TikTok va-t-elle vraiment être bannie des États-Unis ?

L’interdiction de l’application chinoise est toujours à l’ordre du jour mais retardée. Elle avait demandé un délai supplémentaire de 30 jours mais le comité gouvernemental américain chargé des investissements étrangers, le CFIUS, lui a finalement accordé 15 jours, soit jusqu’au 27 novembre.

C’EST le compte à rebours. Tik Tok dispose encore de quelques jours, jusqu’à vendredi 27 novembre, pour restructurer ses actifs internationaux. Un nouveau sursis de 15 jours lui a été accordé le vendredi 12 novembre avant une interdiction d’activité aux États-Unis. Après plusieurs mois de lutte contre le réseau social, les États-Unis semblaient bien occupés et l’administration Trump aurait même pu laisser croire qu’elle avait oublié le dossier TikTok. En effet, l’application chinoise aurait dû être bannie le 14 novembre, selon le décret signé par Donald Trump, le président américain le 14 août dernier.

Ce document laissait à l’application un délai de 90 jours pour trouver un acheteur, sans quoi elle serait bannie des États-Unis. Les tensions entre l’administration Trump et TikTok durent depuis des mois maintenant. Après avoir été dans le viseur de l’US Navy, l’application chinoise a été bannie par l’ensemble des armées américaines. Cela n’a en rien empêché l’ascension spectaculaire de TikTok aux États-Unis. Mais, cela n’a rien changé aux tensions présentes entre les deux parties, puisque les États-Unis reprochaient notamment à TikTok d’être au service du gouvernement chinois, et l’accusaient d’espionnage. Cela avait d’ailleurs poussé l’administration Trump à envisager l’interdiction de TikTok sur le territoire américain, dès août dernier. 

Éventuel rachat

Ces derniers mois, TikTok a échangé avec plusieurs entreprises pour un éventuel rachat de ses activités. Il y a tout d’abord Microsoft, Twitter, puis l’indien Reliance, avant les pourparlers avec Oracle. Ces derniers devaient même aboutir, au grand malheur de Microsoft. L’accord entre Oracle et TikTok devait même être signé en septembre dernier, mais les choses semblent compliquées entre les deux parties. En effet, les deux sociétés ont des discours contradictoires. Tandis que TikTok indique garder la majorité des parts, autrement dit 80 %, Oracle dit le contraire.

L’application chinoise dispose désormais de quelques jours pour conclure ses plans. Cela risque d’être compliqué puisque la Chine souhaite que les algorithmes de l’application restent la propriété de Bytedance, alors même que cela est une condition des États-Unis : le code de l’application doit être réécrit et stocké aux États-Unis. Il faudra désormais attendre le 27 novembre pour connaître la suite de l’affaire, à moins d’un énième rebondissement d’ici là !

Pour rappel, la maison mère de TikTok a deposé une requête auprès d’une cour d’appel américaine pour demander un réexamen. TikTok devrait logiquement se dessaisir de « tous les actifs ou biens corporels ou incorporels, où qu’ils se trouvent, utilisés pour permettre ou soutenir l’exploitation de l’application TikTok par ByteDance aux États-Unis ». Dans une déclaration à The Verge, le réseau social explique que : « depuis bientôt un an, TikTok s’est engagé activement et de bonne foi pour répondre aux préoccupations du gouvernement américain en matière de sécurité nationale, même si nous ne sommes pas d’accord avec son évaluation. Depuis que le president [Trump] a donné son approbation préliminaire à notre proposition pour répondre à ces préoccupations, il y a près de deux mois, nous avons proposé des solutions détaillées pour finaliser cet accord, mais nous n’avons reçu aucun retour d’information substantiel sur notre vaste cadre de protection de la sécurité et de la confidentialité des données ».

Un flou complet

TikTok et ses 1 500 employés aux États-Unis sont dans le flou complet. L’entreprise explique qu’elle reste déterminée à travailler avec le gouvernement américain pour répondre à ses inquiétudes. Tout l’enjeu aujourd’hui est de faire en sorte que ces discussions puissent avoir lieu. Ce qui ne semble pas être le cas. Cette histoire a tendu les relations entre la Chine et les États-Unis. En octobre, Pékin accusait même les l’administration Trump de violer les règles de l’OMC. Le problème de départ serait le lien entre ByteDance et le gouvernement chinois. 

Selon deux sources proches de la direction de TikTok, Cai Zheng aurait à la fois travaillé pour l’ambassade chinoise en Iran à Téhéran et aurait dirigé la politique mondiale du contenu chez ByteDance. Cai Zheng aurait donc couplé un poste de fonctionnaire et de haut responsable au sein de TikTok, ce qui représente un conflit d’intérêts. La porte est donc ouverte aux suspicions quant à l’éventuelle utilisation par la Chine, pays créateur du crédit social, des données des utilisateurs de TikTok par le gouvernement chinois.  Les États-Unis sont accusés par la Chine de violer les règles du commerce international en menaçant de bloquer TikTok sur leur territoire, sauf en cas d’exploitation par une entreprise américaine. À la suite du bannissement de TikTok en Inde et des différends avec les États-Unis, la Chine ne compte pas laisser le marché étasunien lui glisser entre les doigts.  Elle l’a fait savoir lors d’une réunion de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le 2 octobre dernier, lors d’une réunion à huis clos de l’OMC, un représentant chinois a déclaré que les mesures du gouvernement de Donald Trump vis-à-vis de TikTok « sont incontestablement contraires aux règles de l’OMC, restreignent les échanges commerciaux transfrontaliers et violent les principes de base d’un système multilatéral de commerce », selon les propos rapportés par Reuters.

Les États-Unis démentent cette version et justifient leurs actions sous prétexte de la sécurité nationale. Pour le pays des GAFA, la collecte des données des utilisateurs américains par une entreprise chinoise, probablement rattachée au gouvernement chinois, représente une menace. Le bureau du représentant au commerce des États-Unis et un délégué chinois se sont tous deux abstenus de commentaires. À première vue, la déclaration chinoise sera sans conséquence, à moins que la Chine dépose une plainte auprès de l’organe de règlement des différends de l’OMC. Reste à voir si l’entreprise chinoise saura tirer profit de son sursis ou si elle se retrouvera au pied du mur.