LES ÉTUDES de faisabilité pour la construction du pont route-rail sur le fleuve Congo pour relier Kinshasa et Brazzaville sont déjà terminées. Les travaux pourraient être lancés en 2023 pour être achevés en 2028, a indiqué, le 10 mars, Elysée Munembwe Tamukumwe, la vice-1ER Ministre, ministre du Plan. « Le démarrage des travaux de construction du pont route-rail Kinshasa-Brazzaville pourrait intervenir en 2023 au terme d’un processus de structuration et de contractualisation du projet et l’exploitation en 2028 », avait-elle déclaré. Convaincue que « la construction de cet ouvrage offre à la République démocratique du Congo l’opportunité de mettre progressivement en œuvre les autres projets d’infrastructures associés, identifiés comme préalables à l’exécution du pont route-rail ». Il s’agit notamment, de la modernisation du chemin de fer Matadi-Kinshasa, la construction du chemin de fer Kinshasa-Ilebo et la modernisation de la route Matadi-Kinshasa.
Mobiliser 2.5 milliards
La RDC a été présente à la table ronde des partenaires sur le financement de construction des infrastructures de transport en Afrique, du 16 au 19 mars, à Brazzaville. L’objectif a été de mobiliser environ 2,5 milliards de dollars pour la réalisation d’un réseau d’infrastructures permettant de relier RDC à la République du Congo, au Tchad, à la République centrafricaine, au Burundi et à l’Ouganda à travers la construction d’un vaste réseau routier.
Pour rappel, en réponse aux défis d’intégration de l’Afrique centrale, les chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économiques des États de l’Afrique centrale (CEEAC) ont adopté, en janvier 2004, à Brazzaville, le Plan directeur consensuel des transports en Afrique centrale (PDCT-AC). Sur les 55 projets phares retenus dans le cadre du Programme des investissements pour le développement des infrastructures en Afrique (PIDA), quatre concernent directement la RDC.
Il s’agit notamment du Projet de construction du pont route-rail sur le fleuve Congo entre Kinshasa et Brazzaville et du prolongement du chemin de fer Kinshasa-Ilebo; du Projet d’aménagement de la route Ouesso-Bangui-Ndjamena et de la navigation sur le fleuve Congo et ses affluents Oubangui et Sangha; du Projet de construction d’un pont sur la rivière Oubangui, d’aménagement des chaînons manquant dans les corridors routiers Bangui-Kisangani-Kampala et Kisangani-Bujumbura; et du Projet de construction du port en eaux profondes de Banana.
Pour le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), deux grands projets (le pont route-rail et Inga III) en RDC figurent parmi les 16 prévus pour transformer l’Afrique. Ces projets ciblent les secteurs de l’énergie, des transports, de l’eau et des technologies de l’information et de la communication. Le pont Brazzaville-Kinshasa a pour objectif la création d’une liaison ferroviaire entre l’Afrique centrale et l’Afrique du Sud à partir de la RDC. Le budget de son exécution se chiffre à 1,65 milliard de dollars.
Les gouvernements de la République du Congo et de la RDC en sont les principaux sponsors. En janvier, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale évoquait un montage financier de plus de 400 millions de dollars pour la réalisation de la section du projet Pont route-rail, y compris le poste frontalier unique. Et ce, en annonçant l’intention de la Banque africaine de développement (BAD) à débloquer plus de 250 millions de dollars alors que les deux gouvernements s’apprêtaient à mobiliser environ 110 millions. Les 40 millions restants devraient provenir d’autres bailleurs surtout que le mode de financement est le partenariat public-privé.
C’est acquis. C’est définitif. C’est à Maluku, à près de 60 km du centre-ville de Kinshasa, que sera jeté le pont devant relier Brazzaville et Kinshasa, les deux capitales les plus rapprochées du monde. C’est Brazzaville qui assure la direction dudit projet sur injonction du Nouveau partenariat économique pour le développement de l’Afrique (NEPAD). Sur la rive gauche du fleuve, l’on s’interroge encore et toujours sur les retombées socio-économiques d’un tel projet.
Apaiser les ardeurs
L’élite politique Ne Kongo (province du Kongo-Central) redoute particulièrement que la construction de ce pont n’entraîne le naufrage de ports maritimes de Banana, Boma et surtout de Matadi, qui constitue le principal poumon économique du Kongo-Central et est la principale plaque tournante de l’économie nationale. Fin février, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, a procédé à une revue du projet de construction du port de Banana. Le projet paraît être en panne, et il faudra lui donner un coup de fouet. Siméon Munganga, l’ingénieur en charge de la commission de suivi du projet de port en eaux profondes de Banana (CSPPEPB), a fait le point de la situation. À l’issue de la réunion du 27 février autour du 1ER Ministre, il a été décidé de mettre sur pied une équipe technique, qui travaillera sous son contrôle, aux fins d’étudier quelques aspects spécifiques de ce grand projet à soumettre au conseil des ministres.
Pour les ressortissants du Kongo-Central, le projet constituerait un hinterland pouvant rapporter gros pour la province. Dans le Kongo-Central, on a fait de la construction du port de Banana un préalable à la réalisation du projet panafricain.
Pour rappel, la construction du port de Banana devrait se faire en quatre phases, selon l’accord qui a été signé en février 2017. Il s’agit notamment de construire cinq quais d’une longueur de 1 600 m, d’avoir un tirant d’eau de 15,5 m. Le port devra avoir une capacité de 20 MVA et une zone logistique et industrielle. Selon la feuille de route du gouvernement de 2012, la construction du port en eau profonde devrait se faire avec celle du chemin de fer Banana-Matadi.
Une autre convention de collaboration entre l’État congolais et DP World devrait créer un service public dénommé « Port en eaux profondes ». En pratique, il s’agira d’une société concessionnaire commune dans laquelle, contrairement aux concessions classiques, l’État aura 30 % de participation non dilluables au capital social et DP World 70 %. Par conséquent, la société concessionnaire aura, pour la partie congolaise, des mandataires nommés par le président de la République, conformément à la loi n°08/010 du 7 juillet 2008 fixant les règles relatives à l’organisation et à la gestion du Portefeuille de l’État. Selon des sources au ministère des Transports et des Voies de communication, le projet du port de Banana ainsi que des travaux connexes porte sur une mise en concession de 30 ans, avec possibilité de renouvellement de 20 ans. Comme on pourrait le constater, avec cette séance de travail à la primature, le gouvernement semble réitérer son engagement de construire le port de Banana. Le projet remonte à la fin des années 1980.