Tourbières de la RDC : enjeu d’aujourd’hui et de demain pour ralentir le réchauffement climatique

En attendant la COP25 prévue en décembre, dont le Chili a décliné l’organisation, le débat se corse sur comment ralentir le réchauffement climatique du monde entier. Les regards des défenseurs de l’environnement se tournent résolument vers les pièges à carbone naturels. Et la plus grande réserve se trouve en RDC.

SELON chercheurs anglais, les tourbières de la République démocratique du Congo stockeraient l’équivalent de 3 ans d’émission mondiale de CO2. Pour rappel, la RDC avait adopté, en 2002, un code forestier et décrété un moratoire dans l’attribution de nouvelles licences d’exploitation forestière industrielle, en vue de mettre de l’ordre dans le secteur. 

En octobre 2017, l’ONG Greenpeace et un groupe d’experts ont mené une campagne de communication sur les tourbières qui couvrent 145 000 km² d’un espace marécageux à cheval entre la République du Congo (Brazzaville) et la RDC, soit une zone un peu plus grande que l’Angleterre. Les experts estiment que ces tourbières stockent environ 30 milliards de tonnes de carbone. Cela représente autant de carbone que les émissions d’énergie fossile de toute l’humanité sur trois ans. 

En février 2018, Amy Ambatobe, alors ministre de l’Environnement, a rétabli environ 650 000 ha de concessions forestières illégales qui avaient été annulées en août 2016. Ce qui n’a pas manqué de provoquer la dénonciation des ONG locales et internationales. Les trois concessions rétablies le 1er février 2018 ont été attribuées (à deux) compagnies d’exploitation forestière chinoises, a notamment relevé l’ONG Global Witness : « Deux d’entre elles empiètent sur les 145 000 km² de tourbières récemment découvertes et contenant quelque 30 milliards de tonnes de carbone. »

Pour ces ONG, le ré-allouement illégal de ces concessions, malgré leur précédente annulation et en violation du moratoire de 2002, met le gouvernement devant un fait accompli : « révoquer de nouveau ces concessions. » parce que la réattribution des concessions forestières est un signal que « le gouvernement de la RDC est en train de faire une croix sur toute ambition de réduire les émissions liées à la déforestation ou à la dégradation des forêts », souligne Rainforest Foundation Norway. La RDC abrite plus de 60 % des forêts denses du Bassin du Congo, deuxième massif forestier tropical de la planète après l’Amazonie. Le pays possède ainsi la deuxième forêt tropicale primaire de la planète (86 millions d’ha). Avec en toile de fond la Conférence de l’ONU sur le climat ou la COP25, le problème de gestion des forêts en RDC revient encore d’actualité. 

Lever les hypothèques

En décembre 2018, des délégués venus de l’administration forestière (ministère de l’Environnement et du Développement durable, Institut congolais pour la conservation de nature, Fonds forestier national, etc.), du secteur privé (exploitants forestiers industriels et artisanaux), du BNCF, de la société civile environnementale (ONG intervenant dans la gouvernance forestière), des communautés locales et autochtones, des cadres scientifiques et techniques, des organisations féminines environnementales et des jeunes -, se sont réunis à Kinshasa. Tous avaient réaffirmé leur soutien aux « stratégies pertinentes » de gestion durable des forêts en RDC. 

Si le constat fait en décembre 2018 est que, cette fois-ci, les choses semblent aller dans la bonne direction, car le dialogue a été renoué entre le gouvernement et les ONG, il reste cependant « beaucoup de barrières » à lever avant qu’un vrai projet de gestion durable des forêts et de bonne gouvernance forestière, ô combien bénéfique, ne devienne réalité en RDC.

D’après les ONG, les forêts de RDC jouent un rôle crucial dans la régulation du climat dans le monde. « Si les coupes forestières se poursuivent au rythme actuel, le pays risque de perdre 40 % de ses forêts dans les 40 prochaines années. L’exploitation de ces concessions a des répercussions environnementales, notamment dans la zone des tourbières (145 000 km²). Les tourbières ne peuvent rendre service à l’environnement que quand elles sont gardées humides et intactes. »

Selon les données du ministère de l’Environnement et du Développement durable, la RDC est dotée d’immenses ressources naturelles qui sont un atout indéniable pour assurer son développement socioéconomique harmonieux, à condition que ces forêts soient gérées durablement, avec une gouvernance améliorée, en intégrant dans la mesure du possible toutes les parties prenantes dans le processus de prise de décisions concernant les ressources naturelles, en particulier les ressources forestières. Les forêts de la RDC constituent l’un des poumons de notre planète encore relativement intact avec une très grande dépendance en moyens de substance et d’existence pour les populations locales et les peuples autochtones. À ce jour, on estime, en effet, que les forêts peuvent jouer un rôle économique, environnemental, social, culturel majeur si des mesures d’assainissement efficaces (courageuses, inclusives et méthodiques) du secteur forestier sont mises en œuvre. Aujourd’hui, la loi n°011/2002 du 29 août portant code forestier pour régir la gouvernance forestière en RDC éprouve des difficultés dans sa mise en œuvre. 

C’est ainsi que les observateurs avertis en appellent à sa révision pour le mettre en phase avec l’évolution des circonstances et des thématiques émergentes ayant une incidence réelle sur les forêts. Les mêmes observateurs soulignent la nécessité d’une politique forestière qui aurait pu se mettre en place avant même l’adoption du code forestier.

Le contexte est-il favorable ?

En dépit du lot d’hypothèques à lever, le régime forestier actuel a permis quand même quelques avancées. Mais ce n’est pas assez suffisant, estiment les ONG. Parmi les éléments positifs, on peut citer la revue légale des anciens titres forestiers en nouveau contrats de concession forestière représentant une superficie de plus de 12 millions d’ha (décret n°05/116 du 24 novembre 2005, fixant les modalités de conversion des anciens titres forestiers en contrats de concession forestière et portant extension du moratoire en matière d’octroi des titres d’exploitation forestière).

Il y a aussi la revue institutionnelle du secteur forêt-environnement, la production de la quasi majorité des mesures d’application du code forestier et la mise en place du comité de validation desdites mesures, la production et l’effort d’actualisation des guides opérationnels sur la mise en œuvre de l’aménagement durable des forêts. 

Il y a également le plan de zonage national pour sécuriser les espaces et instituer un domaine forestier permanent géré durablement, la publication de l’arrêté ministériel fixant le modèle d’accord constituant la clause sociale du cahier des charges du contrat de concession forestière des communautés locales…