À L’INSTAR d’Oxfam, les ONG mettent un nouveau coup de pression sur les banques. Ces dernières estiment qu’on leur fait un mauvais procès. Par exemple, aux allégations de l’ONG britannique, selon lesquelles les financements et les investissements des banques françaises les mettent sur une trajectoire de réchauffement climatique à 4°C, les banques répondent que c’est « faux ». Au contraire, elles font valoir leurs engagements récents pour aligner leurs politiques sur l’Accord de Paris. Les établissements bancaires, réunis au sein de la Fédération bancaire française (FBF), rejettent avec véhémence cette interprétation d’Oxfam : « Chiffres datés » pour BNP Paribas, données qui « ne reflètent pas les efforts significatifs engagés ces dernières années » pour la Société Générale, ou bien encore chiffrage « fondamentalement faux » pour le Crédit Agricole.
Les banques s’agacent des accusations des ONG, qui ne semblent pas prendre en compte leurs engagements récents. Lors d’une conférence téléphonique, Laurent Mignon, le président du directoire du groupe BPCE (Banque Populaire et Caisse d’Épargne) et président de la commission climat de la FBF, a déploré que certains « cherchent à faire évoluer (les pratiques) par la stigmatisation ». Il rappelle que les banques françaises ont investi 41 milliards d’euros dans les énergies renouvelables en 2019, soit une hausse de 57 % en trois ans, bien supérieure à la croissance du secteur sur la même période.
Désaccords clivants
Les établissements bancaires reprochent à Oxfam sa méthode de calcul, qui aboutit à un double comptage de certaines émissions. Ils jugent aussi que le chiffre de quatre degrés annoncé pour le réchauffement s’appuie sur l’hypothèse d’une poursuite des activités à l’identique jusqu’à 2100, ce qui n’est pas conforme à leurs objectifs. Les principales banques françaises ont signé les Principes pour la banque responsable (PRB). Une initiative soutenue par l’ONU qui les engage à aligner leurs activités sur l’Accord de Paris. Leurs filiales dédiées à l’investissement sont par ailleurs signataires des Principes pour l’investissement responsable (PRI) également soutenus par l’ONU. Des engagements jugés insuffisants pour les ONG. La question du désengagement des énergies fossiles cristallise les désaccords entre banques et ONG. La FBF souligne les politiques de désengagement du charbon annoncées en 2019, saluées à l’époque par les organisations écologiques. Pour les ONG, cela ne suffit plus. « Nous sommes très contents, mais il faut aller plus loin. Il faut le même engagement, le même processus, sur le pétrole et le gaz », a réagi Alexandre Poidatz, auteur du rapport d’Oxfam France.
Les hydrocarbures conventionnels conservent une part importante dans les portefeuilles des quatre plus grandes banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE). Selon Oxfam, « les crédits aux entreprises actives dans le secteur du pétrole et gaz uniquement représentent plus de 40 % des émissions de CO2 de leur portefeuille de crédits aux entreprises ». BNP Paribas a été l’un des premiers acteurs financiers à annoncer un désengagement du gaz de schiste et des sables bitumineux, en 2017. Le premier groupe bancaire européen rappelle toutefois que le pétrole reste encore aujourd’hui incontournable dans un grand nombre d’activités vitales.
« Chacun est dans son rôle», tranche Michel Cardona, spécialiste du secteur financier pour le groupe de réflexion I4CE, qui traite de l’économie et du climat. Il appelle à la prudence concernant les études sur le sujet, aucune méthode de calcul ne faisant consensus, mais il leur reconnaît toutefois un « fort pouvoir de communication ». Du fait de la pression des ONG, les banques « se défendent, donnent des informations et prennent des engagements qu’elles n’auraient peut-être pas pris sinon», ajoute-t-il, citant le charbon.
Pour leur part, Climate Chance et Finance for Tomorrow font le bilan mondial dans lequel ils rendent compte de la prise de conscience croissante par les acteurs financiers de leur rôle majeur dans la transition bas-carbone de l’économie réelle, mais également dans les facteurs qui sous-tendent sa réussite : la protection de la biodiversité et l’impact social des investissements et des produits financiers. Il analyse de manière plus précise chaque année la nécessité de cohérence de l’action de la finance au regard des enjeux climatiques et environnementaux, lisse entendre Ronan Dantec, le président de Climate Chance.
À l’occasion de la semaine Paris for Tomorrow, organisée du 23 au 30 octobre par Finance for Tomorrow autour du Climate Finance Day, Climate Chance a publié la 3è édition du Bilan mondial de la finance climat.
Un événement international qui réunit la communauté financière, les autorités locales et publiques et la société civile pour mettre en lumière les questions et solutions liées au financement et à la réalisation des objectifs climatiques et des objectifs de développement durable (ODD).
Les tendances en 2020
Les grandes tendances décryptées dans ce bilan mondial de la finance climat en 2020 sont la progression de l’intégration du changement climatique dans les décisions des acteurs financiers ; l’accélération du mouvement par la réglementation et la supervision financière ; l’intégration progressive des enjeux de biodiversité ; les effets de la pandémie de Covid-19 ; et les tendances récentes de la finance verte. Le document analyse de manière plus précise chaque année la nécessité de cohérence de l’action de la finance au regard des enjeux climatiques et environnementaux, souligne Ronan Dantec, le président de Climate Chance.
De son côté, Thierry Déau, le président de Finance For Tomorrow, précise que leurs axes prioritaires coïncident avec les nouvelles frontières identifiées par ce bilan : financement de la biodiversité, dimension sociale, fintech verte ou encore alignement sur les objectifs de l’Accord de Paris.