« C’EST maintenant qu’il faut agir, avec plus d’audace, avec plus de volonté. Ma vision pour le long terme est celle d’un Congo plus uni, plus fort, plus prospère. Avec le second mandat, nous allons poursuivre l’action entamée en 2019 et qui a pris son bel élan à partir de 2021 et baliser le chemin vers ce Congo d’avenir. » Cette confidence de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, faite à plusieurs de ses proches, en dit long sur son état d’esprit, cinq ans après être entré au palais présidentiel, et à l’entame de son second et dernier (?) mandat de président de la République. Le président réélu avec un score très confortable (plus de 73 % des suffrages exprimés) est tout feu tout flamme, confiant dans son étoile, avançant avec le sentiment de son infaillibilité. C’est fini. Place à un chef de l’État qui n’est ni tout à fait le même ni tout à fait un autre. Il reste le Fatshi béton de toujours, aimant l’action et le risque.
Mais sa méthode, désormais, devra changer de nature, selon la plupart des aviseurs sur le Congo. Maîtrise de soi, mots pesés, calculs à trois bandes et non instrumentalisation maximale des hommes. « À l’image de son père, Étienne Tshisekedi wa Mulumba, socialiste progressiste, opposant historique, radical, pur et dur, il devra tenter de se découvrir un peu plus, de ne pas entretenir certaines ambiguïtés, de ne pas jouer avec les ambitions, de ne pas ménager les effets de surprise… »
Le tempérament de l’actuel président sera-t-il fondamentalement différent dans son second et dernier mandat ? Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo va-t-il prendre l’habitude de la carotte et du bâton ? « S’il veut réellement entrer dans l’histoire politique de ce pays, il devra certainement prendre exemple sur l’Étienne Tshisekedi, défenseur farouche de la bonne gouvernance et de l’État de droit. Il devra donner une réalité concrète à la vision de le peuple d’abord incarnée par son père, champion de la lutte contre l’impunité et l’immoralité politique… » Place donc au Fatshi cuvée 2024 !
Agacement présidentiel
Impatients, les Congolais demandent à voir. Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo se doit de donner des « signes de fermeté », comme ils le laissent entendre. Signe à l’égard de l’Union Sacrée de la Nation/USN, dont ce n’est plus un secret qu’il ne la supporte plus. « La lune de miel est terminée ». Sous couvert du « off », un des principaux collaborateurs du chef de l’État avoue : « Le président a regretté que des ténors ne se soient pas engagés suffisamment et ne soient pas montés au créneau lors de la campagne électorale. » Traduction : ils lui ont manqué au moment où il était le plus critiqué.
Signe également à l’égard de son propre parti, l’Union pour la démocratie et le progrès social/UDPS dont les agissements des « militants excités » laissent parfois à désirer. « Fatshi ne peut plus le sacquer mais il devra y mettre de l’ordre », confie un ténor du parti qui aura désormais plus de députés à l’hémicycle.
Tous les proches de Fatshi confirment ce constat, qu’il soit ou non injuste. Le résultat est là : le chef de l’État pourra se séparer des uns et des autres sans casse politique. « Il le fera ». Certainement au moment de la mise en place du bureau de l’Assemblée nationale et de la formation du prochain gouvernement, souligne ce proche du chef de l’État. Qui poursuit : « À partir de ce moment-là, tout sera ouvert, question d’efficacité et de discipline ».
Le signe le plus tangible de l’agacement présidentiel s’est incarné en l’invalidation des membres de l’USN qui se sont sabordés lors des scrutins généraux. À partir de ce moment-là, tout serait ouvert question remaniement, y compris un changement au cabinet du président de la République. Mais comme un signe, désormais, ne vient jamais seul, Fatshi devra s’employer à brouiller les pistes. On rapporte qu’il serait aimable comme jamais avec Vital Kamerhe, qui ne se décourage pas dans son espérance de devenir président de la République quand il se regarde chaque matin dans un miroir. Qu’il parlerait de Jean Pierre Bemba Gombo, qui vient de lui faire une bonne campagne, comme d’une carte qu’il veut se garder. Et qu’il mettrait sur la piste des jeunes turcs, à qui il fait miroiter, certes en blaguant – mais qui sait ? – la perspective d’entrer eux aussi au gouvernement.
Les bannis sous le mandat I pourront-ils revenir en grâce ? Fini, alors fini vraiment, le règne des amis, des invités du soir au palais pour partager le dîner, de ceux que le président entraîne des fois dans ses appartements privés pour leur parler en intimes, leur raconter ses projets, sa manière d’envisager l’avenir ? Le jeu en vaut la chandelle. Pour le moment, il semble que le chef de l’État confie des missions, demande des notes, suggère d’organiser des réunions pour donner le la, fait venir des personnes… Le président parle de tout et de rien, encourage les siens à se montrer offensifs et réactifs…
Prisonnier de personne
L’essentiel est acquis : il a brouillé les cartes. Maintenant, il va vouloir remettre les fidèles dans le jeu, il va falloir montrer qu’il est le patron, prisonnier de personne. Mais point trop n’en faut. À chacun de faire ses preuves. « Alors pour Fatshi, l’essentiel est de ne pas se lier les mains, ne pas choisir trop vite, ne rien promettre à qui que ce soit, ou bien à tout le monde. Du François Mitterrand craché… »
Ni tout à fait le même ni tout à fait un autre. Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo devra changer en surface. Il devra se montrer maintenant désagréable en réunion avec les ministres, suivre lui-même la mise en œuvre de ses engagements au lieu de se contenter de donner seulement des instructions. Il devra rester juge de la meilleure méthode pour atteindre ses objectifs, se mettre lui-même en première ligne sur tous les sujets qui fassent président. « L’expérience des joutes électorales devra lui rendre sage ».
Les attentes des populations, tout au long des semaines de la campagne électorale, étaient en effet clairement énoncées et répétitives : « Faites ceci président… plus jamais ça… », lui a-t-on seriné matin et soir par les populations préoccupées par leur vécu quotidien. En regimbant, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo a fini par suivre la consigne populaire. Même s’il ne va renoncer à rien sur le fond, il va certainement faire des concessions sur la forme. « Le patron, c’est lui après tout ». Certes, il va devoir porter, désormais, un regard différent dans la conduite des affaires de l’État, surtout sur certains sujets de société : pouvoir d’achat, chômage, santé, scolarité… De même, il devra être à la manœuvre pour toutes les inflexions concernant son parti l’UDPS et la majorité en gestation au Parlement. En fin de compte et au fond de lui-même, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo devra se réformer, décider du nouveau casting. Cinq ans après être entré au Palais de la nation, il doit avoir beaucoup appris. Sa nouvelle méthode : se mettre lui-même en première ligne sur tous les sujets ; ne plus laisser seul le 1ER Ministre ferrailler.