Tshibala concocte un cadre budgétaire triennal d’environ 30 milliards de dollars

Alors que d’aucuns donnent pour éphémère son gouvernement, le 1ER Ministre se voit aux affaires au-delà de 2018. Pour preuve, il peaufine en silence un programme à moyen terme (2017-2019).

Le cadre budgétaire à moyen terme (CBMT) décline, en pratique, les prévisions de  l’ensemble des dépenses et des recettes du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées, du solde qui s’en dégage ainsi que de l’évolution de l’endettement sur trois ans, soit de 2017 à 2019. Le CBMT a non seulement permis de déterminer les plafonds des dépenses et des recettes des institutions, ministères et services publics pour l’exercice 2017, mais a fait également office de cadre des dépenses à moyen terme (CDMT).

La République démocratique du Congo devrait, entre 2017 et 2019, connaître, selon le gouvernement Tshibala, un relèvement de sa croissance économique par rapport à son niveau de 2016. La croissance se situerait à 3,5 % en 2017, 5,5 % en 2018 et à 7,0 % en2019, soit une moyenne de 5,3 % l’an. Les niveaux de l’inflation projetée permettraient de stabiliser le cadre macro-économique dans la durée et de maîtriser les anticipations inflationnistes. Ainsi, le taux d’inflation moyen ne dépasserait pas une moyenne de 8,8 %l’an. Il est également attendu sur la période, une décélération du rythme de dépréciation de la monnaie nationale. Le taux de change moyen passerait, pour un dollar américain, de 1 452,25 francs en 2017 à 1 731,12 en 2018 et à 1 791,07 francs en 2019. La pression fiscale devrait augmenter au rythme de 1 point de pourcentage annuellement sur la période sous analyse. Avec un niveau de 13 % en 2017, elle atteindrait 14 % en 2018 et 15 % en 2019.

Près de 45 mille milliards des dépenses 

Entre 2017 et 2019, les dépenses totales s’élèveraient à 44 723,7 milliards de francs (environ 30 milliards de dollars si l’on se base sur le taux officiel CDF/USD au cours de 3 exercices visés) comprenant les dépenses du pouvoir central à hauteur de 36 312,3 milliards de francs, celles des provinces de l’ordre de 8 101,2 milliards de francs et des Entités territoriales décentralisées (ETD) de 310,2 milliards de francs. Les dépenses courantes se situeraient à 5 493,9 milliards de francs en 2017, 6 523,6 milliards en 2018 et 7 053,8 milliards en 2019. Pour leur part, les dépenses en capital s’élèveraient respectivement à 4 519,8 milliards de francs, 3 570,7 milliards de francs et 4 979,3 milliards de francs pour les mêmes exercices budgétaires.

De 36 312,3 milliards de francs de dépenses totales du pouvoir central,  32 141,3 milliards de francs seraient liés au budget général, 2 845,1 milliards de francs aux budgets annexes et 1 325,9 milliards de francs aux  comptes spéciaux. Les recettes du pouvoir central seraient constituées de 31 947,4 milliards de francs au titre de budget général, de 2 845,1milliards de francs des budgets annexes et de 1 325,9 milliards de francs de comptes spéciaux. Les recettes courantes se situeraient en moyenne à 7 673,4 milliards de francs entre 2017 et 2019, soit 6 166,5 milliards de francs en 2017, 7 681,7 milliards en 2018 et 9 172,0 milliards de francs en 2019.

Comparées au produit intérieur brut (PIB), il se dégagerait une pression fiscale de 13,0 %, 14,0 % et 15,0 %, respectivement en 2017, 2018 et 2019. Quant aux recettes extérieures, elles passeraient de 3 847,3milliards de francs en 2017 à 2 844,7 milliards en 2019, soit une moyenne annuelle de 2 975,7 milliards au cours de la période 2017-2019. Quant aux recettes courantes des provinces, elles s’établiraient, au cours de la même période, à 7.517,9 milliards de francs, soit une moyenne annuelle de 2 506,0 milliards de francs, provenant des recettes à caractère national, des recettes d’intérêt commun et des recettes spécifiques. Les recettes des budgets annexes atteindraient une moyenne de 25,1milliards de francs sur la période susvisée. Alors que les recettes des entités territoriales décentralisées seraient constituées essentiellement de recettes spécifiques qui se situeraient à 310,2 milliards de francs, soit une moyenne annuelle de 103,4 milliards de francs.

L’évolution des recettes et des dépenses dégage un solde global nul en 2017 et des soldes négatifs en 2018 et 2019 respectivement de 156,0 milliards et de 162,4 milliards de francs. S’agissant particulièrement du gouvernement (pouvoir central), le solde négatif se situerait à 1 311,3 milliards en 2018 et 1 365,0 milliards en 2019. Ce niveau de déficit, qui avoisine 0,02 % des recettes courantes en 2018 et 0,05 % en 2019, nécessite un financement à concurrence des mêmes montants pour couvrir l’ensemble de dépenses projetées pour la même période.

Obligation de renouer avec le FMI 

La reprise de l’activité économique attendue par le gouvernement serait tirée par les secteurs primaire et tertiaire. Les industries extractives ainsi que l’agriculture, la chasse, les sylvicultures et  la pêche pour le secteur primaire, alors que  transport, communication  et commerces de gros et de détail composent le secteur tertiaire. La contribution escomptée dans le secteur primaire est tributaire du dynamisme des industries extractives dans l’hypothèse de maintien à la hausse des cours du cuivre et de la reprise de quelques projets miniers de grande envergure, dont KCC, ainsi que de la relance de l’agriculture dans la perspective de la mise en œuvre du Plan national d’investissement agricole (PNIA). Ce secteur sera également boosté par l’entrée en activité de deux nouvelles cimenteries dans la province du Kongo-Central. Il s’agit de la cimenterie PPC Barnet et de la Cimenterie Kongo (CIMKO), dont la production attendue est respectivement de 1 million et 1,2 million de tonnes de ciment par an.

La contribution du secteur tertiaire serait boostée principalement par la branche transports et communication, du fait du développement du trafic routier au niveau national et de la concrétisation du projet de modernisation routier à Kinshasa. Le gouvernement entend aussi  maximiser les recettes pour le financement de son programme à travers notamment le recours à l’emprunt  intérieur et extérieur ainsi qu’au partenariat public-privé. Les efforts du gouvernement vont se polariser sur la réforme fiscale dans le sens de l’élargissement de l’assiette fiscale et de l’allègement de la législation fiscale, aux fins de la rendre plus attractive, et sur la redynamisation de l’administration fiscale… Une attention particulière sera portée sur l’évaluation de la réforme de la TVA, l’augmentation du capital minimum des banques, la création du fonds de garantie des dépôts et des crédits, la création d’un fonds de garantie des assurances et la restructuration de la SONAS, l‘assureur public.

Mais ce n’est plus une révélation, une part essentielle du budget de l’État provient des ressources extérieures. Le recours à l’emprunt extérieur suppose le renforcement de la coopération financière avec les partenaires traditionnels et non traditionnels ainsi que la conclusion d’un programme formel avec le Fonds monétaire international (FMI).

Recours à la planche à billet exclu 

En vue de préserver l’équilibre entre les recettes et les dépenses publiques, et dans le souci d’éviter tout recours au financement monétaire, les dépenses devront être contenues dans les limites des prévisions, lit-on dans le CBMT. Pour ce faire, le gouvernement entend « maintenir la discipline budgétaire, à travers le respect du plan d’engagement budgétaire cohérent avec le plan de trésorerie et la poursuite de la gestion sur base caisse ». Par ailleurs, poursuit le même document, le gouvernement poursuivra la mise en œuvre des réformes visant la maîtrise des effectifs et des masses salariales, le respect des règles de passation des marchés publics et des procédures d’exécution de la dépense publique et la rationalisation des structures administratives.

Le gouvernement s’est aussi engagé au cours de la période 2017-2019, à poursuivre la mise en œuvre des politiques prioritaires retenues dans la planification nationale de développement, notamment celles relatives aux cinq secteurs prioritaires traditionnels dont la santé, l’éducation et l’énergie, aux secteurs à lois de programmation et à grandes réformes ainsi qu’aux secteurs porteurs de croissance. Particulièrement pour 2017, il accordera une priorité aux actions, mesures et projets devant concourir à l’organisation des élections, l’arrêt de la dégradation de la situation économique du pays, l’amélioration des conditions de vie de la population et la restauration de la sécurité des personnes et de leurs biens sur l’ensemble du territoire national. La mise en œuvre de ces priorités en 2017 requiert l’allocation des enveloppes budgétaires aux actions devant permettre de répondre aux priorités du gouvernement ci-haut indiquées.

En son temps, Matata Ponyo a échafaudé un budget quinquennal de 48 milliards de dollars. Mais il redoutait qu’une « crise interne de nature politique » ne réduisît en peau de chagrin l’architecture Ecofin que la RDC a pu s’échafauder au bout d’une longue cure de l’IPPTE (Initiative pays pauvre très endetté). Le succès du cadre budgétaire à moyen terme 2017-2019 pourrait être perturbé par des facteurs exogènes .

Sur le plan externe, des inquiétudes demeurent si la reprise actuelle de l’activité économique mondiale, des cours des matières premières et des produits pétroliers ne s’inscrivant pas dans la durée. Toutefois, selon les estimations du FMI, la croissance mondiale devrait passer de 3,1 % en 2016 à 3,5 % en 2017 ; à 3,6 % en 2018 et pourrait se situer autour de 3,8 % en 2019, grâce à l’affermissement de l’activité dans les pays émergents et les pays en développement.