi le commerce sur le fleuve Congo et ses affluents n’est toujours pas florissant, au regard de la configuration hydrographique de la République Démocratique du Congo  (25.000 km de voies navigables dont ±15.000 ininterrompues), de l’immensité de richesses en diverses ressources que recèle le vaste Bassin du Congo et de l’état aléatoire d’autres modes de transport, et ne contribue pas, de manière optimale, à la relance économique et au développement des communautés riveraines? Et encore pourquoi les produits vivriers agricoles qui proviennent de l’arrière-pays de la RD  Congo coûtent quatre fois voire cinq ou six fois plus cher dans les grands Centres de consommation, notamment à Kinshasa? L’exploration de l’univers des activités qui gravitent autour de l’exploitation du transport par voies d’eau intérieures livre des précieuses informations susceptibles d’éclairer plus d’une lanterne sur ces questions. De source gouvernementale, on dénombre près de 162 taxes dans le transport fluvial et les activités connexes. En termes de barrières, sous le prétexte de contrôle sécuritaire, sur les axes fluviaux, alors rien qu’entre le Centre-ville de Kinshasa et sa commune périphérique de Maluku, située à environ 60 kilomètres sur le fleuve, on en compte environ une dizaine de barrières d’après la CICOS. Et dans la brèche près d’une quinzaine de services qui se veulent percepteurs des taxes s’y engouffrent et se retrouvent dans toutes les escales et les arrêts obligatoires le long des parcours des unités flottantes. Ce qui, au finish, engendre plus de 50% de taxes illégales répertoriées dans l’ensemble dont les recettes échappent totalement au Trésor Public, renseignent plusieurs études consultées telle que celle de l’IRM (Innovation Resources Management) qui, par ailleurs, révèle que de tous les taxes et frais légaux perçus dans les ports, moins de 5% seulement rentrent dans les caisses de l’Etat.

Il se crée ou se légalise chaque année des nouvelles taxes

«Comment voulez-vous que nous puissions développer et faire prospérer nos activités dans un tel contexte? Il arrive très souvent que certaines taxes illégales que nous dénonçons se retrouvent comme par enchantement légalisées par le législateur peu de temps après. » S’insurge Didier Mukoma, président des armateurs réunis au sein du patronat congolais. L’intensité de tracasseries, qui sont surtout d’ordre policière, administrative et technique, ne cessent de s’amplifier, nous confie-t-il. Pour s’en rendre compte, il suffit de se référer au carnet de voyage de tout armateur. Au-delà de la classique perception de taxes illégales, il arrive cependant que l’armateur soit contraint de  payer une taxe légale à divers échelons administratifs (aux niveaux national, provincial et territorial) ; d’autre part, il faut bien qu’il compte avec l’obligation d’honorer la taxe dite légale à toutes les escales du bateau et aux arrêts obligatoires du port de départ jusqu’au port d’ arrivée et très souvent, l’armateur se retrouve face à une superposition des services revendiquant la même taxe .

Un important secteur d’activités économiques abandonné à lui-même et livré à la merci d’opportunistes

Contrairement à l’entendement qui veut qu’une taxe soit perçue par une personne morale publique pour un service rendu en contrepartie, c’est courant que la taxe collectée soit affectée à autre chose que pour le service qui en est attendu en retour. Ainsi, en est-il, par exemple, de la taxe de navigation perçue par la RVF (Régie des Voies Fluviales) qui serait incorporée aux frais de fonctionnement de cet établissement public, par ses managers, plutôt qu’à l’entretien et à l’aménagement des voies fluviales. Ceci, au grand dam des armateurs qui engagent des frais supplémentaires en rémunérant des éclaireurs pour détecter les mauvaises passes et indiquer la bonne voie aux équipages. Toutes ces pratiques inciviques engendrent des conséquences aux effets dévastateurs qui offrent un tableau inquiétant en termes de perspectives :l’abandon du transport des produits agricoles vivriers au profit de celui des grumes où il y a un peu moins de tracasseries ou l’immobilisation de plusieurs unités flottantes par les armateurs ; et du fait de la permanente réduction des revenus, il s’installe finalement, le découragement des opérateurs de la filière fluviale (pêcheurs, agriculteurs, commerçants, armateurs,…..) qui finissent par la quitter.

Une situation qui devrait avoir inéluctablement comme corollaire le manque de production, la rareté et la hausse des prix des produits agricoles vivriers dans des grands centres de consommation à l’instar de Kinshasa, une capitale qui abrite environ 10 millions d’âmes et qui est approvisionnée en produits agricoles vivriers, à près de 80 % , par le fleuve Congo.