Une conférence de haut niveau se tiendra à Nairobi

Des experts venus de partout se réuniront dans la capitale kenyane du 26 au 28 novembre pour préparer la Conférence des Nations Unies sur les océans de 2020. Celle-ci sera organisée conjointement par le Kenya et le Portugal.

PENDANT trois jours, les experts vont susciter des discussions orientées vers l’action et portant sur une stratégie de l’économie bleue durable, axée sur les personnes et assortie d’investissements dans les océans. Patrick Chaumette, professeur, CDMO Human Sea ERC, explique que cette rencontre donnera aux pays en développement ainsi qu’aux pays développés l’occasion d’examiner les priorités relatives à la mise en place d’une économie bleue durable, les difficultés qu’elle pose et sa contribution à la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, notamment pour ce qui est de la sécurité et de la sûreté maritimes.

À Nairobi, il sera aussi question du rôle innovant que jouent diverses parties prenantes (administrations nationales et locales, secteur privé, société civile, groupes régionaux et sous-régionaux, institutions financières nationales et internationales) en ce qui concerne l’investissement dans l’économie bleue et la définition des moyens durables de son exploitation.

« Monde bleu »

Le « monde bleu », comme on le dit, se compose en Afrique d’un vaste réseau de lacs, de rivières et d’étendues marines riches en ressources naturelles … C’est donc à juste titre que l’Union africaine (UA) qualifie l’économie bleue de « nouvelle frontière de la renaissance de l’Afrique », comme pour souligner qu’elle peut jouer un rôle essentiel dans la transformation structurelle de l’Afrique, la croissance économique durable et le développement social.

« L’approche du développement de l’économie bleue se fonde sur un usage durable et une gestion conservatoire des écosystèmes aquatiques et marins et des ressources qui leur sont associées. », fait comprendre Carlos Lopes, le secrétaire général adjoint des Nations Unies, et secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique. D’après lui, il s’agit donc d’envisager l’économie maritime, en prenant en compte les grands lacs africains. 

« L’économie bleue en Afrique concerne toutes les étendues d’eau et les rives, qu’il s’agisse des océans et des mers, des côtes, des lacs, des cours d’eau et des nappes souterraines. Elle implique une série d’activités économiques telles que la pêche, l’aquaculture, le tourisme, les transports, la construction navale, l’énergie, la bio-prospection et toutes les filières du secteur minier sous-marin », explique-t-il. Et de préciser qu’il ne faut pas confondre cette économie bleue, liée à l’océan et au littoral, avec « l’économie bleue » de Gunther Pauli. 

L’économie bleue s’appuie sur la gestion intégrée des zones côtières (GIZC). Cette méthode est centrée sur l’écosystème et intègre les principes du développement durable énoncés dans le rapport des Nations Unies « Une Économie verte dans un Monde bleu ». Le rapport prend en compte les trois piliers (environnemental, économique et social) de la durabilité mis en exergue dans le document final de Rio+20, « L’Avenir que nous voulons » (2012), ainsi que le programme quinquennal d’action des Nations Unies 2012-2016.

L’Afrique de l’Est en avance

Le comité intergouvernemental des experts (CIE) du Bureau sous-régional de l’Afrique de l’Est de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique avait tenu sa 19è session en mars 2015 à Tananarive (Madagascar), sur le thème « Exploiter l’économie bleue pour le développement de l’Afrique de l’Est ». La réunion avait appelé les pays africains à intégrer dans toute la mesure du possible l’économie bleue dans leurs stratégies de développement nationales et régionales. L’Afrique est abondamment dotée en ressources naturelles – biologiques ou non – telles que l’eau, la flore et la faune, y compris ses stocks de poissons, les minéraux et les hydrocarbures. 

Pour rappel, 38 des 54 pays africains sont des États côtiers. Les zones maritimes sous juridiction africaine s’étendent sur quelque 13 millions de km², y compris les eaux territoriales, les zones économiques exclusives (ZEE), et un plateau continental d’environ 6.5 millions de km² (dont l’exploitation est placée sous la juridiction des États côtiers attenant). Le continent dispose ainsi de vastes ressources océaniques susceptibles de contribuer au développement durable des États africains. Les lacs d’Afrique ont par ailleurs une superficie d’environ 240 000 km².

La réflexion est ambitieuse. Par son caractère multisectoriel, l’économie bleue ouvre un champ idéal pour concevoir des incitations et de nouveaux instruments politiques qui pourront orienter les différents secteurs avec une politique commune de synergies et d’arbitrages. Le cadre réglementaire donnera l’occasion à des partenariats publics-privés (PPP) de favoriser l’inclusion sociale ainsi que la protection, la conservation et une exploitation durable des ressources aquatiques et marines. 

Pour les experts, les pays africains ont ainsi l’occasion d’utiliser la Planification de l’espace maritime, un processus intégré, évolutif et participatif. L’économie bleue offre une occasion de renforcer les partenariats et coopérations, concernant par exemple la délimitation des espaces marins entre les États, la prévention des violences en mer et actes de piraterie en haute mer. Il est nécessaire d’intégrer le changement climatique et la durabilité environnementale dans les réflexions. Le carbone bleu correspond au carbone stocké et piégé dans les habitats forestiers bleus (mangroves, herbiers marins, marais intertidaux, lits et forêts de varech).

À l’échelon national et au-delà de la rationalisation des cadres juridiques régionaux et internationaux, les experts pensent que l’on peut envisager la création d’un ministère de l’Économie bleue, d’une institution du même type ou d’une unité en charge de la coordination qui aurait pour mission de favoriser l’adoption d’une stratégie de l’économie bleue au service du développement national et sectoriel. La multiplicité d’instruments ambitieux mais sans caractère obligatoire – à l’instar du document final de la Conférence de Rio+20, de l’Agenda 2030 pour le développement durable, de l’Agenda 2063 de l’UA, de la Stratégie AIM 2050, des Orientations de Samoa ou du Plan d’action d’Addis-Abeba pour le financement du développement – sont autant d’occasions pour les États africains d’intégrer de maniéré concertée les principes du développement durable et d’autres dispositions pertinentes dans leurs cadres règlementaires et politiques au service de l’économie bleue. Sans oublier tous les instruments facultatifs et sectoriels dont les États membres peuvent intégrer certaines dispositions dans leurs politiques et lois nationales.