KINSHASA, la capitale de la République démocratique du Congo, est dotée d’un Plan directeur des transports urbains. Dans notre édition BEF numéro 214 datée du 18 au 24 mars 2019, nous avons fait écho du séjour à Kinshasa de Nobuko Kayashima, la vice-présidente de l’agence japonaise de coopération internationale (JICA), pour assister au séminaire final dédié à la validation du Plan directeur de transport urbain de la ville de Kinshasa.
Que le Japon accorde un intérêt particulier à ce document, cela devrait interpeller les dirigeants politiques que l’on accuse de ne pas trop accorder de l’importance à l’amélioration des conditions de vie de la population. C’est comme si ce sont uniquement les organisations internationales qui se préoccupent de services sociaux de base en RDC, déplore un activiste de la société civile.
La validation du Plan directeur des transports urbains à Kinshasa est un long processus qui ressemble à un parcours du combattant. La première réunion du comité conjoint de coordination de ce projet e a eu lieu en 2017. Ce projet a été piloté par une équipe d’experts japonais du groupement des firmes Oriental Consultants Global, Injerosec Corporation, Yachiyo Engineering et Asia Air Survey à la suite de l’appel de la JICA pour la mise en œuvre de l’étude en liaison avec les experts congolais des ministères du gouvernement central et de l’exécutif urbain.
Le projet a été officiellement présenté au gouvernement par l’entremise du ministre des Infrastructures, des Travaux publics et de la Reconstruction le 6 février 2017 en vue de son appropriation. La durée de son étude était bien définie : de mars 2017 à septembre 2018. Et à l’issue de cette étude, un rapport final du consultant devait présenter les projets prioritaires avec des études de préfaisabilité, accompagnées d’un plan programme à moyen terme à l’horizon 2030. Ce programme devait être élaboré sur les prévisions en fonction de la demande en transports pour la ville de Kinshasa, sous une vision à long terme à l’horizon 2040. Selon des experts qui ont travaillé sur ce projet, l’étude de l’élaboration du plan directeur des transports urbains de la capitale a consisté à faire des scénarios de développement spatial en rapport avec le développement polarisé de la situation actuelle selon que la population continue de se concentrer dans la zone de la Gombe et ses cinq communes périphériques, en rapport avec le développement multi-polarisé selon que la population se concentre dans les zones urbaines centrales autour des pôles secondaires.
Le dernier scénario se rapporte au développement de la ville, du pôle de l’Est et du corridor reliant les zones est et ouest selon que le développement du centre-ville et de la zone située à 70 km à l’Est du centre-ville actuel et du corridor reliant les deux zones. Les scénarios d’aménagement des transports urbains consistent en l’aménagement intensif des routes axé sur les réseaux existants et en aménagement intensif des transports en commun suivant la réhabilitation du réseau ferroviaire.
Système multimodal
À la Cellule Infrastructures du ministère des ITPR, les experts renseignent que le Plan directeur des transports urbains à Kinshasa s’inscrit dans le cadre de l’aménagement de l’espace urbain en rapport avec l’évolution démographique galopante et non contrôlée. Il s’agit de trouver une solution en amont contre l’occupation anarchique du sol et de réorganiser le système des transports à travers la ville. Les mêmes experts font remarquer que la croissance économique rapide envisagée engendrera des problèmes d’expansion urbaine galopante, la croissance de la motorisation et le déclin des transports en commun. De ce fait, un Plan directeur des transports urbains est nécessaire pour espérer juguler la crise dans ce secteur.
Côté japonais, on indique que ce projet est l’aboutissement d’une démarche amorcée depuis plus d’une décennie et s’inscrit dans un vaste programme de développement des infrastructures. Les analyses de l’évolution démographique place la ville de Kinshasa parmi les métropoles caractérisées par une population de grande taille, de haute intensité démographique mais à faible revenu.
À cet effet, il est important de fixer les orientations et d’aménager l’espace urbain par la préparation des plans et principes pour le développement des transports en vue d’une urbanisation appropriée de Kinshasa.
Contenu du projet
Le projet vise une étude sur le journal des activités journalières des membres d’un ménage (activités à domicile, à l’école, au travail, etc.), sur leur mode de transport quotidien : le matin, aux heures de pointe et le soir. Le but est d’améliorer le système de mobilité et de transport dans la ville de Kinshasa de manière à l’adapter aux besoins réels et à la portée de la bourse des Kinois. Après la phase test de 50 ménages, la phase ADS (Activity Diary Survey) a porté sur 1000 ménages. Finalement, le projet a été finalisé avec 9 000 ménages réalisés pour toute l’étude. Trois scénarios d’aménagement de la ville de Kinshasa sont contenus dans ce Plan directeur des transports urbains Le comité conjoint de coordination avait retenu le développement alternatif sans mesure de contrôle actif, la répartition de la fonction urbaine le long de la route nationale, RN1, et la répartition de la fonction urbaine le long du corridor de croissance sud de Kinshasa, au titre des scénarios d’aménagement de la ville devant aboutir à l’élaboration du Plan directeur des transports urbains de la capitale.
Les experts japonais avaient indiqué lors de la présentation du rapport sur l’avancement des travaux de ce projet qu’il était question de faire le choix sur les deux derniers scénarios d’aménagement de la ville pour l’élaboration de son Plan directeur des transports urbains. La répartition de la fonction urbaine le long de la RN1 s’avérait moins coûteux que celle de la fonction urbaine le long du corridor de croissance sud de Kinshasa. Le Plan directeur des transports urbains vise à doter la RDC d’un outil directeur de développement pour atteindre l’émergence à l’horizon 2030, pour un produit intérieur brut (PIB) de 4 000 dollars par habitant et rejoindre le club des pays développés d’ici 2050, ce qui portera le PIB par habitant à 12 000 dollars. Plusieurs enquêtes ont été menées, notamment sur la vitesse de circulation, l’inventaire des routes cibles, la revue des politiques, les études et les plans existants et d’autres plans des transports majeurs. Elles ont également porté sur les conditions sociales et économiques actuelles, la population, l’évaluation de la densité urbaine et de la croissance de la population, l’occupation de terres existantes, la structure de l’emploi, les conditions économiques par PIB, le réseau de transports et le processus de révision environnementale.
Engagement du Japon
À l’ambassade du Japon à Kinshasa, on affirme que ce pays s’est engagé à accompagner la RDC dans son développement durable. Selon les experts japonais, le développement économique à travers les infrastructures de qualité est l’un des piliers du développement de l’Afrique en général et de la RDC en particulier. Ils soulignent que le projet d’élaboration du plan directeur des transports urbains de la ville de Kinshasa incarne la philosophie de la coopération japonaise. Pour les experts, la mise en place du projet attirera certainement d’autres bailleurs de fonds pour financer des projets concrets.
Les experts congolais et japonais qui ont travaillé sur le Plan directeur des transports urbains de Kinshasa ont évalué le réseau routier de la capitale à 3 621 km. Selon cette étude, ce réseau comprend 251 km sous la gestion de l’Office des routes, représentant 7 % et 3 370 km, soit 93 % sous la responsabilité de l’Office des voiries et drainage (OVD). Il compte en son sein 70 km, soit 2,1 % des routes primaires, 337 km, soit 10 % des routes secondaires, 278 km, soit 8,2 % des routes tertiaires et 2 685 km des routes locales. Ces dernières représentent plus de la moitié du réseau, soit 79,7 % de l’ensemble du réseau urbain de la ville de Kinshasa
qui dessert près de la moitié du réseau urbain du pays estimé à 7 400 km.
Selon cette étude, le réseau routier de la ville de Kinshasa est loin de couvrir, les besoins des transports pour une population estimée à près de 12 505 000 habitants en 2017 et 26 941 000 habitants à l’horizon 2040, d’après l’estimation de l’Organisation des Nations Unies (ONU) qui tient compte du taux de croissance naturelle de la population. La ville de Kinshasa accuse un déficit en transports urbains qui a engendré des problèmes nécessitant une réponse dans le cadre du Plan directeur des transports urbains de la ville de Kinshasa. Ce déficit est causé par l’urbanisation rapide et non contrôlée, la demande croissante du trafic routier, la trame viaire incomplète, la dépendance à l’égard des transports en commun axés sur les marchés, le flux de circulation sans contrôle, les accidents de circulation, le manque de coordination et les problèmes environnementaux.
L’étude a envisagé, à cet effet, des politiques en termes de solutions susceptibles de résoudre les problèmes posés du déficit en transports urbains citant entre autres, la synchronisation du transport en commun et de l’aménagement urbain, la gestion de la croissance de la demande, l’établissement du système de maintenance et d’exploitation des routes et la voie ferrée. Elle a aussi examiné, le développement du réseau des routes nationales et des voies de circulations, le transport en commun axé vers les clients, l’accessibilité pour tous, la gestion du flux de trafic et de la sécurité, la coordination entre autorité et les organismes de financement pour la mise en œuvre des projets et la réduction des impacts environnementaux négatifs. L’étude a conclu que ces politiques une fois mises en œuvre permettront de soutenir les activités économiques urbaines, d’assurer l’équité dans les transports, d’améliorer la sécurité et la sûreté et de réaliser un transport durable, respectueux de l’environnement. La réalisation de ce projet coûte 32 810 millions de dollars (21.8 millions au titre d’investissement initial et 10.9 millions au titre d’exploitation et entretien. Pour ce qui est de l’investissement initial, les dépenses estimées entre 2020 et 2030 s’élèvent à 9.2 millions et de 2031 à 2040, 12.5 millions. Tandis que, pour l’exploitation et l’entretien, les dépenses s’élèvent à 3.8 millions entre 2020 et 2030 et 7.1 millions entre 2030 et 2040.