La gestion des déchets solides et dangereux en RDC est un problème sérieux. Leur collecte, leur stockage, leur transport et leur élimination ne préoccupent pas les pouvoirs publics. Pourtant, les solutions existent bien.
«L’insalubrité est l’un des cinq problèmes majeurs de Kinshasa et du reste du pays. Le constat est sans appel : pas de stations de traitement, ni de décharges aux normes. Les sites de ramassage de déchets, disséminés au bord des routes ou en plein milieu des quartiers, sont des véritables foyers d’insalubrité avec un grand impact sur la santé publique, déplore Léonard Kamenga Lungoy», chercheur en environnement à l’université de Kinshasa. Rendre propre la capitale requiert d’importants moyens financiers, selon certains spécialistes du milieu urbain, qui soulignent toutefois que cela ne doit pas être une excuse pour les responsables politiques.
Où trouver du cash ?
Le coût estimatif d’investissement pour le recyclage de déchets est évalué à 15,2 millions de dollars, dont 9,3 millions pour l’achat d’engins et véhicules de ramassage, et 5,9 millions pour l’aménagement des décharges publiques. Ces chiffres ont été avancés sur la base des études d’impact réalisées en 2008. Et elles n’ont pas fait l’objet d’actualisation, regrette un expert. Mais où trouver de l’argent ? Ces études d’impact ont retenu deux sources : le financement extérieur et la taxe «qui pollue paye». Du côté de l’Hôtel de ville de Kinshasa, on a cru que le financement de l’Union européenne (UE) de l’ordre de 22 millions d’euros, accordé en 2008, était arrivé à point nommé. Mais l’on continue de miser surtout sur la participation des Kinois au programme d’assainissement de leur ville. « C’est du civisme. L’on doit apprendre à payer la taxe de pollution et d’assainissement », soutiennent les spécialistes. Parmi les taxes à imposer à la population, le gouvernement provincial de Kinshasa a institué la redevance « collecte à domicile », la redevance « eau usée », la taxe de pollution, la taxe de gestion de décharges, etc. Tout l’argent généré par ces différentes impositions devrait être logé dans une caisse dénommée « Fonds urbain d’assainissement ». S’il n’existe pas encore, il doit être créé. Par ailleurs, le gouvernement provincial a interdit – sans vraiment interdire – la fabrication de sachets en plastique servant à l’emballage et dont l’usage abusif dégrade le sol pour plusieurs siècles. L’insalubrité généralisée dans la capitale résulte d’une mauvaise planification et de l’incapacité à contrôler le mouvement des personnes vers la capitale et la croissance démographique.
Rentabiliser les déchets
À Kinshasa, plus de 320 tonnes de déchets sont mensuellement jetés dans la nature. Pourtant, ils peuvent générer d’importants revenus et, ainsi, contribuer utilement au budget de la ville, estime le député Musa Kalupata Mugeni, spécialiste de l’environnement. Pour lui, à Kinshasa, 3,5 millions de personnes sont capables de produire des déchets de tous genres : sachets de biscuits ou bonbons, cartes prépayées, sachets d’emballage, déchets de cuisine, résidus d’épices, restes de nourriture, déchets de toilette, déchets électroniques et électroménagers, habits usés, déchets de marché, etc. Il relève qu’environ 500 000 tonnes de déchets biodégradables, moyenne annuelle, ne sont pas recyclées. Ce qui favorise la recrudescence des maladies respiratoires ou des maladies qualifiées de « mains sales » et la pandémie de la malaria. Et il tire la sonnette d’alarme en affirmant que, dans une dizaine d’années, la capitale va ressembler à une immense poubelle à ciel ouvert.
Comment inverser la tendance
Musa Kalupata Mugeni souhaite qu’une partie des déchets biodégradables, au moins 300 tonnes, soit recyclée pour servir comme engrais dans l’agriculture et l’élevage. « En traitant 300 tonnes de déchets par le séchage, on produirait environ quelque 200 tonnes de composts plus nutritifs que les engrais chimiques pour notre agriculture », argumente-t-il. Pour lui, c’est une source financière sûre : «Si nous vendons aux autres le kilo de compost à 5 dollars, on aura plus de 1 million de dollars par mois rien que pour la ville de Kinshasa». Pour leur part, les ONG de la capitale recommandent de changer la donne en la matière. Irritées par la présence de sachets et autres déchets non recyclables, elles font du lobbying en vue d’une bonne gestion des déchets. La plupart d’entre elles étaient financées par l’Union européenne jusqu’à récemment ou par la Coopération technique belge (CTB) dans le cadre du programme Haute intensité de la main d’œuvre. De 2008 à 2015, l’UE a appuyé Kinshasa dans le cadre d’un programme d’assainissement. Cet appui financier a servi à la réalisation de travaux de curage des caniveaux, de traitement des déchets solides et d’évacuation des immondices.
Recyclage des ordures ménagères
Avec le concours de la Coopération technique belge, l’Hôtel de ville s’est doté d’un plan de recyclage des ordures ménagères et autres déchets qui rendent la capitale insalubre depuis des lustres. Selon les initiateurs du programme, le recyclage de déchets peut constituer une source importante de revenus pour Kinshasa. Des études qui ont été menées à cet effet montrent qu’il faut à peu près 2 milliards de dollars pour assainir complètement la capitale. Pour l’instant, tout manque : équipements, matériel pour le ramassage de déchets, etc, pour mener à bon port cette activité, dans une ville où la production journalière de déchets est estimée à 2 200 tonnes. Les déchets ramassés doivent être compostés et broyés (prétraitement) en vue d’être utilisés dans les sites maraîchers comme engrais. Pour cette opération, l’Hôtel de ville a identifié huit sites où devraient être installées des décharges publiques. La localité de Mitendi, dans la partie ouest de Kinshasa, a été choisie pour être la destination finale de tous les déchets récupérés à travers la capitale.
Une ville vieillissante
Le gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta Yango, avait fait de la problématique de la salubrité un chapitre important de son action. Des poubelles et des décharges publiques ont été ainsi installées à travers la ville. Mais, pour certains Kinois, tout cela n’a été que démagogie. Sans entrer dans les considérations physiques de cette ville vieillissante, transformée en champ de ruines, Kinshasa ne répond plus, de l’avis de plusieurs observateurs, aux exigences de développement et de modernité d’une capitale.