Ce qu’il faut savoir sur les accords de Bâle

Chacune des recommandations du Comité de Bâle comporte de multiples dimensions, jugées nécessaires à un moment donné. Toutefois, elles s’articulent toutes autour d’un outil principal : le ratio de fonds propres qui est le grand principe posé par Bâle I.

LE COMITÉ de Bâle ou Basel Committee on Banking Supervision (BCBS) vise à assurer la stabilité et la fiabilité du système bancaire et financier à travers l’établissement des standards minimaux en matière de contrôle prudentiel, la diffusion et la promotion des meilleures pratiques bancaires et de surveillance ainsi qu’à travers la promotion de la coopération internationale en matière de contrôle prudentiel. Le Comité de Bâle a été créé fin 1974 par les gouverneurs des Banques centrales du G10 (Allemagne, Belgique, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse). Il était initialement appelé le « Comité Cooke », du nom de Peter Cooke, le directeur de la Banque d’Angleterre qui avait été un des premiers à proposer sa création et fut son premier président.

Le Comité de Bâle se compose aujourd’hui des représentants des Banques centrales et des autorités prudentielles de 27 pays : aux onze premiers se sont ajoutés le Luxembourg et l’Espagne, rejoints par l’Australie, le Brésil, la Chine, la Corée, l’Inde, le Mexique et la Russie en mars 2009, puis Hong Kong, Singapour, l’Afrique du Sud, l’Arabie Saoudite, l’Argentine, l’Indonésie et la Turquie en juin 2009. Le secrétariat général du Comité de Bâle est hébergé par la Banque des règlements internationaux (BRI) à Bâle. Le Comité de Bâle se réunit généralement quatre fois par an. Historiquement, les travaux du Comité de Bâle ont abouti à la publication de trois grands accords : Bâle I en 1988, Bâle II en 2004 et Bâle III en 2010.

La création de ce comité en 1974 fait suite à un incident survenu lors de la liquidation de la banque allemande Herstatt, qui eut un effet domino sur d’autres banques. Le Comité se concentra sur le risque de crédit. En 1988, Bâle I a imposé d’avoir un ratio minimum de 8 % entre ces deux indicateurs (les fonds propres dont dispose une banque et les risques qu’elle porte sur les marchés ou sous forme de crédits à ses clients). 

Renforcer la résilience

En 1996, une révision de l’Accord intègre les risques de marché en complément du risque de crédit. Bâle II, en 2004, est une adaptation de ce principe à la complexité des évolutions du métier bancaire. Il a notamment cherché à définir un cadre plus complet dans l’appréciation des risques bancaires réels, à rapprocher le capital réglementaire du capital économique, et à inciter au développement d’un modèle interne de gestion des risques. L’approche de Bâle II se veut donc à la fois plus réaliste et plus fine que celle de Bâle I. Enfin, Bâle III est censé adapter la régulation du système bancaire à la suite de la crise de 2008.

Ces changements ont pour objectif de renforcer la résilience du secteur bancaire : renforcer la solvabilité des banques, développer une surveillance de la liquidité, améliorer la capacité du secteur bancaire à absorber les chocs résultant des tensions financières et économiques, et réduire les risques de débordement vers l’économie réelle. Les banques soutiennent le principe des ratios harmonisés fondés sur les risques et reconnaissent, au-delà de leur utilité, la nécessité d’imposer de telles normes, comme autant de garanties de la stabilité financière mondiale. 

Toutefois, pour être véritablement efficaces, ces normes doivent répondre à deux exigences : une bonne calibration des ratios pour ne pas entraver la capacité de prise de risque des banques – ce qui constitue leur rôle dans le circuit économique – donc la croissance ; une mise en œuvre homogène dans tous les pays, de façon à garantir un level playing field et une concurrence loyale entre les établissements des différents pays, mettant fin à la pratique des arbitrages réglementaires.

L’Accord de Bâle de 1988 a placé au cœur de son dispositif le ratio Cooke, imposant que le ratio des fonds propres réglementaires d’un établissement de crédit par rapport à l’ensemble des engagements de crédit pondérés de cet établissement ne puisse pas être inférieur à 8 %. Cela signifie que lorsqu’une banque prête 100 euros à un client, elle doit disposer d’au minimum 8 euros de fonds propres et utiliser au maximum 92 euros de ses autres sources de financement tels que dépôt, emprunts, financement interbancaire, etc. L’accord définissait les fonds propres réglementaires et l’ensemble des engagements de crédit. 

Au numérateur du ratio : fonds propres réglementaires au sens large. Outre le capital et les réserves (fonds propres de base), peuvent être inclus dans les fonds propres réglementaires les fonds propres complémentaires considérés comme du « quasi-capital », comme les dettes subordonnées (les dettes dont le remboursement n’intervient qu’après celui de toutes les autres dettes). Au dénominateur du ratio : engagements de crédit. L’ensemble des engagements de crédit de la banque était visé, avec toutefois certains aménagements.

Certains crédits étaient pondérés à des valeurs inférieures à 100 % selon la nature/le type du crédit ou de la contrepartie. Ainsi, certains crédits étaient pondérés à 50 % (crédits garantis par une hypothèque), 20 % (contrepartie bancaire, organisme international ou État non-OCDE) ou même 0 % (contrepartie = État OCDE). Certains engagements, tels les engagements à moins d’un an, n’étaient pas repris dans les engagements de crédit.

Les limites de l’Accord

L’accord ne contient que des recommandations, à charge de chaque autorité de régulation de les transposer en droit national et de les appliquer. Dans l’Union européenne (UE), l’accord a été transposé par la directive 89/647/CEE du 18 décembre 1989 introduisant le ratio de solvabilité européen. Les accords de Bâle I ont également été appliqués aux États-Unis, au Canada, en Suisse, au Japon, etc. et sont actuellement appliqués dans plus d’une centaine de pays.

Il est rapidement apparu que Bâle I n’était qu’une étape sur le chemin de la régulation bancaire. Tout d’abord, la pondération des engagements de crédit était insuffisamment différenciée pour rendre compte des différents niveaux effectifs du risque de crédit. Ensuite, les années 1990 ont vu l’émergence d’un phénomène nouveau, à savoir l’explosion du marché des produits dérivés et donc des risques « hors-bilan ».

Ceux-ci furent traités en 1996 dans l’Amendement à l’Accord de Bâle de 1988, imposant la prise en compte des risques de marché (risque de taux, risque de change, risque sur actions, risque sur matières premières) et des risques liés aux flux des postes du hors bilan et des produits dérivés. L’Amendement de 1996 permet aux banques d’utiliser soit une approche standard, soit leurs modèles internes. Mais bien qu’aménagé, il devint rapidement évident qu’une refonte de l’Accord était nécessaire, ce que le Comité de Bâle a réalisé à partir de 1999, débouchant sur un deuxième accord en 2004 : Bâle II.

Le nouvel Accord prudentiel de Bâle de 2004, ou « Bâle II », visait à mieux évaluer les risques bancaires et à imposer un dispositif de surveillance prudentielle et de transparence. Le ratio Cooke présentait une approche quantitative (la principale variable prise en compte au dénominateur du ratio était le montant du crédit distribué) : la qualité de l’emprunteur était négligée, et donc le risque de crédit qu’il représente.

Après 5 ans de consultations et 3 études d’impact successives, le Comité de Bâle a donc proposé un nouvel ensemble de recommandations, avec une mesure plus fine du risque de crédit, et a introduit dans le calcul, à côté des risques de crédit et de marché, les risques opérationnels.