Une mise à jour du patrimoine pétrolier et gazier sur fond de défis à relever

Une revue initiée par le ministre des Hydrocarbures a permis d’identifier les concessions ainsi que les blocs pétroliers et gaziers libres ou ayant déjà fait l’objet d’attribution à ce jour. Reste à la matérialiser et organiser les appels d’offre. Coût de l’opération : 1.25 million de dollars. Le Conseil des ministres a donné son quitus le vendredi 8 mai.

L’OPÉRATION va consister à délimiter et/ou identifier les blocs pétroliers et gaziers pour réunir et actualiser les données techniques, a indiqué Rubens Mikindo Muhima, le ministre d’État, ministre des Hydrocarbures. À ce stade, quel est l’état de la situation ? De l’avis des experts, la République démocratique du Congo a le potentiel pour se hisser au rang des pays producteurs de pétrole qui comptent sur le continent, pourvu qu’elle le valorise. 

État des lieux 

C’est en vue de l’émergence à l’horizon 2030 que le gouvernement Matata avait prévu en 2012 de relancer et/ou, selon le cas, développer les secteurs économiques clés (agriculture, énergie, mines, hydrocarbures et gaz, télécommunications et nouvelles technologies de l’information et de la communication, forêt, environnement et tourisme) et de les réformer afin d’améliorer leur contribution à la formation du Produit intérieur brut (PIB) et les revenus du pays. 

Dans le secteur des hydrocarbures, la RDC regorge d’énormes potentialités peu exploitées à ce jour. Selon les renseignements du ministère des Hydrocarbures, toutes les 26 provinces du pays sont minières et pétrolières, excepté deux provinces où les indices ne sont pas encore prouvés. Les lacs Tanganyika, Moero et Upemba regorgent d’importantes ressources pétrolières. Le lac Kivu renferme d’énormes ressources gazières. À cela s’ajoutent les réserves pétrolières des Grabens Albertine et Semuliki, de la côte maritime et de la cuvette centrale. Cependant, le pays n’arrive pas à attirer des compagnies solides pour développer ce secteur, notamment par manque de financement pour la prospection des ressources pétrolières. Depuis 1970, la production pétrolière nationale a officiellement oscillé entre 11 000 et 22 000 barils/jour. L’objectif du gouvernement Matata était de porter cette production à 30 000 barils/jour, et d’entamer celle du gaz naturel sur le lac Kivu. Le niveau actuel de la production nationale reste largement en-deçà des potentialités. En fait, le pays devrait produire 1 million de barils/jour, voire plus, selon certains spécialistes. 

Le plan quinquennal 2012-2016  s’est fixé pour objectifs notamment d’accélérer la prospection, la cartographie et la mise en valeur de l’ensemble de bassins sédimentaires du pays ; démarrer la production du gaz naturel par la mise en exploitation du gisement du lac Kivu; démarrer la production des biocarburants ; accroître les capacités de transformation en construisant notamment une raffinerie moderne à l’Ouest et en réalisant des études de faisabilité d’une autre dans l’Est du pays. 

Depuis, le discours politique est : la RDC a besoin de Majors pour l’exploitation et la rentabilisation de ses ressources pétrolières et gazières, en vue de leur participation significative au budget national, à l’instar de celle du secteur minier. Les objectifs ont été chiffrés : accroître la production pétrolière de 21 000 à 225 000 barils/jour et le volume de pétrole raffiné à 100 000 barils/jour. Pour atteindre ces objectifs, il est question, depuis 2015, année de promulgation du code des hydrocarbures, de renforcer les campagnes de pré-exploration et d’exploration pétrolières proprement dites sur l’ensemble des bassins sédimentaires, à savoir le bassin côtier, le bassin de la cuvette centrale, le bassin du Graben Albertine et celui du Tanganyika, sans oublier les sous-bassins du lac Upemba et du lac Moero, en vue d’accroître le cluster des données pétrolières et gazières, ainsi que de contribuer à l’amélioration des connaissances des bassins sédimentaires.

La feuille de route gouvernementale prévoyait également la construction d’un réseau de gazoducs reliant les zones de production aux points d’exportation ainsi qu’un réseau national de pipe-lines ; l’exploitation du gaz du lac Kivu et la valorisation du gaz brûlé à la torche à Muanda… En 2019, le gouvernement Tshibala a prévu de procéder à la certification des réserves pétrolières et gazières, avec un budget de quelque 32 millions de dollars. 

Dynamique régionale

Le contexte s’y prête. Les États de l’Afrique subsaharienne lorgnent du coin de l’œil les perspectives mondiales dans l’exploitation pétrolière. Selon des observateurs, l’Afrique sera le nouveau point chaud de l’exploration mondiale et parviendra à attirer les investissements nécessaires dans ses zones pétrolières et gazières. Ils pensent que les appels d’offre actuels sur les principaux marchés des hydrocarbures africains, existants et nouveaux, devraient confirmer davantage cette position géostratégique. 

En effet, le Gabon, la République du Congo, l’Angola et le Nigeria qui ont déjà appréhendé cet enjeu mondial sur l’Afrique, ont pris une longueur d’avance sur la RDC. Ces pays qui sont membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et partenaires (OPEP+), ont lancé des appels d’offre, lesquels devaient s’achever en 2019, pour le Gabon et la République du Congo, et en 2020, pour l’Angola. 

La RDC qui dispose d’un nouveau code des hydrocarbures, depuis 2015, est censée être en bonne posture pour attirer des investisseurs potentiels. Qu’il s’agisse du bassin côtier, des Grabens Albertine et Semuliki ou de la cuvette centrale, la RDC dispose d’importants gisements de pétrole identifiés : plus de 4 milliards de barils, des millions de m3 de gaz, par exemple, dans le seul bassin de l’Ouest. Au niveau du 2è bassin, la cuvette centrale, avec 800 000 km² de superficie, les études de sédimentations pour déterminer les réserves pétrolières ont commencé il y a quelques années. Dans les bassins des Grabens Albertine et Semuliki, du lac Kivu et du lac Tanganyika, l’exploration a à peine commencé. 

Selon les données du ministère des Hydrocarbures une vingtaine de blocs pétroliers sont à explorer pour l’ensemble du Graben Tanganyika, dont onze sont déjà coupés. Les Zambiens en ont trois, les Burundais trois et les Tanzaniens en ont deux. Donc la RDC devrait en avoir 3 blocs. À propos du Graben Albertine, aurait cédé ses intérêts à des particuliers. Les blocs I et II ont été confiés à la société Oil of DRC, filiale du groupe Fleurette appartenant à Dan Getler. 

Pour rappel, le milliardaire israélien est au centre d’une vive controverse sur ses activités en RDC. Considéré comme un proche de l’ancien président Joseph Kabila Kabange, Dan Getler est accusé d’avoir acheté des licences minières à prix cassés, avant de les revendre à des compagnies internationales au prix du marché, réalisant au passage une faramineuse plus-value. Oil of DRC soutenait avoir investi plus de 80 millions de dollars pour l’exploration pour pouvoir exploiter les blocs I et II du lac Albert. 

Les études sismiques ont coûté plus de 20 millions de dollars, selon Oil of DRC. Elles font état d’une réserve de 3 milliards de barils de pétrole. Un gisement qui pourrait être de même ampleur du côté ougandais du lac Albert, où, grâce à Total, l’exportation de brut devrait commencer après la construction d’un pipe-line débouchant sur l’océan Indien. Le résultat de ces tests sismiques « montrent des ressources potentielles considérables qui peuvent augmenter fondamentalement le PIB de la RDC si elles sont extraites et exportées de façon sûre et économique », renseignaient les dirigeants d’Oil of DRC. Pour nombre de spécialistes, la RDC est un géant pétrolier et gazier qui s’ignore.