C’est devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) que s’est ouvert le jeudi 17 mai le procès intenté par trois villes européennes contre la Commission européenne sur la qualité de l’aire. La CJUE devra se prononcer sur la recevabilité de leurs arguments. « Permis de polluer », « régression de la législation européenne en matière d’environnement », « trahison de l’accord de Paris »… tels sont les arguments que feront valoir les avocats des villes de Paris, Madrid et Bruxelles. Ces trois capitales européennes tentent d’introduire un recours conjoint contre le règlement européen n°2016/646 portant sur les émissions d’azote des véhicules diesel, qu’elles entendent faire annuler.
Menace de sanctions
Suite à plusieurs rappels à l’ordre, le commissaire à l’environnement, Karmenu Vella, avait convoqué le 30 janvier, les ministres de l’Écologie français, allemand, britannique, espagnol, hongrois, italien, tchèque, roumain et slovaque pour leur adresser un « dernier avertissement » et leur demander de se mettre enfin en conformité avec la directive européenne de 2008 sur la qualité de l’air. Les impétrants avaient jusqu’à mi-février pour présenter les plans d’actions propres à les faire passer sous les fourches caudines concernant les particules fines et le dioxyde d’azote. Bruxelles avait ensuite annoncé des sanctions en mars puis en avril.
Ugo Taddei, avocat de l’ONG ClientEarth, à l’origine de plusieurs plaintes en Allemagne ou au Royaume-Uni, avait déclaré « Rien n’empêche la Commission d’intenter une action en justice. Si elle veut vraiment avoir du poids, il est grand temps de donner suite aux déclarations avec des actions. »
Arroseur arrosé
Mais voilà que c’est la Commission européenne qui se retrouve aujourd’hui sous le feu des attaques portées par plusieurs capitales européennes. Ces dernières lui reprochent, tout en semblant prendre des mesures pour lutter contre la pollution automobile via ce fameux règlement n°2016/646 adopté dans la foulée du Diesel Gate, d’avoir accordé aux constructeurs des délais trop importants pour s’adapter progressivement aux règles RDE en conditions de conduite réelles. Ainsi, alors que la limite de 80 mg/km d’émissions d’oxydes d’azote avait été arrêtée par le Parlement européen en 2007, à compter de septembre 2017, pour les nouveaux modèles et de septembre 2019, pour les nouveaux véhicules, les émissions d’oxydes d’azote pourront légalement dépasser cette limite à hauteur de 110 %.
À partir de janvier 2020, pour les nouveaux modèles et de janvier 2021, pour les nouveaux véhicules, les émissions d’oxydes d’azote pourront toujours dépasser cette limite à hauteur de 50 %. Si les villes obtiennent gain de cause, la limite de 80 mg/km d’émissions d’oxydes d’azote entrera en vigueur mais s’appuiera sur de nouveaux tests sur route.
Le 4 mai, quelque 1 500 citoyens, dont une majorité des Français, cherchant à obtenir réparation suite à l’adoption de ce règlement, ont été déboutés par la Cour de Justice. « Nous avons besoin de l’appui de l’Union Européenne et non pas qu’elle encadre la pollution de l’air. Je suis fière de me tenir aux côtés des maires de Madrid et de Bruxelles et de représenter des millions de citadins des plus grandes villes d’Europe pour dire que nous ne pouvons plus demeurer silencieux », a ainsi déclaré Anne Hidalgo, maire de Paris et présidente du réseau C40 regroupant près de 100 villes engagées dans la lutte contre le changement climatique.
Cette action menée par des villes contre la Commission européenne est une première. « Les villes doivent être les bastions des consciences », a, pour sa part, déclaré Manuela Carmena, maire de Madrid, soulignant que cette action conjointe « révèle le rôle clé que jouent les villes en tant que principaux experts pour ce qui est des problèmes des citadins, ce qui fait de ces villes les principaux garants de leurs intérêts ».
Aux États-Unis, la Ville de New York a engagé une action en justice contre les cinq plus grosses compagnies pétrolières, responsables de 11 % des émissions mondiales de CO2, dont elles chercheraient à cacher des impacts dont elles sont pourtant parfaitement conscientes.