À l’instar de Bukangalonzo, le projet est porteur de nouvelles perspectives pour le secteur agricole. Conçu comme un partenariat public-privé, il atteindra son seuil de rentabilité en 2023. Le choix du site d’exploitation est dicté par des considérations économiques.
Initialement prévue en avril dernier, l’inauguration de l’usine aura lieu finalement en novembre. D’une capacité annuelle de 230 000 tonnes d’engrais, elle appartient à Triomf RDC S.A, une joint-venture entre l’État congolais et les Sud-Africains d’Africom. Le report de la date de l’inauguration est imputable aux travaux de soubassements de l’usine qui ont été plus durs que prévu en raison de la proximité de la nappe phréatique avec la surface du sol. Les travaux de solidification ont pris plus de temps que prévu a affirmé Martin Lukaya, directeur général adjoint de Triomf.
La construction d’une usine ultramoderne de production industrielle d’engrais chimiques va ouvrir de nouvelles perspectives au secteur agricole national. Malgré un potentiel énorme, avec ses 80 millions de terres arables, la République démocratique du Congo connaît encore l’insécurité alimentaire. En 2014, elle a importé pour 1,5 milliard de dollars de denrées alimentaires. Un gaspillage de devises et d’opportunités sociales (emplois) et économiques (création d’entreprises). Le gouvernement Matata, conscient de ce handicap, a lancé deux projets phares : le parc agro-industriel de Bukangalonzo et Triomf RDC S.A. Le premier se situe dans l’amont agricole et le second dans l’aval agricole. Car les engrais sont les consommables les plus importants dans le domaine agricole. Le déficit en engrais chimiques bon marché, de bonne qualité et en quantité suffisante est une des causes majeures de la faible productivité du secteur agricole congolais. Conséquence : l’insécurité alimentaire. Cette problématique est en voie d’être résorbée grâce à un partenariat public-privé (PPP) entre le gouvernement et Africom Commodities Ltd, qui a vu naître Triomf RDC S.A en octobre 2013. L’investissement pour créer Triomf est de 48 millions de dollars. L’État détient 30% des actions contre 70% à Africom. À part les multiples facilités douanières et fiscales accordées à Triomf par l’État, le gouvernement a aussi déboursé 12 millions de dollars. Son partenaire Africom en a sorti, lui, 36 millions. Le seuil de rentabilité de l’usine devra être atteint après la huitième année, c’est-à-dire en 2023. Cette jeune société, dirigée par le Sud-Africain Nicolas Duplessis, s’est fixé deux objectifs ambitieux. Un : la production des engrais non seulement pour la consommation locale mais aussi pour exporter le surplus. Deux : la réduction sensible du coût d’acquisition des engrais importés, notamment de façon frauduleuse via la localité de Lufu, et la production des cultures de qualité. Dans un premier temps, l’usine produira 500 tonnes d’engrais par an, avant d’atteindre sa vitesse de croisière.
Boma idéalement placée pour la conquête du marché régional
Le choix de Boma comme siège d’exploitation de l’entreprise n’est pas innocent. Sa proximité avec l’océan Atlantique est un atout que Triomf capitalise notamment lorsqu’il s’agit d’importer des matières premières pour son usine. Le coût du transport en est réduit. Triomf, qui vise le marché régional (Angola, Congo-Brazzaville, Cameroun, Gabon…) utilisera également le port de Boma pour exporter plus facilement ses engrais chimiques. L’autre raison majeure dans le choix de Boma, c’est la présence dans cette région de gisements phosphatés. Le phosphate est un élément clé dans la production d’engrais chimiques. Or, on le trouve en abondance dans l’environnement immédiat de l’usine de Triomf. La joint-venture est d’ailleurs en pourparlers avec les autorités congolais pour acquérir des droits sur ces gisements phosphatés. La raison ? Pérenniser son exploitation. Boma a été également choisie pour sa proximité avec la ville pétrolière et gazière de Muanda. Le gaz naturel, qui s’échappe des torchères de la société pétrolière Perenco-Rep et qui brûle inutilement dans le vide, intéresse Triomf pour la production d’engrais chimiques. Ce gaz contient de l’azote, un élément chimique avec lequel on produit du nitrate d’ammonium, essentiel dans la fabrication d’engrais. Triomf et Perenco travaillent déjà pour voir comment finaliser leur partenariat. Pour Perenco, ce sera un bon point de marqué dans la conservation de l’environnement si son gaz est capturé pour servir à la production d’engrais au lieu de polluer la nature.
Retombées sociales palpables
Mais en attendant le développement de Triomf, qui aura besoin d’à peu près 2 mégawatts pour produire ses engrais, le projet a déjà des retombées sociales palpables. La société emploie déjà près de 300 personnes directement et 1 500 indirectement. L’usine produira tous types d’engrais chimiques : les engrais binaires, les engrais composés et les engrais simples. Le lancement de la production mettra un terme aux importations coûteuses d’engrais chimiques. L’autre avantage, c’est l’amélioration de la productivité du secteur agricole : un maximum de rendement dans les cultures pour les agriculteurs avec un minimum d’effets pervers aussi bien sur la santé que sur l’environnement. L’agriculture contribue pour près de 40% au PIB national et soutient plus des deux tiers de la population.