Engagements pro-pauvres, à tâtons et à reculons

Le budget est aussi une affaire de crédibilité de l’État. Et la RDC jouerait la sienne plus d’un lustre après qu’elle s’est engagée dans des initiatives internationales sur le budget des secteurs dits pro-pauvres.

AU MOINS 15 % du budget de l’État devraient être consacrés à la santé publique, selon la Déclaration d’Abuja, 15 % du budget alloués à l’éducation selon la Déclaration d’Icheon et 10 % à l’agriculture selon le Protocole de Maputo. La République démocratique du Congo a souscrit librement et souverainement à tous ces engagements internationaux sans jamais les respecter, déplorent des experts, alors que l’avant-projet de loi sur le budget 2020 en gestation n’annonce guère apporter des innovations. 

Il y a une année, jour pour jour, le même check-up du budget de l’État a été fait par des associations de la société civile (dont Action citoyen pour le développement intégral du Congo, Association des femmes juristes du Congo, Syndicat des agents et fonctionnaires de l’État) lors d’une réévaluation du budget 2018. Outre les engagements précités, des experts rappellent également que la RDC a intégré le New Deal depuis février 2012. 

Solidité économique

Les principaux objectifs du New Deal sont, en effet, les fondements économiques solides, revenus adéquats et services fiables sur fond de légitimité politique, sécurité, justice. Mais la RDC y va également à tâtons et à reculons. 

Pourtant, il y a 5 ans, le pays avait, en accord avec le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) organisé à Kinshasa un atelier régional (Afrique) sur le New Deal auquel prirent part des experts du gouvernement, des acteurs de la société civile, du secteur privé ainsi que des partenaires au développement en RDC, en vue d’élaborer une feuille de route de mise en œuvre des engagements, à même de permettre à la RDC de tirer profit du New Deal et d’une gestion repensée de l’aide au développement. 

Il sied de rappeler que le New Deal pour l’engagement dans les États fragiles est un accord international passé entre les États en situation de fragilité et de conflit, les partenaires au développement et la société civile pour améliorer la politique de développement et les pratiques actuelles dans les États fragiles et touchés par un conflit. Le New deal a été développé grâce au Dialogue international et ratifié par plus de 40 pays et organisations lors du 4è Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide, le 30 novembre 2011, à Busan, en Corée du Sud. Revenus et services Les partenaires au développement se sont, en effet, engagés à soutenir des plans de développement appropriés et une plus grande efficacité de l’aide dans les situations de fragilité (les principes TRUST). Et les gouvernements du G 7+ la Russie, de leur côté, se sont engagés à suivre des processus de planification inclusifs et fondés sur le contexte (les principes FOCUS). Les deux parties se sont engagées à poursuivre les cinq objectifs de consolidation de la paix et de renforcement de l’État (PSG) : politiques légitimes, justice, sécurité, services et revenus et fondements économiques. 

Cependant, les associations de la société civile estiment que « vu la dimension fourniture de services, dans sa sous-dimension Accès et Bonne Distribution des services de base (santé, éducation, eau, électricité, transport, communication, assainissement…) du PSG5 Revenus et Services, relèvent qu’il sera difficile de les atteindre au regard des prévisions budgétaires allouées à ces secteurs pour atteindre le niveau de résilience ». Et de poursuivre : « S’agissant de l’axe prioritaire du gouvernement visant à stopper la dégradation de la situation économique du pays, la société civile note que les mesures préconisées se sont révélées inefficaces. Car, les paramètres de l’amélioration du climat des affaires sont en train de se détériorer sévèrement, hypothéquant ainsi les capacités du gouvernement à améliorer la mobilisation de ses recettes. 

À titre d’exemple, les sociétés comme Nestlé, Bralima (Boma, Mbandaka) ont fermé et plusieurs entreprises sont pratiquement en cessation de paiement avec risque de mettre les employés en congé technique. »

Par ailleurs, pour ce qui est du critère relatif aux rémunérations, les experts rappellent que la loi de finances publiques 2019 a plafonné le nombre des agents à intégrer au listing de paie pour chaque institution publique même à la présidence de la République. Hélas, la mesure poserait problème dans différents ministères. 

La Fonction publique a simultanément délivré le numéro matricule de la série 8 et 9 aux fonctionnaires catégorisés NU (nouvelles unités). Si la mouvance syndicale de l’Administration publique se félicite dans son ensemble de la mesure prise par Michel Bongongo Ikoli, à son départ du ministère de la Fonction publique, il est cependant déploré une certaine désinvolture népotiste et politique dans presque tous les ministères. Frères, sœurs cousins, belles-sœurs, sympathisants du parti ou regroupement politique du ministre se sont du jour au lendemain retrouvés fonctionnaires de l’État avec, pour certains, des grades de commandement.  

Pourtant, dans la loi des finances publiques 2019, les prévisions des dépenses de personnel se chiffrent à 3 689,93 milliards de FC pour des effectifs de 1 310 404 agents. L’enveloppe des rémunérations prend notamment en compte l’impact du cinquième du premier palier du barème convenu entre le gouvernement et l’intersyndical de l’Administration publique (INAP) d’un import de 286,5 milliards de FC. Certes, il est prévu, selon le ministère du Budget, un collectif budgétaire pour l’exercice 2019 que Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le prochain 1ER Ministre, va devoir présenter à l’Assemblée nationale concomitamment avec la loi de Finances publiques 2020. Mais des experts redoutent déjà un sureffectif dans la Fonction publique.

Pour la mouvance de la société civile, « le faible niveau de mobilisation des recettes est dû principalement au coulage, comprenant la négligence des régies financières et des services d’assiette dans le recouvrement des impôts et taxes, de l’absence de l’informatisation de la chaine des recettes, les détournements des recettes fiscales, la fraude fiscale, la réticence des contribuables à s’acquitter de leurs obligations fiscales, l’incivisme fiscal,  etc. ».  

Sécurité sociale

Pourtant, avec un PIB estimé à 79 735 milliards de FC, la RDC aurait dû avoir un budget d’environ 14 milliards de dollars, estime la société civile qui déplore les contradictions des chiffres avancés par les services de l’État. 

Par ailleurs, à l’analyse des prévisions des dépenses prévues en 2018 (10 313 285 661 199,3 FC), par rubriques et sections, la société civile note un éloignement de la RDC vis-à-vis des objectifs de New Deal pour les États fragiles. L’enveloppe globale des rémunérations est de l’ordre de  2 590 000 000 000 FC, soit 29,05 % du budget global 2018 et 5,3 % du PIB, contre 2 503 602 334 785 FC en 2017. 

Pour la société civile, « les rémunérations des agents publics de l’État sont ainsi inéquitables et non conformes aux dispositions constitutionnelles, légales et règlementaires en la matière, en dépit de ce que leur enveloppe globale représente (…). De même, leurs structures sont aussi non conformes aux dispositions légales sus-évoquées, les primes pour la plupart des cas dépassant largement le salaire de base ». Ce qui, selon les affirmations de la société civile, a des incidences négatives sur les pensions de retraite tant dans le cadre de l’ancien « Régime Octroyé » que de celui du nouveau « Régime Contributif » des retraites. 

La société civile estime que les conditions de vie sociale des agents et fonctionnaires de l’État ne sauraient s’améliorer au regard de la baisse constante de leur pouvoir d’achat. Le montant total alloué aux réformes institutionnelles, notamment celles des réformes des finances publiques, de l’Administration publique et de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel est de l’ordre de 20 000 000 000 FC. Une goutte d’eau dans un océan des besoins financiers.