Un budget de moins de 345 millions de dollars, dérisoire pour la capitale !

Pour l’exercice 2017, le gouvernement provincial de Kinshasa a choisi de ne compter que sur ses moyens de bord. Le montage financier est arrêté à 412 milliards de FC, soit moins de 345 millions de dollars, en équilibre et en dépenses, et ficelé essentiellement sur la rétrocession des recettes nationales, plutôt hypothétique, attendue du gouvernement central.

Le siège du gouvernement provincial de Kinshasa.

L’Assemblée provinciale de Kinshasa (APK), a voté lors de sa plénière du 30 décembre 2016 le budget 2017 de la ville de Kinshasa. De l’avis des experts, ce budget de 412 milliards de francs, soit moins de 345 millions de dollars est dérisoire pour une mégapole de plus de 10 millions d’habitants, selon des estimations les plus sérieuses.  Les députés provinciaux de Kinshasa déplorent que le gouvernement Matata n’ait pas pu tenir ses engagements pour l’exercice 2015. Alors que le budget de la capitale était fixé à 447 milliards de FC, il n’a été exécuté qu’à 19,12 % faute de la rétrocession représentant plus de 80 % du budget de la ville. Le budget 2016 chiffré à 466 009 297 474 francs a aussi souffert  de « la gouvernance particulière de Matata, avec des montants qu’on verra jamais », d’après un élu local proche du gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta Yango.

Forte présomption de détournements 

Ce député évoque aussi l’affaire liée à la colossale somme de 200 millions de dollars, qui aurait été transférée dans le compte de l’Hôtel de Ville à titre de rémunérations des services, mais dont le gouverneur de Kinshasa, toute vérification faite, n’en a jamais perçu le moindre centime. La très sérieuse Cour des comptes va plus loin dans son Rapport général sur le contrôle de l’exécution de l’Édit budgétaire n° 001/2015 du 13 janvier 2015 en vue de la reddition des comptes du budget de la ville de Kinshasa pour l’exercice 2015 ». Dans ce document daté de novembre 2016, la Cour des comptes note que le gouvernement central était sensé avoir réalisé un certain nombre d’investissements, d’autorité, pour le compte de la ville de Kinshasa. Curieux tout de même, les financements des projets réalisés ont été au-delà de ce qui a été prévu.

Par exemple, pour le réaménagement de 24 communes de Kinshasa, il était prévu au budget 5 987 035 000,00 francs, mais  12 698 958 744,99 francs ont été décaissés. Pour la construction de l’école Pululu dans la commune de Selembao, le coût prévu était de 1 210 957 277,00 francs, mais 5 860 957 277,00 francs ont été dépensés. De même pour la construction de l’avenue Kulumba à Limete ; au lieu de 6 221 096 091,00 francs, ce sont plutôt 465 000 000,00 francs qui ont été décaissés. Les exemples sont légion : la construction de la digue Ndanu à Kingabwa a coûté quelque 7 539 669 200,47 francs au lieu de 374 619 000,00 ; l’achat des véhicules City-Train 854 803 550,15 francs au lieu de 256 800 000,00 prévus ; les fournitures et la pose de la couverture métallique et la tribune du stade Tata Raphaël avaient des crédits de 3 381 529 130,00 francs, mais le gouvernement a engagé 279 000 000,00 francs. On peut encore citer le cas de la  réhabilitation des bâtiments pour les services urbains. Montage prévu : 1 612 140 988,00 francs, mais fonds décaissé : 1 568 444 702,40.

Grosso modo, ces dépenses représentent la bagatelle somme totale de 29 257 833 475,01 francs que le gouvernement central est censé avoir décaissé et dépensé pour le compte de la Ville-Province. Mais sur terrain rien : à Kingabwa, le quartier Ndanu est toujours sous la menace permanente d’inondation par les eaux de la rivière N’Djili faute de digue. À Selembao, l’école Pululu est à peine construite. Au stade Tata Raphaël, l’on ne sait pas trop où le gouvernement Matata et le Bureau central de coordination (BCECO) ont posé la couverture métallique sur une tribune… Par ailleurs, la voirie de la capitale se réduit au jour le jour en terres battues à quelques exceptions près.

Les artères qui ouvrent sur le centre des affaires de la capitale, la commune de la Gombe, sont toutes ou presque devenues des ruz, ruisseaux ou carrément des lacs résiduels. Il y a peu, un élu de l’opposition a ironisé, du haut de la tribune de la Chambre basse, parlant des routes en fin mandat…burlesquement parées de monticules d’immondices. Mais au Sénat, on a offert au gouvernement une piste pour redorer, tant soi peu, l’image de marque de Kin-la-belle. Le Premier ministre, Samy Badibanga – puisqu’il s’agit encore de lui – doit en mode urgence mettre 32 millions de dollars à la disposition de l’Office des voiries et drainage (OVD) en vue de la réhabilitation de la voirie de la capitale. En novembre 2016, le gouvernement Matata avait décaissé 45 millions de dollars au profit des importateurs notamment des poulets et chinchards dans la perspective des festivités de nouvel an. Et en retour, les importateurs devaient vendre à un prix à portée du petit congolais les denrées de première nécessité. Raté.

Quelque 25 autres millions de dollars ont été décaissés par l’État au profit des importateurs pétroliers. Dans la partie est du pays, le prix du carburant à la pompe vient de connaître une hausse, alors que les routes se défoncent faute d’entretien par manque de financement. La voirie de la capitale totalise un linéaire de 3 364 km,  soit plus de 40 % de l’ensemble de voiries urbaines de tout le pays (7 433 km). Quelque 679 km des routes de la capitale sont asphaltés. Des bitumes qui tombent en lambeaux à l’image des avenues Luambo (ex-Bokassa), Commerce, en plein centre des affaires, dans la commune de la Gombe. Matata et Kimbuta s’en sont rejeté la responsabilité.

Querelle de clochés

À la primature, Matata a mis en relief l’article 204, point 24 de la constitution : la voirie et les équipements collectifs provinciaux et locaux relèvent respectivement de la compétence exclusive des provinces et des entités territoriales décentralisées. Réponse du berger à la bergère. À l’Hôtel de Ville de Kinshasa, le gouvernement Matata a été accusé de frilosité dans la rétrocession de 40 % des recettes nationales, qui représente pourtant 80 % du budget annuel de la capitale. Et qu’il s’est servi, plus de 4 ans, des frais d’investissements de la ville à sa guise. Rectificatif. « En appui au gouvernement provincial, le gouvernement central intervient dans les voiries et ouvrages de la ville de Kinshasa, en plus des voiries structurantes qui sont le prolongement des routes nationales, partant notamment de la nécessité d’assurer une certaine cohérence dans la fluidité du trafic routier ou selon que le financement provient des ressources extérieures », soutenait Fridolin Kasweshi.

Plan d’aménagement

L’avènement d’un nouveau gouvernement a suscité de l’espoir pour le gouvernement provincial de Kinshasa. L’exécutif urbain espère que les choses vont changer et dit disposer d’un ambitieux plan de réaménagement de la capitale nécessitant au moins 300 millions de dollars l’an sur dix ans. Selon MasterCard, géant mondial des solutions de paiement, Kinshasa occupe la 15ème  place dans le hit des villes africaines – dont le peloton de tête est dominé par Maputo, Casablanca, Lagos et Abidjan – où la croissance inclusive fait du chemin. Lubumbashi est 23ème.

Les deux villes de la RDC peuvent améliorer leurs scores à condition qu’elles relèvent quelques défis, notamment la décentralisation, la réduction de la pauvreté, l’intégration des migrants ruraux, la promotion de la santé, l’éducation, la formation et l’emploi en faveur des personnes déplacées. Par contre la capitale de la RDC ne figure même pas dans le classement « Cities of Opportunity » tablant sur 20 villes africaines et réalisé par le cabinet international de consulting, Price Waterhouse Coopers (PWC). Kinshasa est plutôt avant-dernière parmi les plus grandes 20 villes africaines ayant une certaine attractivité.