« Ne vous laissez pas abattre ! » Cette injonction, Bruno Tshibala Nzenzhe la répète souvent à ses proches et ses partisans dans la campagne interne qui l’oppose pour le moment à Félix Tshisekedi et aux « combattants » de l’UDPS restés fidèles à ligne pure et dure, qui siège sur 10è Rue Limete. De l’avis de ceux qui gravitent autour de lui, « la ténacité et la détermination absolue » sont les atouts essentiels pour réussir dans cette « mission difficile ». Maintenant que le vin est tiré, il faut le boire.
Mais, mardi 9 mai après-midi, quand les Congolais ont pris connaissance de l’équipe gouvernementale qu’il va diriger, « la réaction de la population lui a sapé le moral », témoigne l’un de ses proches qui était à ses côtés. Alors que jusque-là le 1ER Ministre nommé avait à son avantage le « bénéfice du doute », la publication de son gouvernement a montré un décrochage très net de la plupart de ses soutiens. De l’aveu même de ces derniers, c’est un gouvernement « dominé » par la Majorité présidentielle (MP) où le 1ER Ministre a le beau rôle de « faire valoir ». « Il est mains et pieds liés. », « On lui a donné le poste mais pas le pouvoir. », « Il n’a pas toutes les cartes en main. », patatras. Il est donc entré dans la zone rouge, celle de tous les dangers. Comme le souligne un cadre UDPS, moqueur, « la bulle spéculative autour de Bruno Tshibala a éclaté. Les Congolais se sont rendu compte de la supercherie de la MP ».
« ça va mal. »
De quoi inquiéter sérieusement les « oubliés » du Rassemblement courant Olenghankoy, qui ne se sont pas encore remis de leur déception. Comme pour se donner bonne conscience, les plus optimistes insistent sur la nécessité d’aller aux élections le plus vite que possible. « Les Congolais veulent qu’on aille aux élections. Même si on se fait engueuler à la cité car les gens nous reprochent de ne pas voir la réalité en face, nous ne pouvons pas le laisser seul. Nous devons serrer les rangs autour de Tshibala », confesse un membre du Rassemblement courant OlenghaNkoy, qui convoitait aussi le fauteuil. Les pessimistes leur répondent en écho. « ça va mal ! Il angoisse et il agace », s’énerve un responsable UDPS. « Il y a un doute sur lui. Alors les militants suréagissent », constate un élu de province. « Le rejet est puissant », confirme un autre élu. Au milieu, il y a les réalistes. Ceux qui constatent comme cet autre élu que « les gens ne sont pas contre lui, mais ils ont intégré qu’il peut perdre tout comme réussir. Ils ne sont pas défaitistes. Ce n’est pas un désamour, c’est un constat. » Alors, dans l’opinion, certains en sont à dissocier le « combattant », proche collaborateur du défunt lider maximo de l’UDPS, et le 1ER Ministre pour gérer le pays.
Certains ont commencé à faire tourner les ordinateurs pour tester le nombre de vice-1ER ministres, ministres d’État, ministres et vice-ministres qui « obéiraient » au 1ER Ministre comme un chiot vis-à-vis de son maître. Le résultat confidentiel est accablant : aucun, sauf ses « camarades » transfuges de l’UDPS. Même avec eux, ce n’est pas gagné. Du coup, certains y voient la tentation pour les membres de son cabinet de jouer à chacun pour soi. Samy Badibanga Ntita, ex-UDPS comme lui, l’a appris à ses dépens. Tant pis pour Bruno Tshibala.
« Doutes »
Car ses anciens « camarades » du parti ont la nette impression qu’il a gâché tout seul les « chances » d’arriver au pouvoir par la grande porte au bout d’un combat politique de longue date pour le « changement démocratique » et le « progrès social » dans le pays, celui de l’UDPS. Et ce n’est pas sa présence « maintenant » à la primature, qui modifiera leur perception de la politique et de la démocratie. Même s’ils concèdent que la mort du sphinx de Limete va profondément changer la donne politique à l’UDPS, même s’ils concèdent que Tshibala a attiré vers lui une partie des membres du parti, ils ne peuvent s’empêcher de noter qu’il n’a pas levé les doutes sur sa crédibilité d’homme d’État, à même d’être à la hauteur de la tâche et des défis nationaux de l’heure.
Il faudra donc se mettre à l’opposé de l’« hibernatus » Samy Badibanga Ntita, transfuge de l’UDPS comme lui, qui n’a pas su remonter la pente ni tirer son épingle du jeu. Bruno Tshibala devra donc multiplier les interventions « médiatiques ». Une stratégie qui pourrait d’abord le placer sur la défensive, obligé de réparer les « erreurs » de son prédécesseur, puis sur l’offensive pour dissiper le doute sur sa crédibilité en tant que 1ER Ministre. Et visiblement, Tshibala a un sérieux problème dans ce domaine car il faut aussi convaincre la communauté internationale. « Il doit gagner beaucoup de points importants sur la stature du chef du gouvernement », reconnaît un diplomate, qui doute de sa capacité à rebondir. Car si Bruno Tshibala a cédé à la nécessité de mettre en place un gouvernement « équilibré » (MP-Opposition) dans sa composition, ce diplomate voit mal comment il va faire « légitimer » son programme au pays tout comme à l’extérieur.
« Il est têtu. » « Il n’en fait qu’à sa tête. » C’est un peu la marque de fabrique de l’UDPS ! Ses proches disent qu’il va appliquer les « recettes » de l’UDPS et personne ne va lui faire changer d’avis. Pour eux, il va se tenir à sa « ligne de conduite », ne pas ressembler aux « autres personnalités politiques », et affirmer « sa » différence. Ce qui va faire sa force justement mais pourrait bien être sa faiblesse dans cette dernière ligne droite… vers les élections.
« Humiliation »
« Il ne faudrait pas que sa force de caractère se retourne contre lui, s’inquiète un membre de l’UDPS pro Tshibala. Il ne devrait plus afficher des doutes, sinon il risque de paraître insensible aux conseils et aux difficultés. » À cet égard, Protais Lumbu Maloba Ndiba a twitté : « En copiant Birindwa qu’il avait tant critiqué, Tshibala ne serait-il pas envoûté par un pouvoir agonisant ? » La façon dont a été gérée politiquement et médiatiquement sa nomination se révèle désastreuse. Au lendemain de la nomination, on a commencé à lancer des invectives contre Limete.
Une « humiliation » publique inutile qui a provoqué des relents jusque dans les rangs des « combattants » de l’UDPS. « Les militants se sont sentis insultés. Et ils ont menacé les cadres d’être tous potentiellement des futurs Tshibala, Kapika, Mubake et les autres », s’emporte un cadre de ce parti.