Le projet de budget du gouvernement pour l’année 2017 est tout sauf une feuille de route financière réaliste. On était sûr que l’Assemblée nationale qui est l’autorité budgétaire, allait le recadrer compte tenu d’un certain nombre de paramètres économiques et sociaux. Que non ! Les députés l’ont adopté sans y apporter des amendements majeurs. Le texte se trouve actuellement au Sénat pour une seconde lecture. Quoi qu’il en soit, le dernier mot revient à l’Assemblée nationale, qui semble avoir choisi le mode passage en force. Dans l’opinion, on ne comprend pas pourquoi le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku Ndjalandjoku, a refusé que le projet de loi amendé par la commission ECOFIN n’a pas été voté article par article comme il est d’usage.
Par ailleurs, le député de la MP, Henri Thomas Lokondo Yoka, a soulevé le vice de forme dans la transmission du projet de loi de finances à l’Assemblée générale par le gouvernement.
Pour Bruno Tshibala, priorité aux dépenses des élections dans le budget. Il consacre près de 17 % de ses ressources à l’organisation des prochaines élections, présidentielle et législative, qui devront se tenir d’ici la fin de l’année selon l’engagement encore réitéré par le chef du gouvernement.
Des élections dont la tenue reste encore hypothétique au vu du contexte politique du pays et en dépit des engagements des autorités. Adopté en conseil des ministres présidé par Joseph Kabila lui-même, le projet de budget est en équilibre, en recettes et en dépenses à un peu plus de 7,800 milliards de dollars. Les prévisions macroéconomiques de la croissance (3,5 %), du taux d’inflation moyen (12,5 %) et du taux de change moyen (USD/CDF = 1 452,25) et de fin période (USD/CDF = 1 688,90), du PIB nominal (47 431,87 milliards FC), pression fiscale (13 %).
Bruno Tshibala a voulu rassurer les députés en leur disant que « ce budget a été bâti avec un souci de réalisme, doublé d’une volonté d’innover. » Il n’a pas manqué de rappeler le contexte politique, socio-économique et sécuritaire dans lequel ont été élaborées les grandes orientations du budget. Sur le plan politique, d’abord, le 1ER Ministre a indiqué que le projet de loi de finances intervient à la suite de la conclusion de l’Accord politique global du 31 décembre 2016, de l’adoption du programme d’action du gouvernement d’union nationale issu de cet accord…
Le projet de loi de finances pour l’exercice 2017 s’élève à 11 301 343 655 581 francs. Il est en hausse de 68,8 %, comparativement à celui de 2016 du gouvernement Augustin Matata. Selon Bruno Tshibala, 1.169 milliards de francs sont prévus pour l’organisation des élections. Bruno Tshibala s’entête à croire que sa copie est réalisable en termes de mobilisation des recettes. « Il faut agir avec détermination et sans complaisance pour moraliser la vie publique, combattre la corruption, éradiquer les crimes, les indélicatesses économiques à travers des sanctions sévères contre les coupables. Il n’y aura pas le développement en RDC dans l’injustice, la corruption et le désordre », a-t-il déclaré.
Alors que l’Assemblée nationale examinait le projet de budget, son président Minaku, recevait le 5 juin une délégation d’experts du Fonds monétaire international (FMI) en mission en RDC. Le chef de cette délégation, Mario De Zamaroczy, a laissé entendre que l’économie de la RDC se portait mal. Selon le chef de division du FMI, Mario De Zamaroczy, il a été question lors de keur séjour à Kinshasa de discuter ensemble sur des « mesures » qui, au sens du FMI, peuvent être prises rapidement pour juguler la crise. D’après lui, il n’est pas question pour le moment d’envisager un appui financier du FMI à la RDC. Il s’agit, a-t-il souligné des « discussions techniques » en vue de faire face aux différents défis qu’éprouve la RDC pays et des « mesures » à prendre en attendant une coopération beaucoup plus renforcée.
L’économie de la RDC en chute libre
La RDC est en rupture de programme avec le FMI depuis novembre 2012. Le FMI reproche à la RDC, notamment l’opacité dans la cession à des privés de certaines concessions minières de la Gécamines. L’économie a décroché en 2016 avec un taux de croissance qui a chuté de 9,5 % (2014) à 2,4 % (2016) en passant par 6,7 % (2015). La baisse des cours des matières premières sur le marché international, ces deux dernières années, a affecté l’économie de la RDC qui dépend principalement de ses exportations de cuivre et de pétrole. Comptant sur la remontée des cours du cuivre et du pétrole en 2017, le gouvernement Tshibala ambitionne de mobiliser jusqu’à 7,8 milliards de recettes au budget national.
À l’analyse, les problèmes fondamentaux de l’économie de la RDC résident non seulement dans sa dépendance à l’exportation des matières premières brutes mais aussi à l’absence de la diversification des sources de revenus et d’une industrie. Le marché intérieur de la RDC dépend des exportations. De même, la production nationale est destinée à l’exportation sur le marché international que le gouvernement ne peut pas contrôler. Ce qui fait qu’au moindre choc sur le marché international, les recettes publiques en pâtissent considérablement. « La situation est grave, cela va très mal. », aurait laissé entendre Mario De Zamaroczy. Pourquoi cet état des choses ?
Premièrement, le choc extérieur suite à la chute des prix des matières premières et deuxièmement, l’impasse politique créée en RDC. À cause de cela, on a assisté à l’effondrement des réserves de la Banque centrale en 2016, avec une inflation de 23 %, la réduction drastique du pouvoir d’achat et l’effondrement des investissements. Trois milliards de dépenses à effectuer par l’État ne l’ont pas été, et pour y remédier il a utilisé tous ses dépôts et a recouru aux avances de la Banque centrale, en violation de la loi relative aux finances publiques. De surcroît, le budget 2017 serait élaboré sur la base des hypothèses totalement irréalistes, auraient confié les experts du FMI en mission à Kinshasa. Par exemple, l’inflation est prévue à 19 % alors que fin avril on était déjà à 12 % et qu’à fin juin on sera à 19 %.
Les prévisions réalistes étant de 45 % pour la fin de l’année. Ainsi le taux de change prévu par le gouvernement est de 1 600 FC le dollar alors qu’il sera à 1 900 ou 2000 à la fin de l’année.
Le gouvernement pense à une augmentation des cours des matières premières alors qu’elle a déjà eu lieu depuis la mi-2016 et qu’elle se stabilise actuellement. Comme la RDC n’a pas accès aux capitaux internationaux, le budget est totalement irréaliste et ne répond en rien aux besoins du pays, ont laissé entendre ces mêmes experts. D’après eux, le gouvernement a aujourd’hui deux options : accumuler les arriérés (salaires, dettes extérieure et intérieure, et cela conduit à l’étouffement de l’économie, ce qui exclut toute croissance. Ou recourir aux avances de la Banque centrale avec comme conséquence l’inflation, la dévaluation, ce qui équivaut à entrer dans un cycle infernal inflation-dévaluation avec des conséquences sociales impactées. Devant l’impasse, le FMI peut aider la RDC, à condition que le gouvernement maîtrise le code minier, en partant au préalable des données réelles. Le budget 2016 a été réalisé à 4,8 milliards de dollars.
Or les prévisions pour 2017 sont de l’ordre de 8,9 milliards de dollars, c’est-à-dire 3,1 milliards d’accroissement ou 64 %, dont l’essentiel proviendrait de l’extérieur (les prévisions sont de 2,7 milliards de dollars).
Alors que faire pour rencontrer les deux causes principales afin de résoudre le choc extérieur et l’impasse politique ? Le choc extérieur ne relève pas du FMI. Quant à l’impasse politique, le FMI peut s’y engager mais à condition de mettre en place le CNSA avec son président, des mesures de décrispation politique et un calendrier électoral clair (opération par opération) et l’engagement irrévocable de s’en tenir à la date prévue pour les élections.