Tourisme mondial : 320 milliards de dollars de manque à gagner

C’est le dernier baromètre de l’Organisation mondiale du tourisme qui le révèle. Ce montant abyssal couvre uniquement la période de janvier à mai. À l’absolu, ce sont les États-Unis et la Chine qui vont enregistrer les pertes les plus élevées.

LA NOTE est de plus en plus salée.  « C’est plus du triple des pertes enregistrées au niveau des recettes du tourisme international pendant la crise économique mondiale de 2009 », estime l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) dépendant des Nations Unies et dont le siège se trouve à Madrid en Espagne. L’OMT estime que la chute de la demande de voyages internationaux pourrait se traduire par une baisse de 850 millions à 1,1 milliard de touristes internationaux cette année.

Selon une autre étude de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), les restrictions liées au Covid-19 devraient se traduire ces prochains mois par un manque à gagner allant de 1 200 à 3 300 milliards de dollars pour le tourisme et les secteurs liés (les hôtels, les restaurants ainsi que les producteurs d’énergie, la construction, etc.). Le pays le plus touché par la crise du tourisme, au regard du poids de ce secteur dans l’économie nationale, va être la Jamaïque, suivi de la Thaïlande, de la Croatie et du Portugal.

 En termes absolus, ce sont toutefois les États-Unis et la Chine qui vont enregistrer les manques à gagner les plus élevés, suivi de la Thaïlande, de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne, du Royaume-Uni et de l’Italie.

Le bilan des pertes causées par la pandémie de Covid-19 au niveau du tourisme international se fait de plus en plus lourd… Le confinement pratiquement total imposé dans de nombreux pays a entraîné une chute de 98 % du nombre de touristes internationaux en mai par rapport à 2019, soit 300 millions de visiteurs en moins. Le baromètre montre également une baisse de 56 %, d’une année sur l’autre, des arrivées de touristes au cours de la période allant de janvier à mai…

Alors que le tourisme reprend lentement dans certaines destinations, avec des signes de rebond notamment dans l’hémisphère Nord et « en particulier avec l’ouverture des frontières à l’intérieur de l’espace Schengen de l’Union européenne le 1er juillet », l’indice de confiance établi par l’OMT affiche des plus bas historiques, à la fois pour le bilan de la période janvier-avril 2020 et pour les perspectives pour mai-août. Pour l’année 2020, l’OMT prévoyait, dans un rapport dévoilé en mai, une chute de 60 à 80 % du nombre des touristes internationaux, avec des pertes allant de 910 milliards de dollars à 1 200 milliards de dollars et une « mise en danger de 100 à 120 millions d’emplois directs dans le tourisme ».

« Ces chiffres les plus récents montrent clairement combien il est important de faire redémarrer le tourisme dès qu’il est sûr de le faire. L’effondrement du tourisme international met en danger les moyens d’existence de millions et de millions de personnes, notamment dans les pays en développement », a affirmé Zurab Pololikashvili, le secrétaire général de l’OMT. La majorité des membres du groupe d’experts du tourisme de l’OMT s’attendent à « un redressement du tourisme international d’ici le deuxième semestre 2021, suivis de ceux qui tablent sur un rebond au cours du premier semestre de l’année prochaine ». Parmi les principaux risques courus par le secteur, l’OMT évoque notamment « la recrudescence du virus et le risque de nouveaux confinements », ainsi que la situation de la Chine et des États-Unis, « au point mort »… 

Une année blanche

Pour sa part, l’Association internationale du transport aérien (IATA) estime qu’un retour du trafic aérien mondial au niveau d’avant-crise n’est pas attendu avant 2024… En France, le dispositif de chômage partiel mis en place pour le secteur du tourisme qui devait prendre fin en septembre, sera prolongé jusqu’en décembre, selon des modalités restant encore à définir, « selon l’état du secteur ». Ce recours à l’activité partielle pour les entreprises du secteur (hôtellerie, restauration, voyagistes, événementiel, etc.), instauré pendant le confinement, avait été mis en place pour les aider à faire face à l’arrêt ou la baisse de leur activité. « Les professionnels du tourisme ont besoin d’un soutien dans la durée, pour certains cela va être une année blanche », a mis en avant Jean-Baptiste Lemoyne, le secrétaire d’État français au Tourisme. 

Cette prolongation était une revendication des professionnels. Jean-François Rial, le PDG de Voyageurs du Monde, a estimé que la durée annoncée jusqu’ici n’était pas suffisante « pour la plupart des entreprises » du secteur, qui doit faire face, selon lui, à « une baisse d’activité de 80 % si cela continue comme ça ». En outre, Jean-Baptiste Lemoyne a tenu à rappeler que l’État français avait déjà « mis 18 milliards d’euros sur la table en mesures de soutien d’investissement » pour le secteur. Le secrétaire d’État français au Tourisme a ajouté que le soutien du gouvernement français s’était notamment traduit par « près de 9 milliards d’euros de prêts garantis par l’État », qui iront « directement au secteur du tourisme, à l’hôtellerie, à la restauration »…

Jean-Baptiste Lemoyne a par ailleurs salué le « patriotisme touristique », qui reste « bienvenu ». Selon ses estimations, « 70 % des Français qui partent en vacances font le choix de la France » pour ces vacances d’été. Il a également souligné que « beaucoup de réservations » se faisaient « en dernière minute », notamment dans l’hôtellerie de plein air où en juillet, « on est à 70 % de réservations réalisées par rapport à l’année 2019 parce que les gens n’avaient pas pu réserver auparavant ».

Selon une étude pour Mastercard, seuls 47 % des Français partiront en vacances cet été. Parmi eux, la quasi-totalité a choisi la France comme pays de villégiature : 94 %, contre 6 % seulement qui ont choisi une destination à l’étranger…