Transactions plus coûteuses, plus lentes et plus risquées

Les opérateurs économiques de la RDC considèrent que les comparaisons avec les pays africains et non africains sont d’une grande importance pour que le pays soit compétitif sur le plan mondial et attractif pour les investisseurs tant nationaux qu’étrangers. 

 

Comparées à d’autres pays concurrents, africains ou non africains, les transactions en RDC sont plus coûteuses, plus lentes et présentent plus de risques, estiment les opérateurs économiques. Ils dénoncent souvent le coût élevé des transports ; les faiblesses des prestataires publics, notamment la Régie des voies maritimes (RVM), la Régie des voies fluviales (RVF), la Régie des voies aériennes (RVA), le port de Matadi, l’Office congolais de contrôle (OCC), l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM) et la Direction générale des douanes et accises (DGDA) ; l’interférence dans les opérations d’import-export de la part d’autres services tels que la Direction générale de migration (DGM), l’Agence nationale de renseignement (ANR) ; de la part des autorités provinciales… ; et la création perpétuelle de nouveaux prélèvements et taxes parafiscales par les organismes publics et les provinces, souvent sans fondement juridique solide, ni contrepartie équivalente de service. Pour eux, ces prélèvements sont des pures taxes.

Selon la Conférence des Nations-Unies pour le commerce, l’économie et le développement (CNUCED), les investissements européens augmentent dans d’autres pays européens d’environ 4 % lorsque le taux de taxation des revenus des entreprises baisse d’un point. Sur base des données de la Banque mondiale (Rapport Doing Business 2017), une fiscalité lourde aux postes frontaliers est un frein à l’attractivité des investissements.

À l’exportation, le taux pour le respect des procédures est à 428 dollars (Afrique du Sud), 735 (Angola), 2 223 (RDC), 1 975 (République du Congo), 183 (Rwanda), 1 160 (Tanzanie) et 370 (Zambie). Quant au respect des exigences en matière de documentation, le taux est à 170 dollars (Afrique du Sud), 240 (Angola), 2 500 (RDC), 165 (République du Congo), 110 (Rwanda), 275 (Tanzanie) et 200 (Zambie).

À l’importation, le taux pour le respect des procédures de commerce frontalier est à 657 dollars (Afrique du Sud), 935 (Angola), 3 039 (RDC), 1 581 (République du Congo), 282 (Rwanda), 1 350 (Tanzanie) et 380 (Zambie). Quant au respect des exigences en matière de documentation, le taux est à 218 dollars (Afrique du Sud), 460 (Angola), 875 (RDC), 310 (République du Congo), 121 (Rwanda), 375 (Tanzanie) et 175 (Zambie)…

La multiplicité de taxes à supporter par les opérateurs économiques constitue encore une preuve éloquente de la barrière créée par la fiscalité pour l’attraction des investissements. Selon le Rapport Doing Business publié par la SFI, le ratio de l’impôt sur les bénéfices bruts en RDC était en 2010 de 272,9 % contre 1,6 % en Corée du Sud. Conclusion : faire les affaires en RDC est une chose impossible.

Le coût des procédures

Les obstacles et barrières à l’investissement en Afrique indiqués dans le rapport du cabinet Ernst & Young, en interrogeant 170 investisseurs étrangers, qui pourraient être appliqués à la RDC sont : l’instabilité (ou le mauvais environnement) politique (41 %), les barrières locales (23 %), la corruption (22 %), l’insécurité juridique et judiciaire (22 %), l’insuffisance d’infrastructures de transport et de logistique (17 %), le cadre juridique et administratif vétuste et peu approprié aux affaires (14 %), l’accessibilité limitée aux clients (12 %), l’accès limité aux infrastructures de télécommunications (12 %), le manque d’une main-d’œuvre hautement qualifiée (10 %), le manque d’une culture entrepreneuriale et d’esprit d’entrepreneur (8 %), la capacité énergétique insuffisante (7 %), la difficulté linguistique et culturelle (6 %), le  système fiscal peu fiable (4 %), le faible ratio qualité/prix de la main-d’œuvre (4 %), faible taux de la qualité de vie (4 %), etc. Un produit importé, acheté à 157.6 dollars la TM FOB (pour un volume total de 10 000 tonnes) revient au minimum à 499 dollars la TM en arrivant à Kinshasa, soit un multiplicateur de 3,2. Le différentiel est expliqué par le transport maritime, les frais portuaires (RVM, manutention à bord, manutention à terre/transit etc.); les droits d’entrée ; les frais des transitaires ; et le coût de transport jusqu’à Kinshasa.

Vient ensuite le transport maritime (35.90 %). La Société commerciale des transports et des ports (SCTP, ex-ONATRA), plus exactement le Port de Matadi, arrive en 3è position (24.6 %) pour les frais de manutention verticale (déchargement) de 17,3 euros la TM, soit environ 28 dollars, et de manutention horizontale (transit) de 32 dollars la TM. La DGDA (douane) est en 4è position  avec 24,3 % (un DD de 10 % et l’ICA de 13 %). La redevance RVM (5,92 %) vient en 5è position avec 5,92 %.

L’OCC, l’OGEFREM et la CMDC représentent respectivement 3,90 ; 1,88 et 0,33 %, soit un total de 6,11 % de la valeur CIF. En ajoutant la redevance rémunératoire de 1 % due à la douane (dont 0.25 % pour la douane et 0,75 % pour AUFS), le cumul des prélèvements serait de 7.11 %). Dans le cas plus général, où le produit serait passible du FPI (2 % de la valeur CIF plus les droits d’entrée), le total des prélèvements alors serait de 9.11 %. L’inclusion de la rémunération des transitaires entraînerait une augmentation de 15dollars par tonne.

Si on exclut les « droits d’entrée », ces chiffres suggèrent que la réduction des coûts des transactions demanderait des interventions tout au long de la chaîne des procédures. Dans tous les cas, il conviendrait d’examiner la nature et l’opportunité des interventions des institutions ; le niveau et la forme de financement dans le cas où leur intervention serait justifiée. Le coût de transport Matadi-Kinshasa, entre 100 dollars et 140 dollars la TM pour le transport des marchandises en container, s’explique d’une part, par les coûts intrinsèques du secteur et d’autre part, par le retour généralement à vide des containers sur Matadi. Le transport se fait par route malgré un coût moindre par le chemin de fer car ce dernier est beaucoup plus lent, nettement moins fiable et donc n’a pas la préférence des utilisateurs potentiels. À terme, le rétablissement d’un service de chemin de fer plus fiable pourrait avoir des conséquences économiques importantes par la création d’une réelle concurrence sur l’un des éléments importants de la formation du coût des produits avant la mise sur le marché.

Matadi, un des ports les plus chers

Le transport maritime reflète la nature générale du marché des transports maritimes sur la côte de l’Afrique de l’Ouest et du centre ainsi que les différents éléments spécifiques à la RDC : manque de dragage du chenal, délais de séjour excessifs à Matadi liés aux dysfonctionnements de manutention verticale et horizontale, etc. D’une manière générale, les opérateurs économiques estiment que le transport maritime vers le port de Matadi est intrinsèquement cher à cause de ces facteurs spécifiques à la RDC.

Pour le port de Matadi, les opérateurs estiment que les prélèvements pour la manutention verticale sont élevés, d’autant plus qu’il est souvent nécessaire aux agents maritimes/transitaires de venir en appui aux opérations de manutention, surtout en équipement. Il en est de même pour la manutention horizontale. Des comparaisons internationales initiales ont été faites et suggèrent que les écarts par rapport à Abidjan sont d’environ 100 % pour les containers et de 50 % pour le conventionnel. Les écarts pour d’autres ports africains (Dar-Es-Salaam, Douala, Accra, Dakar et Lagos) sont encore plus grands.

Selon les spécialistes, ces comparaisons internationales attirent l’attention sur les défaillances en termes d’équipements vétustes, voire obsolètes et de très faible productivité. Il en découle une lenteur dans les déchargements par rapport aux normes attendues entraînant une prolongation de la durée de séjour des navires. Les tarifs portuaires onéreux sont aussi dus en partie à des charges de personnel trop importantes au sein de la SCTP. En effet, la SCTP est confrontée à des gros problèmes de gestion de personnel y compris l’impossibilité de licenciement et de mise à la retraite. En tout, 72 % des recettes du port sont transférées à Kinshasa pour le financement d’autres départements de la SCTP.