Vive polémique à l’Est sur la circulation du billet du cinquantenaire

La confusion est totale dans les grandes villes du Grand Kivu où certains billets de banque n’ont plus, de fait, cours. Les services s’en sont mêlés.

Dans les villes et territoires comme Beni, Lubero, Butembo, Goma dans le Nord-Kivu, ainsi que Bukavu et Uvira dans le Sud-Kivu, les transactions commerciales sont affectées par une vive polémique. Celle-ci porte sur une démonétisation, supposée, de certains billets de banque, notamment le billet de 500 francs, de couleur verdâtre, ou le billet du cinquantenaire de l’indépendance. Comble de tout, même le billet de 5 dollars n’est pas accepté par la population. Du coup, la police, l’Agence nationale des renseignements (ANR) et d’autres services spécialisés ont été mobilisés pour faire respecter la réglementation de change en République démocratique du Congo, a déclaré Jean-Louis Kayembe, le directeur général de la Banque centrale du Congo (BCC) chargé des opérations.  Au marché central de Kadutu, à Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, les services seraient déjà à pied d’œuvre en vue de juguler et d’éradiquer la contagion de la « démonétisation » de certains billets de banque. Les services de sécurité, rapportent des sources généralement bien renseignées, interpelleraient quiconque, dans la ville de Bukavu, se paierait la liberté de refuser tout billet de banque ayant cours légal en RDC.

Des opérateurs économiques indexés

Des opérateurs économiques du Nord-Kivu (Beni, Lubero et Butembo) très impliqués dans la politique, a-t-on appris, seraient pointés du doigt comme instigateurs de la confusion née de cette affaire de démonétisation du billet du cinquantenaire (500 FC de couleur verte) ainsi que des petites coupures de 100 FC et 50 FC. À Butembo, le maire intérimaire de la ville, Godefroid Kambere, a rappelé que seule l’autorité monétaire, donc la BCC, a qualité de déclarer une coupure impropre à la consommation. Dans un message adressé à ses administrés via la radio et la télévision locales, il a accusé, sans les citer nommément, les « ennemis de la paix » d’être à l’origine de cette campagne de démonétisation. Dans le Nord-Kivu, l’on semble être devant une situation de fait accompli.

Suite à une intox plutôt politicienne, selon une source BCC, la population de Goma a, au lendemain du 19 décembre 2016, résolu de ne plus consommer le billet de 500 FC. Comme par effet de domino, les principales agglomérations de l’Est sont tentées, elles aussi, par le rejet de facto de ce billet de banque qui a pourtant cours légal, a rappelé avec force le directeur provincial de la BCC/Nord et Sud-Kivu, Patrice Mulongo. Les responsables des institutions bancaires et de microfinance ont même eu un entretien avec le vice-gouverneur, Feller Lutayichirwa, sur le sujet. Il a redit et confirmé la position de la Banque centrale du Congo, tout en rappelant que toutes les coupures émises par la BCC ont cours légal sur toute l’étendue du territoire national. « Il n’y a qu’une seule autorité qui puisse démonétiser une monnaie, c’est la Banque centrale, sauf avis contraire », a-t-il déclaré. Pour rappel, quelque 20 000 billets de 500 FC de couleur verdâtre, commémoratif du cinquantenaire de l’indépendance de la RDC, avaient été imprimés et mis en circulation le 30 juin 2010. L’Institut d’émission n’en aurait plus imprimé ? Pas si sûr. Sinon que ces billets décatis sont devenus rares dans la capitale.

Dans l’opinion, c’est plutôt l’effet boomerang et même une extension de la mesure de démonétisation qui s’est produit.

Crise de confiance 

Aux dernières nouvelles, même les billets de 50 et 100 FC ne sont plus acceptés dans le train-train quotidien dans la région. Si à Kinshasa, le billet de 1 dollar n’est plus accepté dans les transactions plutôt domestiques, à Goma et dans les villes périphériques, outre le billet de 1 dollar, même celui cde 5 dollars peine à se faire accepter, quand bien même que la Réserve fédérale américaine n’a jamais démonétisé ni l’un ou l’autre billet.

Selon le directeur de la BCC chargé des opérations, seulement 14 % de la masse monétaire circulent dans le circuit bancaire et plus de 4 mille milliards de francs échappent à tout contrôle. Depuis la mise sous gestion de la Banque centrale de la Mutuelle d’épargne et de crédit du Congo (MECRECO), une crise de confiance s’est installée entre les banques et l’opinion publique dans l’Est du pays. Pourtant, Jean-Louis Kayembe avait vite fait comprendre que la mise sous tutelle décidée par la BCC, en sa qualité de régulateur du secteur bancaire et des Coopératives d’épargne et de crédit (COOPEC), n’a  été prise que pour assurer une bonne solidité de cette mutuelle. Que le déséquilibre de la MECRECO est essentiellement lié aux problèmes de gestion, dans la mesure où une quantité importante de devises a été octroyée en termes de crédits et dans des investissements des opérations qui ne rapportent pas beaucoup. Que cette situation a créé le cumul des pertes qui  affectent négativement les fonds propres de la banque. Que l’objectif poursuivi par la BCC est de stabiliser la situation et d’assurer la continuité des activités de la MECRECO.

Le directeur général de la BCC a, par ailleurs, invité  la population de l’Est à faire confiance au système bancaire et financier du pays. D’après lui, la plupart des institutions financières en RDC sont viables en dépit de quelques cas de faillite enregistrés ça et là ces derniers temps. La RDC compte à ce jour 19 banques agréées.