LUNDI 25 novembre, Tim Berners-Lee, l’homme considéré comme le père fondateur du Web, a annoncé une initiative mondiale contre les dérives d’Internet dans un communiqué publié sur le site de la Fondation World Wide Web. « Si nous ne parvenons pas à défendre le Web libre et ouvert, nous risquons une dystopie numérique caractérisée par une inégalité persistante et un abus de droit », met en garde Tim Berners-Lee.
Ce dernier n’a jamais caché son aversion pour ce qu’est devenu le web. « Le Web était censé servir l’humanité, mais c’est un échec sur de nombreux points », estime son créateur en 2018. Lors de sa création, il y a 30 ans, Tim Berners-Lee voyait Internet comme « un bien public ». Aujourd’hui, il regrette que le web soit désormais dominé par les puissantes firmes, les fameux GAFA, et envahi par de fausses informations.
Rectifier le tir
Afin de corriger le tir, il avait annoncé la création d’un nouvel Internet, en août 2018. Le projet commence seulement à se concrétiser, plus d’un an après son évocation. « Les gouvernements doivent renforcer les lois et la régulation du monde numérique. Les groupes doivent faire plus pour garantir que la recherche des bénéfices ne se fasse pas aux dépens des droits de l’homme et de la démocratie », déclare Tim Berners-Lee. « Les citoyens doivent protéger leurs données et encourager les conversations en ligne équilibrées », poursuit le communiqué, évoquant le harcèlement sur les réseaux sociaux.
Sur le site web dédié au projet, le créateur du web liste les 9 principes fondateurs de ce nouvel Internet, plus juste et plus inclusif. Ces objectifs sont rangés en trois catégories : à destination des internautes, des gouvernements ou des entreprises. « Pour atteindre les objectifs du Contrat, les gouvernements, les entreprises, la société civile et les individus doivent s’engager à élaborer, à défendre et à mettre en œuvre de manière durable les politiques du Contrat », précise le site web « Contract for the web ».
En bref, les gouvernements doivent absolument veiller à ce que tous leurs concitoyens aient accès à une connexion Internet, maintenir la neutralité du web et respecter les droits humains en ligne. De leur côté, les entreprises sont chargées d’instaurer un climat de confiance sur Internet et de rendre l’accès au web abordable pour tous. Enfin, les internautes ont pour mission de créer des communautés en ligne destinées à lutter contre les dérives d’Internet.
Les GAFA s’impliquent dans la création de ce « nouvel internet ». Parmi les organismes ayant déjà annoncé leur soutien à cette initiative, on trouve de nombreux gouvernements, dont la France et l’Allemagne, des entreprises, comme Microsoft, Google, DuckDuckGo ou encore Facebook, et des particuliers. On s’étonnera de l’implication des GAFA dans le projet au vu des critiques formulées par Tim Berners-Lee par le passé.
Avec ce plan d’action mondial, Tim Berners-Lee renoue avec les objectifs initiaux de son projet. Le créateur du web va-t-il parvenir à réaliser ses objectifs ? L’inventeur du web avait annoncé le lancement de Solid, un nouveau service permettant in fine de découpler les plateformes (comme Facebook ou Google) des données personnelles que leur fournissent les utilisateurs. De telle sorte que l’on puisse stocker ses données personnelles chez soi si on le souhaite, et que les plateformes ne puissent plus les utiliser sans votre consentement.
De quoi sauver le web ? Tim Berners-Lee est considéré comme l’un des pères du web. C’est lui qui avait le premier imaginé le monde interconnecté tel que nous le connaissons aujourd’hui. Mais ce qu’il n’avait pas vu, c’était le mouvement de concentration initié par ce qui allaient devenir les GAFAM : le monde dans lequel nous vivons vraiment, où les données des utilisateurs sont devenues des marchandises – avec les excès et scandales qui vont avec.
Abus de données
À l’heure où Google et Facebook, entre autres, sont présents partout, Tim Berners-Lee lance une nouvelle plateforme révolutionnaire, Solid, avec pour ambition de « sauver » le web. Comment ? Il part d’un constat : les grandes plateformes et leurs données ne font qu’un, et elles en abusent. Autrement dit, tout est centralisé, et le moindre problème affectant la plateforme, la moindre faille zero-day, le moindre changement des conditions d’utilisation, affecte les données privées des utilisateurs.
D’autant que puisque les données personnelles ont pris de la valeur, elles attirent le pire des hackers, entreprises de marketing, de communication, etc. C’est pourquoi Solid redonne le contrôle des données personnelles à l’utilisateur : « Solid est la manière dont nous faisons évoluer le Web de façon à restaurer un équilibre – en donnant à chacun le contrôle complet sur ses données, personnelles ou non, d’une manière révolutionnaire », explique Tim Berners-Lee.
L’idée, c’est que désormais, celui qui stocke vos données n’est plus Facebook et Google. Vous mettez ces données dans un POD (Personal Online Data storage, ou espace de stockage d’informations personnelles), conçu pour être extrêmement sécurisé. Ce POD peut être stocké en local, sur votre ordinateur, ou des serveurs distants de votre choix. Vous définissez au préalable ce qui est accessible ou non à partir de ce POD. On peut y connecter des « applications » qui peuvent ensuite utiliser ces données sans jamais qu’elles ne quittent le POD.
Pour l’instant, le projet Solid est encore un développement. Mais on peut déjà créer un compte dans son interface pour le moins spartiate et y connecter quelques applications. Le projet rencontre déjà un réel engouement de la part de la communauté des développeurs. Reste que pour l’heure, on a davantage l’impression d’une preuve de concept qu’un réel produit fini.